Testaments et mandats : des pièges à éviter

Par Frédérique David | 10 octobre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Me François Desmarais, directeur régional, successions et services fiduciaires à la Compagnie Trust CIBC. Photo : Frédérique David

Derrière les clauses des mandats et des testaments se cachent des humains aux aspirations très variables.

Lors du congrès annuel de l’Association de planification fiscale et financière (APFF) mercredi, Me François Desmarais, directeur régional, successions et services fiduciaires à la Compagnie Trust CIBC, a relevé quelques écueils auxquels il a vu des professionnels se frapper au cours des années.

Des pièges à éviter

À titre de fiduciaire professionnel, Me Desmarais doit régulièrement interpréter et appliquer des clauses rédigées par des avocats et des notaires. Il a parfois des surprises, comme lorsqu’il est tombé nez à nez avec ce testament exigeant une remise différée des biens du testateur.

« C’est une première en plus de 20 ans de pratique comme administrateur de fiducies! admet Me Desmarais. Mon client a une relation tellement difficile avec son ex-conjointe qu’il a décidé que le fiduciaire ne pourra remettre aucune somme à son fils tant que celle-ci sera en vie. Il craint que son fils ne remette des sommes de la fiducie à sa mère. S’il y a un piège ici, c’est le fils qui est piégé! »

Dans un autre testament, rédigé en 1997, un testateur a décidé d’inclure une maison qu’il détenait dans le lot attribué à sa fille en prenant pour base l’évaluation municipale de l’année de son décès jusqu’à concurrence d’une valeur maximale de 250 000 $.

« Le problème, c’est que la maison valait 590 000 $ lorsque le testateur est décédé, indique Me Desmarais. La fille a donc reçu 665 000 $ alors que son frère a reçu 325 000 $. »

Le conférencier s’est également rappelé ce mandat dans lequel le mandant demande à son mandataire aux biens de ne pas divulguer à son mandataire à la personne ou à des membres de sa famille toute information confidentielle ou de nature financière.

« En toute bonne foi, le mandataire à la personne veut savoir combien d’argent est disponible pour payer l’hébergement de la personne, explique Me Desmarais. Cette clause qui paraissait anodine a rapidement posé problème. »

Les clauses utiles

Parmi les clauses que Me Desmarais considère comme des « bijoux » figure celle-ci, extraite d’un testament fiduciaire : le testateur impose au fiduciaire de consigner et de conserver les informations sur sa fiducie.

« C’est une clause que nous aimons beaucoup! s’exclame Me Desmarais. Nous avons des livres de minutes pour nos compagnies, pourquoi n’avons-nous pas de livres de minutes pour nos fiducies? Nous administrons des fiducies pendant de nombreuses années et un fiduciaire a toujours l’obligation de rendre des comptes à la fin de son administration. Pour le faire de façon claire et efficace, nous devrions être en mesure de consigner les décisions. »

Par ailleurs, l’empiètement sur le capital est un sujet qui suscite de nombreuses discussions, selon Me Desmarais, qui recommande aux notaires et aux avocats d’écrire clairement ce que veulent leurs clients lorsqu’ils ont une idée précise en tête.

À cet effet, il cite une clause où une cliente permet à ses fiduciaires d’empiéter sur le capital de la fiducie si les revenus nets générés par les biens détenus en fiducie ne permettent plus à son conjoint de maintenir le même train de vie qu’ils avaient de leur vivant.

Dans un autre cas de figure, la testatrice autorise un empiètement sur le capital pour que sa fille puisse « maintenir ou améliorer son train de vie ».

« Il y a clairement un piège ici, souligne Me Desmarais. La bénéficiaire pourrait vider la fiducie rapidement si elle le voulait. Avec un texte comme celui-ci, nous nous voyons mal lui refuser une demande d’empiètement sur le capital si elle décidait de voyager trois fois par année. Je ne suis pas convaincu que la testatrice avait compris tout cela quand elle s’est fait lire le testament. »

Que faire devant une cliente qui confie que son « fils serait tout à fait le genre à la placer dans un endroit où cela coûte moins cher pour hériter de plus d’argent quand elle va mourir »?

Le notaire confronté à cette situation délicate a très bien répondu aux craintes de cette femme, souligne Me Desmarais, indiquant dans son mandat qu’elle devra, en cas de perte d’autonomie, bénéficier d’un lieu d’hébergement « haut de gamme ».

Dans le même ordre d’idées, Me Desmarais cite une clause dans laquelle la mandante interdit à ses mandataires de vendre, donner ou se départir de ses bijoux jusqu’au moment de son décès afin qu’ils soient légués à sa meilleure amie.

« Avoir une clause comme celle-ci va nous éviter des problèmes dans l’avenir », dit-il.

Les données informatiques

L’avènement des technologies a amené de nouvelles clauses. Un client a déjà exigé que son disque dur d’ordinateur soit détruit « physiquement », illustre le conférencier.

Alors que de plus en plus de transactions se font sur Internet, la transmission des codes d’accès peut également devenir un problème en cas de décès ou d’inaptitude d’une personne. Me Desmarais recommande donc de mettre une clause dans un mandat en cas d’inaptitude afin que les institutions puissent donner les codes d’accès au mandataire.

Conseiller au congrès de l’APFF :

Frédérique David