Salaire ou dividende ?

Par Robert Leewarden et Benoit Besner | 1 novembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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olegdudko / 123RF

Deux options sont offertes au propriétaire d’une société lorsque vient le temps pour lui de choisir son mode de rémunération.

Il peut se verser soit un salaire, soit un dividende. Selon le principe d’intégration du système fiscal canadien, le coût fiscal sera le même peu importe que le revenu soit gagné sous forme de salaire ou de dividende (une fois l’impôt des sociétés payé et le dividende versé à l’actionnaire). Cependant, en pratique, les multiples variables régissant la fiscalité canadienne et la situation propre à chaque individu font en sorte que l’un de ces modes de paiement peut être plus avantageux que l’autre.

LES IMPACTS DU VERSEMENT D’UN SALAIRE

Lorsqu’un salaire est versé, des charges sociales telles que les cotisations à la Régie des rentes du Québec (RRQ), au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ou encore au Fonds des services de santé (FSS) doivent être payées, tant par l’employeur que par l’employé. Bien qu’elles constituent des coûts supplémentaires, elles permettent à l’actionnaire de bénéficier des avantages de ces régimes. La société en tire également des avantages puisque les sommes qu’elle paie à titre de salaires sont déductibles. Par contre, comme nous le verrons dans les exemples suivants, le revenu de l’actionnaire est alors imposé à un taux assez élevé (jusqu’à 49,97 % au Québec[1]).

LES IMPACTS DU VERSEMENT D’UN DIVIDENDE

Il existe deux types de dividendes : les dividendes déterminés et les dividendes ordinaires.

Des dividendes déterminés peuvent être versés lorsque la société a gagné du revenu d’entreprise pour lequel elle n’a pas droit à la déduction pour petite entreprise (DPE). Ainsi, comme la société paie un impôt plus élevé (26,9 % au Québec), le revenu de l’actionnaire sera imposé à un taux moindre lors du versement du dividende (jusqu’à 35,22 % au Québec), ce qui est conforme au principe d’intégration.

Les dividendes ordinaires sont généralement versés à partir des revenus d’entreprise ayant donné droit à la DPE ou encore à partir des revenus de placements. Ainsi, comme la société paye un taux moins élevé (19 % au Québec sur les revenus actifs), le revenu de l’actionnaire est imposé à un taux plus élevé que pour les dividendes déterminés (jusqu’à 38,54 % au Québec).

Dans les deux cas, les dividendes ne constituent pas une dépense déductible pour la société. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les taux d’imposition des particuliers sont moins élevés que ceux applicables à un revenu gagné sous forme de salaire.

DEUX CAS PRATIQUES POUR L’ANNÉE 2013

Cas n° 1

La société a gagné un revenu d’entreprise actif de 5 000 $ et le revenu de l’actionnaire est imposé au taux maximum[2].

D’un point de vue strictement pécuniaire, se verser un dividende ordinaire plutôt qu’un salaire présente un léger avantage dans le cas où le revenu de la société est admissible à la DPE et celui de l’actionnaire est imposé au taux maximum. Si le revenu d’entreprise gagné par la société n’est pas admissible à la DPE, l’option salaire est alors la plus avantageuse.

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Cas n° 1 ANNÉE 2013 Salaire Dividende ordinaire Dividende déterminé
Salaire versé 4 869 $
FSS (2,70 %) 131 $
Impôt des sociétés – DPE (19 %) 950 $
Impôt des sociétés (26,9 %) 1 345 $
Dividende ordinaire versé 4 050 $
Dividende déterminé versé 3 655 $
Impôt des particuliers sur le salaire (49,97 %) 2 434 $
Impôt des particuliers sur le dividende ordinaire (38,54 %) 1 561 $
Impôt des particuliers sur le dividende déterminé (35,22 %) 1 287 $
FSS – personnel (1 %) 41 $ 37 $
Solde disponible pour l’actionnaire 2 435 $ 2 448 $ 2 331 $
Différence par rapport au salaire + 0,26 % (2,08 %)

Cas n° 2

La société a gagné un revenu d’entreprise actif de 64 516,80 $[3].

Dans ce deuxième cas et toujours d’un point de vue strictement pécuniaire, un actionnaire a tout avantage à se verser un dividende ordinaire plutôt qu’un salaire, les économies étant considérables. De même, si le revenu d’entreprise gagné par la société n’est pas admissible à la DPE, l’option dividende demeure plus avantageuse que l’option salaire.

