Vos clients en savent-ils assez sur les fonds à date cible?

Par Alexandre Daudelin | 8 juin 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Le 2 juin dernier, l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR) présentait un colloque intitulé Les régimes à cotisations déterminées : en constante évolution! Tous les principaux enjeux de l’industrie ont été abordés.

D’entrée de jeu, Stéphane Gamache, directeur du Régime de retraite des chargés de cours de l’Université du Québec, a débuté en abordant un enjeu souvent cité par les promoteurs de régimes de capitalisation : le décaissement.

En place depuis 1990, le régime CD des chargés de cours de l’Université du Québec regroupe quelque 2 300 participants oeuvrant dans huit établissements universitaires au Québec. Il abrite un actif de 105 millions $.

Le régime a récemment étudié la possibilité d’offrir à ses participants un fonds de revenu viager (FRV) à même sa caisse pour ses nouveaux retraités. Pour ce faire, l’Université du Québec a analysé les avantages et inconvénients des FRV individuels par rapport à ceux qui pourraient être offerts par une caisse de retraite, si la Loi le permettait.

« Les FRV intégrés à même le régime de retraite offriraient des frais de gestion beaucoup moins élevés en plus d’offrir un rendement légèrement plus intéressant. De plus, cela permettrait de conserver les actifs plus longtemps dans la caisse », a mentionné M. Gamache. « Les retraités y trouveraient aussi leur compte en ayant accès à des options de placement adaptées en fonction de leur horizon de placement notamment.»

Toutefois, M. Gamache est conscient qu’une telle option nécessiterait davantage de gouvernance pour le régime. De plus, pour les premières années, le coût administratif serait possiblement plus élevé pour intégrer les outils de gestion du FRV et offrir plus de communication.

Il souhaite que la Loi RCR soit bientôt amendée pour enfin permettre aux régimes de retraite CD d’offrir un FRV intégré. « Les participants auraient le choix de s’en prévaloir ou non, mais au moins, cela leur procurerait une option additionnelle », a-t-il terminé.

Amender la Loi Julien Ranger-Musiol, avocat spécialisée en régime de retraite chez Osler, a enchaîné en déclarant que pour le moment cette option n’était pas encore disponible au Québec parce que la Loi RCR ne permet pas aux régimes CD d’offrir des prestations variables. « Les montants des prestations doivent être égaux au Québec selon la Loi, jusqu’à épuisements des fonds », a-t-il expliqué.

Selon lui, il faut s’attendre à ce que la Régie des rentes emboîte éventuellement le pas puisque de simples modifications à la Loi pourraient permettre des paiements variables. Les provinces de l’Ouest ont récemment modifié leur Loi à cet effet : la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. D’autres provinces étudient également la situation.

« Offrir un FRV intégré implique toutefois plus de responsabilités fiduciaires envers les retraités pour les promoteurs de régimes », a-t-il assuré. « Une telle démarche nécessitera plus de communication, ce qui est souvent source de litiges, et une révision de la structure de gouvernance. C’est pourquoi certains promoteurs ne voudront pas aller dans cette direction. »

Changer de cap Le 1er octobre dernier, Rio Tinto a mis en place un nouveau régime harmonisé de retraite à cotisations déterminées pour les nouveaux employés cadres de la plupart de ses installations canadiennes.

« Nous avons introduit ce nouveau régime afin de fonctionner de façon plus efficace en regroupant tous les nouveaux employés cadres sous un même régime, faciliter la mobilité entre les unités d’affaires, refléter les tendances canadiennes et mondiales d’offrir un régime à cotisations déterminées qui répond davantage à la diversité et aux besoins de flexibilité des employés, et réduire le risque à long terme des régimes à prestations déterminées et la volatilité des coûts futurs», a déclaré Vincent Morin,

Il a continué en affirmant que le but n’était pas de réduire les coûts, mais bien de réduire les risques pour la société. En effet, la conception du régime CD en place pourrait s’avérer plus avantageuse par rapport au précédent régime PD, selon le niveau de cotisation des participants et son âge.

Pour RioTinto, la structure de placement du nouveau régime CD devait atteindre quatre objectifs : d’abord, être alignée sur les unités d’affaires, être flexible, simple et transparente.

Selon son profil, le participant peut choisir un portefeuille pré-établi ou constituer son propre portefeuille avec des classes d’actif évolutifs. Pour les portefeuilles évolutifs, la répartition d’actif du portefeuille sélectionné évolue au fil du temps afin de refléter le nombre d’années avant la retraite selon le choix de l’employé.

« À mesure que l’employé s’approche de la retraite, sa répartition d’actifs change pour favoriser les revenus fixes. L’évolution automatique de la répartition d’actif s’effectue 25 ans avant la retraite, en réduisant les actions de 10 %. Puis 15 ans avant la retraite, le régime transfère automatique de 2 % chaque année des actions au revenu précédant l’âge de départ en retraite choisi par l’employé ou l’âge de 65 ans par défaut. »

Le processus de sélection des gestionnaires de placement avait comme objectif d’offrir aux participants la meilleure structure de placement possible, c‘est-à-dire diversifiée, ayant des frais les plus bas possibles et avec un profil de risque/rendement avantageux.

Pour effectuer le processus de diligence, l’équipe de placement Rio Tinto a travaillé de concert avec un consultant. Les gestionnaires retenus doivent détenir une cote de grande qualité.

« Il nous fallait nous assurer un niveau de diversification en sélectionnant des gestionnaires ayant des styles différents. Par exemple, nous avons fait des tests de corrélation entre deux gestionnaires faisant partie de la même classe d’actif. Nous avons aussi tenté de bénéficier des relations déjà existantes avec certains gestionnaires, lorsque c’était possible, ce qui permet d’harmoniser et simplifier la gouvernance du suivi des gestionnaires et de réduire les frais. »

Clarifier les fonds à date cible Yvan Breton, nouvellement nommé à la direction du service d’impartition de placements de Mercer, Canada et Amérique Latine, a pour sa part signalé qu’il fallait inciter les participants à prendre des décisions quant à leurs placements immédiatement lors de leur adhésion au régime. Trop souvent, on observe une inertie des participants face à des décisions aussi cruciales pour leur avenir.

« Les participants changent relativement peu leurs choix de placement en cours de carrière. Ils doivent faire leur choix selon leur profil d’investisseur, autrement les portefeuilles pré-établis peuvent faciliter leur travail. Le risque à long terme n’est pas dans les choix de placement eux-mêmes, mais bien dans le fait de ne pas avoir accumulé suffisamment pour la retraite. »

Selon M. Breton, les notions d’un FRV par exemple peuvent être assez difficiles à vulgariser pour les gens moins connaisseurs. De plus, la perception des gens à l’égard de leur régime peut facilement être erronée. Ils peuvent espérer recevoir davantage de leur régime que la réalité.

« Certains participants peu informés croient que leur régime offre une certaine de garantie de revenu à la retraite ou encore que les portefeuilles pré-établis offrent de meilleurs rendements à peu de risque. Il faudrait modifier la perception de ces gens pour éviter les mauvaises surprises, une fois à la retraite.

Pour M. Breton, le Canada devrait suivre les traces des États-Unis en clarifiant la notion des fonds à date cible. « À qui ces fonds sont destinés et comment évoluent-ils dans le temps et lors de la retraite? Il y a beaucoup d’interrogations à propos des fonds à date cible, qui sont au Canada depuis cinq ou six ans seulement. Il faudrait améliorer la situation », a insisté M. Breton.

Alexandre Daudelin