Un nouveau régime de retraite gouvernemental

Par Charles-Antoine Rouyer | 19 juin 2008 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Un récent rapport de l’Institut C.D. Howe propose la création d’un régime supplémentaire de retraitegouvernemental pour combler les lacunes des régimes deretraite en milieu de travail et de l’épargne-retraite individuelle,tout en critiquant sévèrement les coûts élevés des produits deplacement au détail. Les Canadiens pourraient d’ailleurstransférer les actifs de leur REER au sein de ce régimesupplémentaire.

L’étude du consultant torontois en régime de retraite etenseignant à la Faculté de gestion de l’Université de TorontoKeith Ambachtsheer s’intitule « Le régime supplémentaire deretraite du Canada (RSRC) : Vers un régime de retraite adéquatet abordable pour tous les Canadiens».Les faiblesses du système actuel sont doubles, selon le rapport.« Premièrement, 3,5 millions de travailleurs canadiens n’ontaucun régime de retraite en milieu de travail et n’épargnent passuffisamment pour s’assurer un train de vie acceptable à laretraite. La deuxième lacune concerne les 5,5 millions de foyerscanadiens dont l’épargne-retraite est investie dans des produits de détail, affichant des coûts devente et de gestion élevés. »

Les piliers de l’épargne-retraite,qui reposent sur les régimesprivés d’un employeur, lesrégimes de retraite agréés (RRA)et les REER, ne seront passuffisants en raison « du faibletaux d’épargne et des coûtsélevés », prévient le rapport.

« Notre étude identifie deux problèmes, résume Keith Ambachtsheeren entrevue. Il y a tout d’abord un problème de protection[concernant l’épargne-retraite] pour les personnes à revenumoyen qui travaillent pour des petites et moyennes entrepriseset qui n’ont pas de régime de retraite de leur employeur. »Le deuxième problème est la différence de coût par dollarinvesti dans son épargne-retraite. « Il existe un différentiel d’au moins 2 % de coûts entre un fonds commun de placementet un régime de retraite.»

Keith Ambachtsheer propose le Régime supplémentaire deretraite du Canada (RSRC) qui serait obligatoire pour lespersonnes qui n’ont pas de régime en milieu de travail, quiserait responsable des placements et qui verserait une renteviagère, à l’image de l’Office d’investissement du Régime depensions du Canada pour les RPC et de la Régie des rentes duQuébec (RRQ). Ce programme devrait être national dans lemeilleur des cas, voire sous-national ou provincial.

En bref, ce régime public supplémentaire afficherait les caractéristiquessuivantes :

• inscription automatique pour tous les travailleurs noncouverts;

• mécanisme de prélèvement salarial similaire au RPC/RRQ;

• soumission à la réglementation et à la fiscalité des régimesactuels;

• cible de 60 % de taux de remplacement du revenu à la retraite;

• plancher et plafond de revenus pour les prélèvements(respectivement 30 000 $ et 111 111 $);

• taux forfaitaire unique de contribution (10 % proposé – touten soulignant que ce paramètre serait le plus complexe àdéterminer);

• possibilité de refuser d’y participer;

• possibilité de participer volontairement (pour les employeurs/employés qui refusent de participer mais qui désireraientutiliser les infrastructures du régime supplémentaire);

• possibilité de transférer les actifs d’un REER dans un compte épargne-retraite individuel au sein du régimesupplémentaire;

• fonctionnement du régime supplémentaire indépendant dugouvernement.

Des fonds communsde placement tropgourmands : un trou de100 000 $ à l’arrivée ?

Les fonds communs de placement coûteraient100 000 $ de moins en épargne-retraite lorsqu’untravailleur ayant gagné 50 000 $ par an devient rentier,conclut le consultant torontois en régime de retraite etenseignant à la Faculté de gestion de l’Université deToronto Keith Ambachtsheer, qui a signé une étude surla crise de l’épargne-retraite au Canada pour l’InstitutC.D. Howe (voir texte ci-haut).

« Nous avons utilisé le modèle du cycle de vie de laconsommation », précise Keith Ambachtsheer. Pouravoir une retraite équivalente à 60 % de son revenu,les régimes d’épargne-retraite à faible coût et biengérés dégagent des gains supplémentaires. Celareprésente un différentiel de 5 % pour un revenumoyen de 50 000 $. Sur 40 ans, avec les intérêtscomposés, cela représente 2 500 $ par an, donc100 000 $. »

Mais alors, les fonds communs de placement sont-ilsbel et bien, comme les véhicules utilitaires sports(VUS), des instruments de placement particulièrementgourmands au kilomètre ? « J’adore l’analogie.Cela vient résumer exactement le coeur du problème.Des placements très gourmands et qui ne donnentpas le même kilométrage au bout du chemin.»

À la place, Keith Ambachtsheer proposerait un régimede pension hybride, entre prestations déterminées etcotisations déterminées. Les travailleurs seraientobligés de cotiser dans un fond de retraite supplémentaire« mais, au lieu de recevoir tout leur capitald’un coup, ils percevraient une rente viagère.»

Mais si les travailleurs vivent assez longtemps pourépuiser leur capital ? Keith Ambachtsheer pense quecela est rarement le cas, évitant ainsi la questioninéluctable. Il préfère ne pas se prononcer non plus ence qui concerne le partage du risque par les retraités.

« Mon étude s’est efforcée de décrire la forêt et nonde décrire un des arbres. J’ai montré que, sur15 millions de travailleurs canadiens, 5,5 millionsont un régime de retraite trop coûteux.»

Le rapport de l’Institut C.D. Howe, cliquez ici

Charles-Antoine Rouyer