« Un ramassis de clichés et d’incohérences »

Par La rédaction | 8 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les conseillers en ont visiblement marre d’être assimilés à des fraudeurs ou des charlatans, comme en témoigne la réaction de plusieurs d’entre eux à un article de La Presse, dont Conseiller faisait état hier.

Cet article, publié en lien avec le verdict de culpabilité pour fraude prononcé à l’endroit des dirigeants de Cinar, rappelait les cas habituels de Vincent Lacroix et d’Earl Jones, et présentait les modifications proposées à l’Autorité des marchés financiers (AMF) et au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) dans le budget provincial, pour « mettre K.-O. les conseillers financiers fraudeurs et incompétents, avant qu’ils ne dépouillent les petits épargnants de millions de dollars ».

Le hic, c’est que Vincent Lacroix et Earl Jones n’ont jamais été des conseillers inscrits, et que le Fonds, même une fois les modifications en vigueur, n’indemnisera que les investisseurs floués par des représentants inscrits.

Les réactions n’ont pas tardé. Fabien Major, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective, s’est dit « profondément choqué et insulté par ce ramassis de clichés et d’incohérences ».

Il n’est pas plus tendre envers les projets de modifications à l’AMF et au FISF : « Ce projet rate la cible totalement, nous écrit-il. Si la très grande majorité des fraudes financières ont eu lieu en dehors des réseaux surveillés par l’AMF, il m’apparaît évident que c’est dans les secteurs non réglementés que les efforts doivent être déployés. À la place, l’appareil gouvernemental a choisi de diriger ses efforts encore une fois vers les professionnels dûment encadrés. »

Outré, il ajoute que le taux de fautes lourdes chez les conseillers inscrits est extrêmement bas (0,00007 % des représentants inscrits auprès de la Chambre de la sécurité financière en 2014).

DES PROPOSITIONS QUI AGACENT

Plus que l’article de La Presse, ce sont les propositions de modifications à l’AMF et au FISF qui dérangent. L’absence des conseillers du comité de révision et de gestion du FISF heurtent notamment ceux-ci.

Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), rappelle que son organisme réclame l’inclusion de représentants des conseillers dans la gestion du fonds, lequel est financé par les conseillers.

Pour Philippe Pratte, président de Pratte gestion de portefeuille, « l’AMF rate une opportunité intéressante d’inclure les représentants de l’industrie dans la consultation et dans les divers comités. Ils détiennent pourtant beaucoup d’information et un grand désir de maximiser la protection de leurs clients. »

Sur le fond, il rappelle que le FISF existe pour protéger les investisseurs qui font preuve de diligence raisonnable en vérifiant au moins que leur conseiller est inscrit et bien en règle. Ce qui aiderait à éviter les cas de fraudes impliquant de « faux conseillers » sans permis.

PRÉVENIR PLUTÔT QUE GUÉRIR

De son côté, Mario Grégoire, président du conseil d’administration et directeur général du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF), rappelle que l’indemnisation n’est qu’un moyen ultime de garantir le maintien de la confiance des épargnants envers l’industrie et ses professionnels.

C’est en amont des fraudes qu’il faut agir selon lui, en faisant de la prévention. « C’est souvent l’option la moins chère et la plus performante », affirme-t-il.

Il est d’avis que la mission d’éduquer le public revient à l’AMF, mais que le mouvement associatif de l’industrie doit aussi faire de la prévention auprès des professionnels, une préoccupation qui devrait être reflétée dans le projet de loi que s’apprête à déposer le gouvernement du Québec.

LES AUTORITÉS SONT D’ACCORD

C’est d’ailleurs sur la question de la prévention que se rejoignent les conseillers et les autorités de réglementation. Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF, rappelle que l’organisation diffuse beaucoup de publicités pour convaincre les consommateurs de l’importance de choisir un conseiller dûment enregistré.

Son de cloche similaire du côté de la présidente de la Chambre de la sécurité financière (CSF), Me Marie Elaine Farley. Elle indique que la Chambre a également émis beaucoup de publicités au cours de la dernière année pour expliquer aux citoyens et aux médias son rôle d’encadrement des conseillers inscrits, mais aussi pour éduquer les investisseurs quant à l’importance de choisir un conseiller inscrit.

« Le public doit savoir à quoi s’attendre d’un conseiller inscrit à la CSF, mentionne-t-elle en entrevue avec Conseiller. Bien sûr, s’il n’est pas inscrit, il ne faut pas faire affaire avec lui. Mais s’il l’est, les investisseurs doivent tout de même avoir une idée du type de services qu’il doit leur offrir. Ils doivent savoir quoi faire si le conseiller ne leur pose pas de questions, s’il ne fait pas leur profil d’investisseur ou leur propose des produits complexes sans bien les expliquer, par exemple. C’est vraiment par la prévention que l’on va diminuer le nombre de cas de fraude financière. »

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