Scandale Mount Real : quelle conséquence sur les primes des conseillers?

Par Ronald McKenzie | 1 juin 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le dénouement des scandales Mount Real et Norbourg, de même que les millions de dollars prévus en dommages, ne créent pas de difficulté particulière pour les conseillers à obtenir une assurance de responsabilité professionnelle.

En général, les primes n’ont que légèrement augmenté au cours des dernières années, nous ont confié plusieurs conseillers. « En 2010, je payais 980 $ pour une couverture de 1 million de dollars. Cette année, c’est 990 $. La différence est évidemment minime », a indiqué ce conseiller en sécurité financière rattaché à Financière Liberté 55, qui requiert l’anonymat.

Les cabinets non plus ne semblent pas visés par des hausses de primes marquées. « Dans notre cas, c’est très stable depuis 2008 », dit Martin Savard, vice-président exécutif à Mica Capital.

Même son de cloche du côté des cabinets qui ne comptent que quelques représentants, comme chez Planifax. « Les primes pour le cabinet ont augmenté un peu au cours des deux ou trois dernières années. Mais elles ont baissé substantiellement par rapport à ce qu’elles coûtaient il y a une dizaine d’années », note Daniel Bissonnette, président de Planifax.

La Lloyd’s mise en cause

Cette stabilité des primes durera-t-elle longtemps? Mercredi, Conseiller.ca a révélé que les recours exercés dans les dossiers Mount Real et Norbourg se transporteront vraisemblablement sur le terrain de l’assurance de responsabilité professionnelle. Les réclamations se chiffrent à plus de 160 millions de dollars. Dans ces deux cas, il est possible que l’assureur Lloyd’s, un important fournisseur de polices de responsabilité professionnelle au Québec dans le secteur financier, soit mis en cause.

Si la Lloyd’s devait payer, chercherait-elle à se renflouer en augmentant radicalement les primes de ses polices? «Radicalement, non, parce que la Lloyd’s a des réassureurs. Elle peut ainsi redistribuer les risques. Mais c’est sûr qu’il y aurait une augmentation des primes », dit Pierre Lambert, président de GroupAssur, un important grossiste des polices Lloyd’s au Québec. Cependant, toute majoration éventuelle devra tenir compte du marché. Si la Lloyd’s hausse ses primes de façon indue, « elle pourrait perdre sa clientèle », ajoute Pierre Lambert.

Aux yeux de la Lloyd’s, ce scénario du pire est hypothétique. L’assureur britannique est confiant de sortir indemne de ces procédures judiciaires. « Nos contrats sont clairs. Ils comportent des clauses d’exclusion en cas de fraude », dit Me Marc Champagne, qui représente la Lloyd’s.

Dans son recours contre 13 représentants de fonds Norbourg, l’Autorité des marchés financiers (AMF) allègue que les conseillers concernés ont engagé leur responsabilité professionnelle en acceptant divers incitatifs et en touchant des « sommes d’argent inexpliquées et parfois substantielles », en plus de leur rémunération habituelle.

Faux, rétorque Marc Champagne. En entrevue à Conseiller.ca, il a indiqué que ces représentants n’ont bénéficié d’aucun avantage particulier provenant de Norbourg. « Les allégations de liens étroits entre les représentants et Vincent Lacroix n’existent pas. Aucun de ces représentants n’était employé de Norbourg. Personne ne faisait partie de la garde rapprochée de Vincent Lacroix. Ce sont des personnes provenant de diverses régions du Québec. La plupart ont appris ce qui se passait par l’intermédiaire des journaux ou de leurs clients », a rappelé le procureur.

Si la Cour donne raison à Me Marc Champagne, la Lloyd’s pourrait ne devoir rien payer. Mais il serait présomptueux d’aller plus loin puisque ces deux causes n’ont pas encore été instruites. Selon l’AMF, le procès impliquant les anciens représentants de Norbourg ne sera pas entendu pas avant 2015. Quant au recours collectif intenté dans l’affaire Mount Real, on prévoit que le procès aura lieu en 2013.

Climat sain

Revenons à l’assurance responsabilité professionnelle. La diminution des primes au cours de la dernière décennie s’expliquerait entre autres par le climat « très sain » qui caractérise actuellement le secteur des services financiers au Québec, dit Pierre Lambert.

Malgré les cas spectaculaires de Mount Real et de Norbourg, le nombre de condamnations pour faute professionnelle régresse depuis 10 ans au Québec. Sur 100 polices détenues par des conseillers, seulement deux font l’objet de telles condamnations, estime la Lloyd’s. Au début des années 2000, cette proportion oscillait entre 2,5 et 2,7.

Chez Intact Assurance, on n’a pas observé de hausse particulière de réclamations en raison des fraudes ou de la crise financière de la fin de 2008.

« Lors du décloisonnement [des services financiers, début 2000], tout le monde faisait n’importe quoi. On promettait des rendements. Là, on s’est fait ramasser dans plusieurs causes », illustre Pierre Lambert.

Cette situation a atteint son paroxysme avec l’éclatement des scandales Mount Real et Norbourg. Éclaboussée pour son manque de rigueur dans la gestion de ces dossiers, l’AMF a, depuis, mis les bouchées doubles sur les enquêtes. Le régulateur détecte plus rapidement les stratagèmes frauduleux, signale Pierre Lambert.

Daniel Bissonnette ajoute que, dans la foulée de Mount Real et de Norbourg, les conseillers et les chefs de conformité sont maintenant très attentifs aux sollicitations douteuses qui ciblent les épargnants et les investisseurs. Et, à l’autre bout du fil, les employés de l’AMF, mieux formés, sont plus sensibles aux fraudes potentielles. « Ce travail en amont contribue à régler une bonne partie des problèmes à la source et à faire diminuer les plaintes », dit-il.

Pour l’heure, l’accessibilité à des protections en responsabilité professionnelle ne semble pas compromise par les scandales financiers. Pour ce qui est des primes, abordables pour l’instant, il faudra voir comment réagiront les assureurs si les tribunaux rejettent leurs arguments.

Ronald McKenzie