Trois spécialistes d’actions canadiennes se prononcent

12 mai 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La chroniqueuse de Morningstar, Sonita Horvitch, a demandé l’avis de trois spécialistes des actions canadiennes sur le secteur de l’assurance-vie, de la production d’énergie et des mines aurifères. Voici les grandes lignes de cette table ronde.

Les trois panélistes et leur vision :

  • Kim Shannon, présidente et directrice générale de Gestionnaires de placements Sionna :

« Dans nos modèles, beaucoup de titres énergétiques sont parmi les moins chers sur le marché canadien. »

  • Martin Hubbes, directeur général des investissements à Placements AGF :

« Le secteur du gaz naturel pourrait ne pas avoir la cote pendant un certain temps… »

  • Ian Hardcare, vice-président à Invesco Trimark :

« La Manuvie n’est plus une favorite des investisseurs; son action est conforme à notre philosophie de placement. »

COMAGNIES D’ASSURANCE-VIE Question : Le consensus autour de cette table est que les banques canadiennes sont chères. Qu’en est-il des compagnies d’assurance ?

Ian Hardacre : Nous détenons une position importante dans la Financière Manuvie (MFC; par l’entepmise du Fonds canadien Trimark). Elle représente environ 3 % du fonds et se classe dans les 10 premiers avoirs. Nous y avions une petite position, et comme la Manuvie a perdu du terrain au cours des 12 derniers mois, nous avons augmenté notre position. Il est improbable que le rendement des capitaux propres de la Manuvie retourne au niveau d’autrefois. Mais le rendement de ce titre par rapport au risque est positif. La Manuvie n’est plus une favorite des investisseurs; son action est conforme à notre philosophie de placement. La Financière Sun Life (SLF) a aussi dans une certaine mesure connu une baisse de popularité. Je ne détiens pas d’actions de la Sun Life.

Martin Hubbes : Je détiens des actions de Manuvie. Il s’agit d’un placement sur plusieurs années. Cela va prendre du temps à Manuvie pour résoudre ses problèmes.

Kim Shannon : Nous n’avons acquis des actions de la Manuvie que récemment. Nous ne possédions pas ce titre auparavant parce que c’était l’une des compagnies d’assurance les plus dynamiques dans sa gestion et dans sa comptabilité. Il s’est avéré que la compagnie gérait très mal le risque, ce qui a créé une formidable occasion pour un gestionnaire axé sur la valeur.

MH : Je détiens des actions de Sun Life. J’ai eu d’assez bons résultats pendant la crise financière en restant prudent.

KS : J’en possède aussi. Plusieurs assureurs apparaissent dans nos modèles en tant que placement offrant de la valeur. Je détiens des actions d’Intact Corporation Financière (IIC).

MH : J’ai des actions de L’Industrielle Alliance et services financiers (IAG), qui se sont bien comportés durant la crise financière. Elle possède une marge de croissance importante.

SECTEUR ÉNERGÉTIQUE Question : Passons à l’énergie, un autre secteur à la pondération lourde dans l’Indice composé S&P/TSX.

IH : Il y a environ 12 mois, nous n’avions presque aucune participation au secteur énergétique lorsque le prix de pétrole était de 140 $US le baril. Puis il a chuté à 40 $US et nous avons établi une pondération de 10 à 15 % au secteur canadien de l’énergie pour ce portefeuille. À l’heure actuelle, elle est de 18 %. Nous n’avons pas réellement ajouté de titres du secteur énergétique pendant quelque temps. Nous avons établi une position importante dans Cenovus Energy (CVE), l’entreprise dérivée des actifs pétroliers d’EnCana Corp. (ECA). Elle détient des actifs de qualité et générera des flux de trésorerie solides dans quelques années. Notre position dans Suncor Energy (SU) est également convenable. L’action n’est plus populaire. Il va falloir plusieurs trimestres pour achever sa fusion avec Petro-Canada.

KS : Notre position est légèrement surpondérée dans le secteur énergétique, à 28 % – 29 %. La pondération du marché est de 26,5 %. Dans nos modèles, beaucoup de titres énergétiques sont parmi les moins chers sur le marché canadien. Il y a une occasion dans les titres de gaz naturel. Fait intéressant, la grande dame des compagnies d’énergie de qualité, L’Impériale (IMO) représente dans nos recherches l’un des 30 titres canadiens les moins chers. Ce n’est presque jamais le cas. Cela montre combien ce secteur est évalué à des prix raisonnables.

Le titre énergétique le plus attrayant est EnCana. Il détient 6 $ d’encaisse par action sur une action de 30 $, ce qui est assez significatif. Son ratio passif/actif est de 0,47 et étant donné les flux de trésorerie importants qu’elle génère, nous ne pouvons parler de risque financier, ce qui est important pour nous. EnCana se négocie à 12 fois les bénéfices mobiles pour une société de classe mondiale, un producteur de gaz naturel à faible coût en Amérique du Nord. Son capital est bien géré sous la coupe de son PDG, Randy Eresman, qui prévoit de doubler la production. Le gaz naturel se négocie à des niveaux trop bas.

