Trouvez la banque…

Par Jean-Philippe Cipriani, L’actualité | 8 avril 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Y a-t-il deux poids, deux mesures quand il est question de transparence? Une affaire soulève la question. Elle concerne le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), c’est-à-dire le chien de garde fédéral contre le blanchiment d’argent.

Mardi, en plein scandale des Panama Papers, le CANAFE annonce qu’il impose une pénalité de plus de 1,15 million de dollars à une banque canadienne.

Quelle banque? L’agence fédérale n’a pas voulu le dire. Quelle faute? Là encore, pas beaucoup de détails. Le CANAFE se borne à dire que l’institution en question a omis de rendre compte d’une transaction suspecte de 10 000 $ ou plus vers une destination à l’extérieur du Canada.

C’est un peu court. Une amende de 1,15 M$, ce n’est pas banal. Surtout que c’est la première fois qu’une banque est sanctionnée en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Déjà sous le feu des projecteurs avec le scandale des Panama Papers, la Banque Royale a assuré qu’elle n’était pas la banque sanctionnée. Ce n’est pas Desjardins non plus, qui n’est pas une banque à charte fédérale. Contactées par L’actualité, la Laurentienne, la Banque nationale, la TD et la Scotia assurent aussi qu’elles n’ont pas été prises en défaut. Cela laisse dans le rang des suspects la Banque de Montréal et la Banque CIBC, qui n’ont pas donné suite à nos appels.

Mais pourquoi en taire le nom? L’agence invoque son « droit discrétionnaire » et explique qu’elle espère surtout envoyer un message de dissuasion. Au téléphone, la porte-parole ajoute que sur les 74 infractions constatées depuis 2008, le nom du fautif n’a pas été divulgué dans 34 cas.

Une explication qui ne convainc pas les experts en crimes financiers, dont certains estiment que le CANAFE enfreint ses propres standards.

Le choix du CANAFE est dommageable sur plusieurs plans. D’abord, toutes les institutions canadiennes deviennent soudain suspectes et donc, victimes collatérales.

Mais il y a plus. Quand une petite société est prise en défaut, le CANAFE ne se gêne pas pour publier un communiqué de presse afin de souligner son faux pas, accompagné du montant de l’amende de quelques milliers de dollars.

Le fait qu’il taise le nom d’une banque laisse la désagréable impression d’un deux poids, deux mesures.

Les grandes banques canadiennes jouissent d’un traitement de faveur? En 1998, quand le ministre des Finances Paul Martin a refusé la fusion des quatre grandes banques en deux méga-institutions, il a mis en garde contre le pouvoir qu’accapareraient de tels mastodontes. Il a resserré la réglementation à l’égard des institutions financières, ce qui a d’ailleurs grandement contribué à prémunir le Canada contre la crise financière de 2008.

Dans le cas du CANAFE, le ministre des Finances, Bill Morneau, devrait peut-être s’en mêler. Surtout pour un gouvernement qui s’est fait élire sur la promesse de transparence.

Un petit joueur visé?

Selon le Toronto Star, BMO et CIBC ont également déclaré ne pas être la banque mise à l’amende par le CANAFE pour avoir omis de déclarer une transaction suspecte.

Ce qui laisse dans la liste des suspects 15 petits joueurs canadiens et 36 filiales d’institutions étrangères opérant au Canada.

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Jean-Philippe Cipriani, L’actualité