Séduire les propriétaires de PME

Par Emmanuelle Gril | 7 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les petites et moyennes entreprises constituent le moteur de l’économie québécoise et canadienne. Les propriétaires de PME sont donc une clientèle de choix pour les conseillers. Mais comment les approcher ?

« Les propriétaires de PME se lèvent le matin et se couchent le soir en pensant à leur entreprise. Ils en rêvent même la nuit ! Ils travaillent sans cesse à développer leur compagnie et n’ont pas vraiment le temps de recevoir un conseiller ou un planificateur financier. Ce ne sont pas des gens faciles à approcher « à froid », il est préférable de procéder autrement, notamment par référence », indique James McMahon, président, région de Québec du Groupe financier Horizons.

James McMahon

James McMahon

« Le cold call ne fonctionne pas, car les chefs d’entreprise sont très sollicités. Il vaut mieux être présenté par l’un de nos clients », confirme Hugo Laplante, président de Compass Gestion de patrimoine. D’où la nécessité d’adapter sa stratégie à cette clientèle particulière.

Approche personnalisée

M. McMahon estime que le rôle principal d’un conseiller est de définir correctement les besoins du chef d’entreprise : « Il faut savoir quelles sont leurs préoccupations et proposer des solutions dans ce sens. »

« Pour y parvenir, on doit être capable de se mettre dans la peau de l’entrepreneur », mentionne pour sa part Hugo Lehoux, planificateur financier au Groupe Investors, dont la majorité des clients sont des propriétaires de PME et des travailleurs autonomes.

Wael Chiry

Wael Chiry

Wael Chiry, directeur services aux entreprises, Marché PME, à la Banque Nationale, recommande aux conseillers de se tenir au courant des besoins et des défis des PME. « Il est essentiel de s’intéresser à l’entreprise et à ses activités, ce qui permettra notamment de développer un lien de confiance avec l’entrepreneur. De plus, il faut savoir vulgariser l’information et les termes très techniques. Car si certains patrons de PME ont des connaissances financières approfondies, ce n’est pas le cas de tous », explique-t-il.

M. Lehoux conseille également d’adopter une approche solution plutôt qu’une approche produit. « Il arrive que les conseillers sollicitent les entrepreneurs en leur parlant de stratégies fiscales, mais qu’au bout du compte ils leur vendent un produit d’assurance. Ce n’est pas une méthode gagnante à long terme », souligne-t-il.

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Autre bonne façon de tirer son épingle du jeu face à la concurrence pour conquérir les patrons de PME : proposer des services différents. Éric Piché, directeur du développement des affaires, assurance et rentes collectives au Groupe Finaction, mentionne qu’il offre un soutien global dans l’administration de l’assurance collective de ses clients. « Nous prenons en charge toutes les transactions : inscription et annulation des employés, modifications, etc. Les entrepreneurs peuvent donc consacrer davantage de temps à ce qui est important pour eux : leur compagnie ! », dit-il.

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« C’est une clientèle qui n’est pas facile à aller chercher. Un dirigeant de PME porte souvent plusieurs chapeaux, alors il faut être respectueux de son temps. »

– Éric Piché, directeur du développement des afaires, assurance et rentes collectives au Groupe Finaction

Le conseiller peut aussi endosser le rôle de « coach financier » grâce à son expertise, remarque M. McMahon. « Les entrepreneurs ont souvent des comptables ou des fiscalistes qui travaillent pour eux, mais dès qu’ils les contactent pour leur demander conseil, le compteur tourne et cela finit par coûter cher ! Quant à nous, nous ne sommes pas rémunérés à l’heure, mais à la vente de produits. On peut aussi demander qu’on nous recommande des clients potentiels, ce qui est une autre forme de rémunération, d’une certaine façon. »

De solides connaissances dans différents domaines sont donc indispensables si l’on veut se distinguer, par exemple en fiscalité. D’où la nécessité de suivre régulièrement des formations. « Il ne s’agit pas de prendre la place des comptables ou des fiscalistes, en revanche, ces derniers peuvent avoir tendance à travailler en silos. Or, un planificateur qui a une expertise en matière de lois fiscales peut être d’excellent conseil pour un entrepreneur, car il peut proposer une approche plus globale, par exemple en mettant des structures ou des mécanismes en place pour la retraite », souligne Hugo Lehoux.