MH : Je détiens 21 % dans le secteur de l’énergie avec le Fonds titres canadiens AGF. La plus grande position est Suncor avec 5,5 %, et c’est l’un de mes choix pour cette table ronde. Nous détenions à la fois Suncor et Petro-Canada avant la fusion. C’est une occasion importante à saisir pour améliorer la gestion des actifs combinés. Le titre est bon marché, car tout le monde le hait.

KS : Nous détenons tous les trois Suncor. J’aime Suncor. Le titre se comporte vraiment bien dans nos modèles.

MH : Tout le monde s’est enthousiasmé des occasions de synergies créées par la fusion. Lorsqu’elles ne se sont pas matérialisées dans les bénéfices du premier trimestre, les investisseurs ont été déçus. Il faut être patient. Ce sont deux grandes sociétés possédant des réserves de longue durée et il va falloir du temps pour mettre tout ça en ordre. Suncor bénéficie d’une forte équipe de gestion qui, au fil du temps, tirera beaucoup de valeur de l’acquisition de Petro-Canada. Il est facile d’évaluer la durée des réserves de la compagnie.

Les projets de sables bitumineux donnent à ces acteurs le luxe de réserves de longue durée. Il faut être optimiste sur le prix du pétrole à long terme, étant donné la demande des économies émergentes. Je suis très optimiste sur le secteur de l’énergie à long terme.

IH : Kim est optimiste en ce qui concerne le gaz naturel. Nous l’avons été pendant un temps. Mais le prix du gaz naturel prend du temps à beaucoup s’améliorer. La participation de notre portefeuille au secteur du gaz naturel est assez élevée. Nous détenons EnCana. Ses chiffres récents étaient bons et cela n’a intéressé personne. C’est un bon signe pour un gestionnaire axé sur la valeur.

KS : Ça l’est.

MH : Le secteur du gaz naturel pourrait ne pas avoir la cote pendant un certain temps. L’évaluation du secteur est bonne, mais je pense que les idées de croissance dans le secteur de l’énergie sont un peu surévaluées en ce moment.

SECTEUR AURIFÈRE Question : Le secteur des matériaux est une autre pondération importante dans l’Indice composé S&P/TSX à presque 20 %. Concentrons-nous sur les titres aurifères, qui représentent environ 12 %.

IH : Nous avons toujours eu une position dans les titres aurifères. Ils représentent 6 % du Fonds canadien Trimark. Nous détenons la société de redevances sur les ressources Franco Nevada Corp. (FNV) et avons possédé Yamana Gold (YRI) pendant des années. Elle est bon marché sur une base relative. Nous utilisons le ratio cours/flux de trésorerie. Nous détenons également Aura Minerals (ORA). Ce titre est aussi incroyablement bon marché. En général, j’aime les actions aurifères. Elles ne se sont pas maintenues au niveau du prix des matières premières.

MH : Historiquement, je ne détenais pas de titres aurifères dans le Fonds titres canadiens AGF jusqu’à ces deux dernières années. À l’heure actuelle, nous détenons 9,4 % d’actions aurifères. À court terme, leur rendement a été moyen, mais à long terme, il y a un certain potentiel. Je suis un peu inquiet de la croissance de la masse monétaire et l’or est une bonne protection. En tant que gestionnaire axé sur la croissance, nous avons dû chercher parmi les sociétés à moyenne capitalisation.

Nous avons vendu nos actions de Yamana, qui sera mon exemple de titre vendu pour cette table ronde. Oui, il était bon marché, mais il pouvait le rester pendant encore un moment. À sa place, j’ai acheté IAMGOLD Corp. (IMG). Un grand changement est que j’ai récemment créé une position dans Barrick Gold Corp. (ABX), qui en tant que société aurifère à grande capitalisation a la capacité de produire d’assez bons bénéfices, étant donné que ses coûts d’approvisionnement sont maîtrisés et que le prix du lingot a fortement augmenté. La société a supprimé sa couverture de production. Ma plus grande participation aurifère est dans Goldcorp (G) à 2,8 %.

IH : Il y a eu un changement positif au niveau de la gestion.

MH : Oui.

KS : Traditionnellement, si l’on était un gestionnaire axé sur la valeur, on ne détenait pas de titres aurifères, parce qu’ils se négocient généralement à des ratios élevés. Fait intéressant, à l’heure actuelle, Barrick Gold est parmi les titres canadiens les moins chers selon nos modèles, ce qui est assez rare. Nous avons toujours eu une participation aux titres aurifères et il y a quelques années, nous avons augmenté notre pondération. L’or permet de stocker de la valeur. Il n’est pas corrélé au reste du marché. Ma plus grande participation aurifère (dans le Fonds d’actions canadiennes Brandes Sionna) est Barrick Gold. J’ai 14 % dans le secteur des matériaux, y compris les titres aurifères.

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Avant de se joindre à Morningstar, Sonita Horvitch a travaillé pour le National Post et son prédécesseur, le Financial Post, où elle était connue pour sa chronique Buy & Sell. La journaliste financière trace régulièrement le portrait de gestionnaires de fonds et de leurs stratégies. Elle détient une maîtrise en économie des affaires de l’Université du Witwatersrand à Johannesburg, Afrique du Sud.