Congédier un employé parce qu’il a menti au sujet de sa santé?

Par Irene Chrisanthopoulos | 29 mai 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Iuliia Kuznetsova / 123RF

Un employé qui a fait une fausse déclaration dans sa demande d’emploi quant à son état de santé peut être congédié.

C’est ce qu’a décidé récemment la Cour d’appel du Québec dans le cas Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867.

Dans cette histoire, l’employeur a fait passer un questionnaire médical préalable à l’embauche, où était demandé de divulguer tout antécédent de dépression, problème de santé mentale, dépendance à des médicaments, à l’alcool, à la drogue ou aux jeux de hasard. L’employé avait répondu par la négative à toutes ces questions et a été embauché comme infirmier auxiliaire.

Un an plus tard, l’employé se retrouve en arrêt de travail.

À la suite d’une évaluation médicale menée par le médecin de l’employeur, ces derniers réalisent que l’employé a effectué de fausses déclarations dans le questionnaire pré-embauche. En réalité, l’employé avait déjà souffert de dépression majeure et de troubles bipolaires, de même que d’abus et de dépendance relativement aux médicaments, à l’alcool et aux jeux de hasard. L’employeur l’a alors congédié pour avoir fait de fausses déclarations. Selon lui, si l’employé avait répondu avec honnêteté, il aurait été justifié de ne pas l’embaucher.

Ces actes soulèvent plusieurs questions : était-il légitime pour l’employeur de poser des questions aussi directes sur l’état de santé de l’employé? N’est-ce pas contraire à la Charte des droits et libertés de la personne? De son côté, l’employé avait-il le droit de garder le silence sur ses antécédents en matière de santé?

La Charte interdit en effet à un employeur d’exiger, dans un formulaire de demande d’emploi ou au cours d’une entrevue, qu’un candidat fournisse de l’information concernant son état de santé, à moins que cela soit directement lié aux habiletés ou compétences requises pour satisfaire les conditions de l’emploi, ou que cela soit justifié de par la nature même de l’emploi. En fait, un employeur a non seulement le droit mais aussi l’obligation de recueillir et de vérifier toute information lui permettant de s’assurer que l’employé pourra remplir ses fonctions en toute sécurité.

La Cour d’appel a statué que ces questions étaient justifiées vu les capacités requises pour les fonctions essentielles exigées par ce poste. En tant qu’infirmier auxiliaire, l’employé travaillait de façon indépendante et était en contact direct avec les patients. Son état de santé aurait donc pu directement affecter la qualité des soins prodigués aux patients, ainsi que leur sécurité. L’information demandée sur le questionnaire de santé était par conséquent raisonnablement nécessaire et justifiée vu l’objectif légitime de l’employeur d’évaluer les capacités de l’employé à occuper sa fonction. L’employeur aurait dû être avisé des antécédents médicaux de l’employé. Autrement, il n’aurait pas pu donner un consentement éclairé à l’embauche dudit employé. Finalement, la décision de le congédier était fondée.

La Cour d’appel nous rappelle ainsi que chaque problème lié à de fausses déclarations de pré-embauche doit être examiné sur la base du cas par cas. Ce qui peut être légitime pour un employeur peut ne pas l’être pour un autre.

Irene Chrisanthopoulos

Avocate chez Cain Lamarre Casgrain Wells.