Succession : l’ABC pour léguer sa PME

Par Dominique Lamy | 6 mars 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Andriy Popov / 123RF

L’histoire d’un proche décédé sans testament revient régulièrement dans les conversations familiales, ponctuées d’anecdotes démontrant le difficile règlement de la succession en l’absence du précieux document. Que doit donc légalement faire de son vivant un entrepreneur d’ici pour assurer à son décès la pérennité de l’entreprise qu’il a bâtie à la sueur de son front?

Marie-Pier Cajolet, directrice principale, Fiducie et service conseil Gestion privée 1859 et Trust Banque Nationale, affirme que le testament notarié, le mandat en cas d’inaptitude, la convention entre actionnaires et le bilan patrimonial sont les meilleurs outils existants pour assurer une planification testamentaire optimale. « L’entrepreneur qui dispose de ces documents est sur la bonne voie pour transmettre son entreprise selon ses dernières volontés », confirme-t-elle, en soulignant cependant que ce n’est pas la majorité des bâtisseurs d’entreprises qui procèdent ainsi. Le coût d’une telle démarche, prohibitif, en serait-il la cause? Quelques notaires consultés affirment – sans vouloir trop se mouiller – qu’un dirigeant d’entreprise doit effectivement prévoir quelques milliers de dollars pour une planification testamentaire complète, selon la complexité du dossier.

LES OUTILS

Testament : il se veut évidemment la pierre angulaire du règlement d’une succession et le moyen le plus certain de transmettre son patrimoine. Dans le cas d’un entrepreneur à la tête d’une PME, des clauses additionnelles doivent être ajoutées à ce même testament. « Par exemple, le testateur pourrait léguer les actions de la société aux enfants qui désirent s’impliquer dans l’entreprise », confirme Mme Cajolet. « C’est le liquidateur désigné au testament qui devra faire le nécessaire pour vendre l’entreprise ou pour la transférer aux héritiers », complète Me Nancy Émond, de la Chambre des notaires du Québec.

Mandat en cas d’inaptitude : le mandant – l’entrepreneur, dans ce cas-ci – peut y désigner un mandataire qui prendra soin de lui dans l’éventualité d’un état d’inaptitude, et nommer également une seconde personne qualifiée pour gérer ladite PME lors de cette période. « L’entrepreneur peut aussi prévoir et exiger la vente de l’entreprise s’il devenait inapte », précise Mme Cajolet.

Convention entre actionnaires : ce document établit notamment les modalités du transfert des actions en cas de décès, de retraite, d’invalidité ou de maladie grave et aide à déterminer la valeur de ces mêmes valeurs mobilières au moment opportun. « Ce document s’impose lorsque les actionnaires souhaitent éviter que les actions avec droit de vote se retrouvent entre d’autres mains au moment du décès de l’un d’entre eux », mentionne Mme Cajolet.

Bilan patrimonial : au moment d’aborder la planification testamentaire d’un entrepreneur, et dans l’objectif de séparer l’actif personnel de l’actif d’entreprise, l’une des premières recommandations du notaire sera d’établir le bilan patrimonial du propriétaire-dirigeant. Selon le site internet de la Chambre des notaires, « cette liste a un double objectif : elle sert autant comme outil de référence lors de la planification testamentaire et successorale de l’entrepreneur qu’à guider ses proches en cas d’inaptitude ou de décès. » « Notre modèle inclut aussi les informations relatives aux nouvelles technologies, telles que les mots de passe du réseau social Facebook, du système de paiement PayPal et de la boutique iTunes, qui se doivent évidemment d’être annulés au moment du décès », explique Mme Cajolet.

Risques associés à une mauvaise planification testamentaire

« À défaut d’indications contraires, les actions mobilières détenues par l’entrepreneur au sein de sa société par actions entrent dans le résidu de la succession et seront dévolues selon ces mêmes conditions », met en garde Mme Cajolet. Cette situation ne reflète peut-être pas les souhaits du défunt, qui aurait peut-être préféré confier les rênes de son entreprise à une tierce personne. D’où l’importance de bien planifier la relève de son entreprise!

Le risque fiscal n’est pas à négliger non plus. Tout particulier est réputé avoir disposé de ses biens à leur juste valeur marchande immédiatement avant son décès, sauf dans certains cas bien précis. « Il est toutefois possible de réduire ou de reporter l’impôt résultant du décès, notamment si des membres de la famille assurent la continuité de l’entreprise, et de procurer aux proches l’argent nécessaire au paiement inévitable de la facture fiscale », expliquait Robert Tanguay dans un texte publié sur Conseiller.ca et basé sur la stratégie d’un gel successoral conjugué à une protection d’assurance vie.

Quand la fiscalité l’emporte sur les dernières volontés

« Toute entreprise devrait procéder à une qualification successorale », souligne Me Émond. C’est d’autant plus vrai que les notions de « fiscalité » et de « dernières volontés » cohabitent difficilement. Souvent, le premier aspect est optimisé au détriment du second. « Bien conseillés par des grandes firmes comptables, les héritiers vont payer le moins d’impôt possible. Par contre, le respect des dernières volontés du défunt laisse parfois à désirer », conclut Mme Cajolet.

Le mythe du « testament d’affaires » Contrairement à la croyance populaire, la notion de « testament d’affaires » n’existe pas au Québec. « Il s’agit d’une terminologie qui ne fait pas partie de notre jargon courant et qui est absente du Code civil du Québec », explique Marie-Pier Cajolet. Même son de cloche du côté de Me Nancy Émond. « Il s’agit possiblement d’une appellation typique de la common law, utilisée au Canada anglais et aux États-Unis. Au Québec, chose certaine, le terme testament d’affaires n’existe pas », confirme-t-elle. L’importance de l’assurance d’associés L’assurance d’associés (partnership insurance) permet aux actionnaires de financer le rachat d’actions advenant le décès, la maladie grave ou l’invalidité de l’un des associés. « L’entreprise paie la prime d’une telle assurance et se retrouve donc bénéficiaire de la prestation accordée au décès – par exemple – de l’un ou l’autre des associés. Cette prestation permet à l’entreprise de racheter aux héritiers les actions détenues par le défunt, à la condition préalable que la convention d’actionnaires contienne une clause d’achat-vente obligeant les héritiers à revendre leurs actions à la société », explique Me Émond.

Dominique Lamy