Hugo Laplante

Hugo Laplante

S’orienter vers un secteur d’activité en particulier peut aussi être une bonne stratégie, ce qui permet de développer une expertise spécifique. Pour sa part, 70 % de la clientèle d’affaires d’Hugo Laplante exerce dans le domaine immobilier.

Faire preuve de flexibilité et être disponible au moment où les entrepreneurs le sont est également indispensable, conseille Wael Chiry. « À cela, on doit ajouter une grande rigueur dans nos suivis, ce qui permet de démontrer notre sérieux », ajoute-t-il.

Nombre d’entreprises au Québec

235 075 petites entreprises (1-99 employés)

4 301 moyennes entreprises (100-499 employés)

590 grandes entreprises (500 employés et plus)

Source : Principales statistiques relatives aux petites entreprises, juin 2016. Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

PATIENCES ET LONGUEUR DE TEMPS… 

La plupart des experts interrogés dans le cadre de cet article s’entendent pour dire que la patience est de mise pour développer ce segment de marché. « C’est une clientèle qui n’est pas facile à aller chercher. Un dirigeant de PME porte souvent plusieurs chapeaux, alors il faut être respectueux de son temps. On peut faire un premier pas en identifiant les personnes qui, dans notre clientèle individuelle, pourraient avoir des contacts avec des personnes-clés dans l’entreprise. Trois ou quatre ans sont parfois nécessaires pour gagner un nouveau client chez les dirigeants de PME », prévient Éric Piché.

« On ne doit pas abandonner au premier « non », poursuit-il. Il faut continuer à partager des informations pertinentes susceptibles de les aider dans la gestion financière de leur entreprise. En tissant la relation de façon progressive, il y a davantage de chances que le client pense à vous lors du renouvellement de ses produits d’assurance ou pour combler de nouveaux besoins. »

Hugo Lehoux

Hugo Lehoux

M. Lehoux confirme qu’il s’agit effectivement d’un travail de longue haleine : « Cela prend du temps. On doit d’abord se faire connaître, construire un réseau de personnes qui seraient susceptibles de nous mettre en contact avec des entrepreneurs. Lors de la première rencontre, je me borne généralement à me présenter et à expliquer mon travail. Il faut demeurer léger et éviter la pression », dit-il.

Hugo Laplante partage le même avis : « En premier lieu, je tâche d’établir une certaine relation, et je mise sur une approche assez informelle. Lors du premier rendez-vous, j’opte pour une présentation courte et bien ciblée. Ce sont des gens occupés qui ont peu de temps à consacrer à la planification », estime-t-il.

Et une fois le contact établi, il faut bâtir un lien de confiance. Pas de doute, ce n’est pas un marché que l’on peut conquérir du jour au lendemain…

UNE CLIENTÈLE SPÉCIFIQUE

• On fait ses devoirs avant la rencontre, conseille Hugo Laplante : « On se renseigne sur l’entreprise et l’étape du cycle de vie où elle est rendue : démarrage, croissance, maturité ou déclin. Cela permet de mieux orienter la discussion. »

• Il faut être clair et concis dans ses présentations. « C’est plus direct quand on s’adresse à un chef d’entreprise, on n’y va pas par quatre chemins », dit M. Lehoux.

• Voici quelques suggestions de produits que l’on pourrait proposer à un chef d’entreprise : assurances pour protéger les personnes-clés (patron, actionnaires principaux, etc.), assurance vie, assurance-invalidité, assurance maladies graves, assurances collectives pour les employés (assurances soins de santé, médicaments, dentaire, invalidité, etc.), fonds de retraite des actionnaires.

• Attention : certains entrepreneurs possèdent de solides connaissances financières. Attendez-vous à ce que vos idées soient confrontées !


• Ce texte est paru dans l’édition de février 2017 de Conseiller

Emmanuelle Gril