Votre rémunération est-elle adéquate?

Par Frédérique David | 6 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture
dolgachov / 123RF

Salaire fixe, honoraires ou commissions? Les modes de rémunération des conseillers ont fait l’objet, au cours des dernières années, de nombreux débats. Les revenus qu’ils procurent sont moins souvent évoqués… Les principaux concernés sont-ils satisfaits?

Les conseillers bénéficient actuellement de peu d’outils pour évaluer leurs revenus ou encore fixer leurs honoraires. « On se compare entre nous, comme les comptables, les avocats ou les chefs d’entreprise », mentionne Michael Luciani, vice-président du Regroupement Indépendant des Conseillers de l’Industrie Financière du Québec (RICIFQ). Cette situation leur procure une grande liberté, notamment sur les taux horaires qu’ils peuvent facturer aux clients, mais elle engendre aussi des revenus qui varient considérablement d’un professionnel à l’autre.

Qu’on se le tienne pour dit : les conseillers ne travaillent pas pour rien. Leurs services ne sont jamais gratuits, même dans les établissements financiers où ils sont rémunérés par un salaire fixe. « On entend des aberrations de la part des clients, déplore Yvon Fortin, planificateur financier indépendant et courtier en assurance. Certains conseillers qui travaillent dans des institutions financières leur disent qu’ils ne facturent aucune commission. Il est faux de prétendre que cela ne coûte rien! » Michael Luciani précise que ces conseillers à salaire sont également payés par des bonis de production et assujettis à des quotas de ventes, « ce qui pourrait ne pas garantir l’objectivité du conseil », croit-il.

ENTRE 60 000 ET 102 000 $ PAR AN

Il est difficile de connaître précisément le revenu annuel moyen des conseillers. Les statistiques d’Emploi Québec¹ annoncent un revenu annuel moyen d’environ 60 000 $ pour les analystes financiers et analystes en placement, qui regroupent les conseillers en services financiers et d’autres professionnels liés aux services financiers. Les données recueillies par le RICIFQ auprès de ses membres révèlent plutôt un revenu moyen de 102 000 $ par année. Toutefois, plusieurs facteurs influent sur les tarifs fixés pour leurs services, particulièrement lorsqu’ils optent pour un mode de rémunération à honoraires. « Les taux horaires varient beaucoup, admet Yvon Fortin. Cela va de 50 à 250 $ de l’heure, selon l’expérience du conseiller et la complexité du dossier. »

Raymond Pratte, fondateur de Pratte et associés, vante les mérites de ce mode de rémunération qu’il a adopté en 1999. « Cela nous permet d’avoir une rémunération plus stable, ce qui solidifie la pratique d’affaires. » Il croit aussi que cette forme de rémunération génère des choix « moins émotifs » de la part des conseillers, puisqu’ils ne sont plus tenus de « courir après la commission ». De plus, « les honoraires facturés aux clients dans des comptes non enregistrés sont déductibles d’impôts », rappelle-t-il.

Daniel Bissonnette, planificateur financier et chef de la conformité chez Planifax, qu’il a fondé, croit pour sa part que ce modèle est trop coûteux pour le consommateur. « Au Québec, les personnes qui peuvent se payer un conseiller à honoraires sont extrêmement peu nombreuses, dit-il. La plupart des gens n’ont tout simplement pas les moyens ! »

Actuellement, la rémunération à la commission demeure la plus populaire. Investor Economics indique qu’en 2011, 64 % de la rémunération des conseillers provenait des commissions de suivi qui leur sont versées à la suite d’achat de titres d’organismes de placement collectif. « La commission de vente permet à une vaste majorité d’investisseurs et d’épargnants d’accéder aux meilleurs gestionnaires professionnels du milieu financier à un coût abordable, note Michael Luciani. C’est un système qui simplifie la vie de l’investisseur. Cela lui évite de se demander combien il doit payer le conseiller et lui permet également de se garantir un service de suivi continu, la gestion de ses placements ainsi que des conseils et informations privilégiés. » Cette option comporte toutefois, elle aussi, son lot de variables : « Pour le conseiller, il existe une panoplie de modes de rémunération qui dépendent des types de commissions utilisées par les gestionnaires, explique Yvon Fortin. On peut travailler avec des frais de sortie, des frais d’entrée ou des frais réduits. »

La vente à frais de sortie, qui est le mode le plus courant, permet au conseiller de toucher un pourcentage de la commission perçue par le courtier. Cette commission peut aller jusqu’à 5 % de la valeur du placement. « La portion qui revient au conseiller est établie avec le courtier, indique Yvon Fortin. Généralement, elle dépend du volume d’affaires du conseiller. Par exemple, un courtier pourrait décider qu’un représentant qui a 10 millions sous gestion touchera 80 % de la commission. Le montant versé au représentant peut être aussi peu que 60 % de la commission, notamment s’il débute dans le métier. »

Par la suite, le courtier et le représentant se partagent une commission de suivi d’environ 1 % par année. « Là encore, la portion de cette commission perçue par le représentant varie, explique Yvon Fortin. Cela va de 0,25 % à 0,5 % par année. Par contre, si le client opte pour des fonds à frais modiques, la commission de suivi perçue par le conseiller sera autour de 0,7 %. » Autrement dit, les commissions perçues par les conseillers varient selon les ententes conclues avec les firmes de courtage. « Ce sont les maisons de courtage qui établissent les barèmes », rappelle Raymond Pratte. Du côté des maisons de courtage à escompte, on n’hésite pas à encaisser des commissions de service et de suivi « malgré le fait qu’il n’y a pas de conseil relié à cet actif, déplore Michael Luciani. S’il y a une injustice pour l’investisseur, c’est bien celle-là »!

AMÉLIORATIONS POSSIBLES? 

« La rémunération des conseillers n’est pas ce qu’elle devrait être, croit Michael Luciani. Depuis plusieurs années maintenant, les conseillers portent une responsabilité grandissante sur leurs épaules, due aux changements de réglementation et de conformité, explique-t-il. Cela a augmenté leur charge administrative et leurs frais d’exploitation, sans qu’ils aient eu les moyens de s’ajuster. »

Yvon Fortin se montre plutôt satisfait de la situation actuelle, même s’il reconnaît que, comme dans toute profession, « certains conseillers sont trop payés et d’autres ne le sont pas assez, si l’on en juge par la qualité de leur travail ». Pour éviter les abus, il est surtout nécessaire, selon lui, d’inciter les conseillers à se montrer plus transparents quant à leurs modes de rémunération. « Il faudrait s’assurer, d’une façon légale, que les conseillers exposent clairement à leurs clients les différentes options qui leur sont proposées, dit-il. Ils sont malheureusement très peu à le faire. » Certaines recherches indiquent, en effet, que de nombreux conseillers ne parlent pas des frais à leurs clients. Une étude réalisée en 2012 par le Fonds pour l’éducation des investisseurs a révélé que, dans seulement 45 % des cas, le conseiller informe l’investisseur du montant de la rémunération qu’il touchera relativement à ses investissements.


1. Guide des salaires selon les professions au Québec, Direction de l’analyse et de l’information sur le marché du travail, Emploi Québec, édition 2012.

Frédérique David