Une guerre de devises

Par Cimon Plante | 22 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Tout récemment, la Réserve fédérale américaine a entamé son troisième processus d’assouplissement quantitatif. L’institution a donné son engagement d’acheter des titres hypothécaires à hauteur de 40 milliards de dollars par mois. Selon elle, l’injection de liquidités fera baisser les taux d’intérêt et encouragera les investissements, ce qui entraînera la création de plus d’emplois et une baisse du chômage. Mais certains craignent que ce geste puisse créer des tensions qui provoqueraient une guerre de devises.

Les conséquences de l’action de la Réserve fédérale sont de faire baisser la valeur du dollar américain et de pousser les investisseurs à trouver de meilleurs taux à l’étranger. En conséquence, les devises étrangères sont appelées à s’apprécier par rapport au dollar américain. Ceci désavantage donc la position concurrentielle des autres grands pays sur les marchés internationaux, ce pour quoi le ministre des Finances brésilien, Guido Mantega, a réitéré ses avertissements d’une guerre des monnaies.

Interrogé par le Financial Times, M. Mantega a déclaré que la décision des États-Unis était le reflet d’une politique protectionniste et que ses conséquences peuvent être dramatiques pour le reste du monde. Selon le ministre, il y avait déjà beaucoup de liquidités dans l’économie, mais elle n’était pas utilisée de façon productive.

Cimon Plante, Financière Banque Nationale

Une monnaie plus faible aide les exportateurs d’un pays en réduisant le coût de leurs produits sur les marchés étrangers. Inversement, une monnaie plus forte fait mal. Il vous suffit de regarder le déficit commercial du Canada et vous pouvez voir l’impact d’une devise en croissance.

Les guerres monétaires offrent le triste spectacle de multiples partenaires commerciaux se volant de la croissance. L’histoire nous montre qu’elles peuvent dégénérer en crises inflationnistes, en récessions et en conflits diplomatiques.

Les dernières manchettes sur l’affaiblissement de la valeur du dollar américain, les commentaires du ministre brésilien et la manipulation de la monnaie en Chine sont autant d’indicateurs d’un conflit de plus en plus présent.

Notez qu’une semaine avant l’annonce de la Réserve fédérale, la Banque centrale européenne a présenté une politique similaire. De plus, le Japon a injecté 10 milliards de yens supplémentaires dans son programme d’achat d’actifs. Cette annonce a immédiatement renversé la valeur du yen.

L’analyste principal Michael Hewson, de chez CMC Markets, a dit : « L’action de la Fed n’aura été en rien une faveur pour les Japonais, c’est pourquoi la Banque centrale du Japon a répondu promptement afin d’atténuer l’action des Américains et de stimuler sa croissance. »

Aussi, la Chine a deux préoccupations au sujet de la chute de la valeur du dollar américain. En subissant une hausse du yuan, les exportations chinoises pourraient fléchir et par le fait même réduire la valeur de plus de 1,2 billion de dollars de bons du Trésor américain que détient Pékin.

Le risque est qu’une guerre des monnaies engendrera une guerre commerciale. En d’autres termes, les pays ne feront pas seulement imprimer de l’argent ou abaisser leur taux, ils instaureront ultimement des barrières commerciales. C’est à ce moment que des conflits diplomatiques pourraient surgir.

Néanmoins, bien que les mesures de la Fed n’aient presque aucune incidence sur l’économie, elles donnent un coup de fouet aux marchés financiers.

Depuis le symposium de l’an dernier de la Réserve fédérale à Jackson Hole, le S&P 500 a augmenté de 22 %. Si, d’un côté, ces démarches menacent une guerre, d’un autre côté, elles continueront d’accroître la valeur de plusieurs classes d’actifs, dont vos titres boursiers.

Comme le chien de Pavlov, les marchés boursiers ont répondu à la hausse à la suite de l’annonce de la Réserve fédérale.

Les recherches menées par Morgan Stanley montrent que les précédents cycles de stimulation monétaire ont eu pour effet de stimuler la valorisation du marché boursier.

Cependant, Morgan Stanley note que les deux programmes précédents de la Fed ont été lancés lorsque le marché des actions était en forte baisse. Cette fois, c’est différent : la perspective d’une relance monétaire peut déjà avoir été largement prise en compte dans les cours des actions.

Il peut cependant toujours être sage pour les investisseurs d’acheter des actions. Ben Bernanke, le président de la Fed, a indiqué que les taux d’intérêt seraient maintenus au niveau actuel jusqu’en 2015. Ces faibles taux garderont un couvercle sur les rendements obligataires à court terme. Ainsi, les investisseurs seront tentés de passer d’actifs à faible risque au marché boursier.

Mais que réserve l’avenir? Jamais des politiques monétaires de cette envergure n’ont été tentées auparavant.

Selon le magazine The Economist, il y a trois résultats possibles. La première option est que l’économie continue de stagner, comme au Japon depuis 20 ans; la bonne stratégie dans ces circonstances serait d’acheter des obligations d’État. Une deuxième option est que l’économie se redresse à des niveaux de croissance d’avant la crise; la bonne stratégie serait alors d’acheter des actions. La troisième possibilité est que l’inflation s’accélère rapidement et que les banques centrales perdre le contrôle; dans ce cas, il serait bon d’acheter des matières premières, en particulier de l’or. Les investisseurs veulent couvrir leurs paris contre ces trois résultats, ce qui explique la hausse apparemment contradictoire des cours des actions et des matières premières et des obligations d’États.


J’ai rédigé le présent commentaire afin de vous donner mon avis sur différentes solutions et considérations en matière d’investissement susceptibles d’être pertinentes pour votre portefeuille de placements. Ce commentaire reflète uniquement mes opinions et peut ne pas refléter celles de Banque Nationale Groupe financier. En exprimant ces opinions, je m’efforce d’appliquer au mieux mon jugement et mon expérience professionnelle du point de vue d’une personne appelée à suivre un vaste éventail de placements. Par conséquent, le présent rapport représente mon opinion éclairée et non une analyse de recherche produite par le Service de recherche de la Financière Banque Nationale

Cimon Plante