Cas n° 2 ANNÉE 2013 Salaire Dividende ordinaire Dividende déterminé
Salaire versé 60000,00$
FSS (2,70%) 1620,00$
RRQ (employeur) 2427,60$
RQAP (employeur – 0,782%) 469,20$
Impôt des sociétés – DPE (19% x 64516,80$) 12258,19$
Impôt des sociétés (26,9% x 64516,80$) 17355,02$
Dividende ordinaire versé 52258,61$
Dividende déterminé versé 47161,78$
Impôt des particuliers sur le salaire (incluant la contribution santé et les cotisations au Régime de rentes du Québec et RQAP) 17465,25$
Impôt des particuliers sur le dividende ordinaire (incluant la contribution santé et la cotisation au FSS) 5140,13$
Impôt des particuliers sur le dividende déterminé (incluant la contribution santé et la cotisation au FSS) 1738,74$
Solde disponible pour l’actionnaire 42534,75$ 47118,48$ 45423,04$
Différence par rapport au salaire +4583,73$ +2888,29$

AUTRES CONSIDÉRATIONS AVANT DE FAIRE UN CHOIX DÉFINITIF

Lorsqu’un propriétaire d’entreprise souhaite choisir le bon mode de rémunération, il ne doit pas uniquement prendre en compte l’aspect financier immédiat. Il doit garder à l’esprit que l’option salaire permettra dans les années suivantes de cotiser à un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), ce qui entraînera des économies d’impôt futures. De plus, malgré leur faible rendement, les cotisations au Régime de rentes du Québec ne sont pas perdues puisqu’elles donneront droit aux prestations de retraite de ce même régime. Pour ce qui est des prestations au RQAP, une jeune propriétaire qui envisage de fonder une famille pourrait préférer se verser un salaire, malgré l’avantage financier immédiat d’un dividende, et ce, afin de bénéficier du RQAP dans les années à venir. L’option salaire peut donc devenir plus intéressante que l’option des dividendes même si les calculs laissent penser le contraire.

En ce qui a trait à l’option du dividende, si le niveau de vie de l’actionnaire le permet, la possibilité de différer l’impôt en laissant dans la société l’argent dont l’actionnaire n’a pas besoin est à considérer, puisque cela augmente les économies dans le temps.

CONCLUSION

Savoir s’il s’avère plus avantageux de se verser un salaire ou un dividende comme rémunération demeure une question cruciale pour tout propriétaire d’entreprise, qui se doit de faire une analyse poussée avant d’arrêter son choix. Chaque situation est propre à chacun et de nombreux paramètres pécuniaires et non pécuniaires doivent être pris en compte. Enfin, l’analyse approfondie doit être effectuée par un spécialiste qui accompagnera le propriétaire dans sa démarche et tiendra compte de tous les facteurs fiscaux et personnels de ce dernier.

DEUX QUESTIONS que le conseiller en sécurité financière devrait poser à son client :

1 Le mode de rémunération retenu par l’actionnaire favorise-t-il un revenu admissible pour justifier l’instauration d’un régime de retraite individuel (RRI) à son profit ?

2 Si certaines protections en assurance de personnes sont payées par la société, vaut-il mieux se reconnaître un avantage imposable ou plutôt se verser un dividende supplémentaire et payer personnellement les primes ?

Jean-Guy Grenier, BAA, CMC, Adm.A., Pl. Fin., directeur régional – Elite, Développement et Mise en marché, Assurance et Épargne pour les particuliers, Desjardins Sécurité financière, Montréal.

Robert Leewarden

Benoit Besner

Robert Leewarden, CPA, CA, Pl. Fin., associé, Fauteux, Bruno, Bussière, Leewarden CPA, s.e.n.c.r.l.

Benoit Besner, fiscaliste, Fauteux, Bruno, Bussière, Leewarden CPA, s.e.n.c.r.l.


• Ce texte est paru dans l’édition de novembre 2013 de Conseiller

[1] Les taux utilisés dans cet article sont ceux de l’année civile 2013. [2] Note : Il est supposé, dans cet exemple, que l’actionnaire a reçu en 2013 un salaire excédant les plafonds des contributions aux programmes sociaux (RRQ et RQAP) et qu’il n’a donc pas à contribuer à ces programmes dans le cas d’un revenu additionnel gagné sous forme de salaire. [3] Note : Il est supposé, dans cet exemple, qu’il s’ agit du seul revenu que l’actionnaire a gagné en 2013 et qu’il détient plus de 40 % des actions avec droit de vote, ce qui l’exempte de l’assurance-emploi.

Robert Leewarden et Benoit Besner