Savoir encaisser ses pertes

Par André Gosselin | 1 avril 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Une des clés du succès en matière de placement réside dans notre capacité à bien gérer nos émotions, écrit André Gosselin, Ph. D., fondateur de la philosophie de gestion du cabinet Orientation Finance.

Les sentiments désagréables que nous éprouvons face à la mauvaise performance d’un investissement font partie des obstacles à maîtriser pour mieux rebondir.

« C’est effrayant, dit un jour un courtier à un ami, j’ai placé 50 000 $ à la Bourse et la moitié du capital a fondu. Et le pire, c’est que j’y avais mis 500 $ de mon argent. » Cette histoire, sans doute aussi vieille que l’institution boursière elle-même, illustre bien l’image caricaturée que l’on se fait des courtiers en valeurs. Comme nous tous, les professionnels trouvent pénible de perdre de l’argent en Bourse. Ils savent par contre qu’à long terme il n’y a pas de meilleur placement.

Les psychologues qui mesurent nos émotions avec des appareils sophistiqués ont découvert que la « douleur » qui accompagne la perte d’un certain montant d’argent est au moins deux fois plus intense que la joie qui vient avec le gain du même montant. Trouver un billet de 100 $ dans la rue est certes excitant, mais constater qu’un billet de 100 $ a glissé de votre poche est beaucoup plus troublant.

Prenons les deux options suivantes dont les chances mathématiques sont égales :

1- la perte certaine de 85 000 $; 2- une probabilité de 85 % de perdre 100 000 $, mais avec un 15 % de chance de ne rien perdre du tout.

La très grande majorité des individus (plus de 90 %) soumis à ce test ont choisi la seconde option, car la possibilité de ne rien perdre du tout et d’éviter ainsi des sentiments désagréables les a poussés à prendre le risque.

Nous détestons perdre. Nous sommes même disposés à prendre des risques assez élevés pour ne pas encaisser une perte. Les psychologues ont appelé ce phénomène l’aversion à la perte. Paradoxalement, cette attitude a fait perdre des milliers de dollars à des millions d’investisseurs.

Deux chercheurs en finance behaviorale, les professeurs Shefrin et Statman, ont découvert que les investisseurs ont tendance à vendre leurs titres gagnants beaucoup trop tôt, et à conserver leurs titres perdants beaucoup trop longtemps. Ils sont réticents à admettre qu’un titre a représenté un mauvais choix et à encaisser leur perte. Une telle attitude a une conséquence très fâcheuse : le rendement de leur portefeuille est médiocre.

Terrence Odean, un collègue de la même école de pensée, a même mesuré ce phénomène sur le terrain en examinant les comptes de 163 000 clients (la plupart des investisseurs autonomes) d’une firme de courtage à escompte américaine. Ainsi, un titre qui a généré du rendement pour un client a 70 % plus de probabilités d’être vendu qu’un titre qui a généré une perte. Les investisseurs qui acceptent mal de vendre un titre perdant sont de biens piètres investisseurs, lance le professeur Odean. Ils espèrent que son cours boursier reviendra au niveau où ils l’ont acheté, ce qui est trop rarement le cas. En revanche, ils ne laissent pas assez de temps à leurs titres gagnants afin qu’ils puissent réaliser ne serait-ce que la moitié de leur potentiel. En ne profitant pas assez des actions de leurs portefeuilles qui entrent dans une phase de momentum, ils sont incapables d’obtenir les rendements auxquels ils seraient en droit de s’attendre pour les risques qu’ils ont acceptés.

De nombreux arbitragistes professionnels agissent de la même façon. Une étude de Jeffrey Heisler portant sur le marché des contrats à terme en obligations du Chicago Board of Trade a montré que les négociateurs conservent leurs positions perdantes beaucoup plus longtemps que leurs positions gagnantes. En refusant de se débarrasser des titres qui ont perdu de la valeur, et en cultivant l’espoir qu’ils rebondiront un jour, ils obtiennent des rendements très peu concluants.

Les courtiers et planificateurs financiers qui vous conseillent dans vos placements ont bien compris l’importance de ce phénomène. C’est pourquoi ils vont vous appeler en disant qu’il serait temps de procéder à un ajustement de votre portefeuille, pour mieux équilibrer les différentes catégories d’actifs. Une façon détournée et moins pénible de vous demander de vendre les titres qui n’ont pas obtenu les rendements espérés. Si vous n’êtes pas capable de vendre les actions sous-performantes de votre portefeuille, demandez donc à votre conseiller de le faire à votre place.

L’auteur et journaliste Françoise Giroud a eu un mot plutôt inspiré qui peut donner quelque soulagement à ceux qui encaissent difficilement la chute d’un titre : « Ce qui est fascinant, dit-elle, avec l’argent boursier, c’est que, lorsqu’on le perd, en cas de baisse par exemple, il se volatilise, il ne va dans la poche de personne. »

Le contenu de cette chronique a été gracieusement fourni par le cabinet Orientation Finance.

André Gosselin