Les PME sous-estiment les risques de fraude financière 

Par Sylvie Lemieux | 18 mars 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Face aux risques de fraude financière en entreprise, bien des dirigeants semblent se dire que c’est un problème qui touche les autres. Selon un récent sondage de la firme comptable MNP, 80 % des propriétaires et cadres supérieurs de PME québécoises évaluent les risques que leur entreprise soit visée par les fraudeurs de très faible à modéré.

Pourtant, la menace est omniprésente, peu importe la taille de l’entreprise et l’industrie.

« Les PME se sentent à tort davantage à l’abri, affirme Corey Anne Bloom, chef d’équipe pour la région de l’Est du Canada au Service d’enquêtes et de juricomptabilité chez MNP en entrevue avec Conseiller. Leurs dirigeants ne croient pas vraiment que leur entreprise peut être dans la mire des fraudeurs. Ils hésitent également à mettre des contrôles antifraudes en place parce qu’ils se disent qu’avec leurs employés, ils forment comme une grande famille. » Une confiance qui peut leur coûter cher. 

DES RISQUES ACCENTUÉS

Pertes financières importantes, atteintes à la réputation de l’entreprise, perte de clientèle… Les conséquences d’un acte frauduleux peuvent être lourdes. La vigilance est donc de mise d’autant plus que les cas de fraudes financières sont en augmentation depuis le début de la pandémie.

Selon l’Association of certifed fraud examiners (ACFE), plus de 50 % des organisations ont découvert plus de fraudes que d’habitude depuis le début de la crise sanitaire.

« À cause de la COVID-19, les dirigeants ont dû gérer plein de nouvelles situations. Ils ont mis leur attention ailleurs que sur les risques de fraude même s’ils sont plus présents qu’avant », explique Simon Gaudreau, directeur en juricomptabilité chez MNP.

VICTIME DEUX FOIS PLUTÔT QU’UNE

Cela entraîne une autre problématique, selon l’expert. Le sondage révèle en effet que 54 % des entreprises sont victimes des fraudeurs plus qu’une fois. Un constat troublant.

« Certaines entreprises ne font rien après une fraude et assument la perte. Une entreprise sur dix change de comptable alors qu’il n’est pas forcément responsable. D’autres passent à l’action, mais elles ne mettent pas toujours les bonnes mesures en place en raison de leur méconnaissance des risques auxquels elles sont exposées », rapporte Simon Gaudreau.

Il existe trois grandes catégories de gestes frauduleux :

  • le détournement d’actifs;
  • la corruption;
  • et la falsification délibérée d’états financiers.

Selon l’ACFE, à la suite d’une fraude, une entreprise perd en moyenne 5 % de ses revenus annuels. Les entreprises auraient donc avantage à passer d’une approche réactive à proactive puisque la meilleure façon d’éviter la fraude, ce sera encore et toujours la prévention.

MESURES ANTIFRAUDES

Plusieurs mesures peuvent être implantées afin de se prémunir contre la fraude ou en limiter les pertes. Parmi elles, il y a les vérifications externes. Si elles sont fréquemment utilisées, leur taux d’efficacité est toutefois moindre que la mise en place d’une ligne de signalement. Que ce soit par téléphone, un message texte ou un formulaire en ligne, un employé peut lancer une alerte de façon anonyme (ou pas) s’il est témoin d’un acte douteux.

« Cela prend du courage pour dénoncer surtout quand le fraudeur est à l’interne, soutient Corey Anne Bloom. Le lanceur d’alerte craint souvent qu’il n’y ait des conséquences pour lui-même. L’entreprise doit donc s’assurer que des mesures sont en place pour protéger les lanceurs d’alerte. »

La formation doit aussi faire partie d’un solide plan antifraude. Or, 25 % des entreprises n’en font pas, selon l’experte. « C’est pourtant une mesure qui n’est pas coûteuse et très utile pour renforcer sa ligne de défense, souligne-t-elle. Il est important de prévoir une formation spécifique pour les cadres afin qu’ils transmettent le message de prévention à l’ensemble des employés. »

Des contrôles à l’improviste seront aussi utiles pour détecter les points de faiblesse.

« Il est important d’évaluer les risques de fraude de façon continue, conseille Corey Anne Bloom. Les fraudeurs raffinent leurs tactiques ou trouvent de nouvelles façons de commettre leurs actes malveillants. Il est bon aussi de procéder à une révision des mesures antifraudes tous les ans idéalement. »

« Le message des dirigeants doit être clair : c’est tolérance zéro face à la fraude », conclut-elle.

Rappelons que le mois de mars est le mois de la prévention de la fraude.