De quelle manière les employeurs devraient se préoccuper de la santé mentale au travail?

Par Claudine Ducharme | 22 Décembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les problèmes de santé mentale ont des répercussions directes sur les employés et leur sphère d’influence au sein d’une organisation. Leur effet sur la productivité peut être considérable – près de huit travailleurs sur dix qui ont souffert de dépression au cours de la dernière année ont déclaré que les symptômes ont nui à leur capacité fonctionnelle, et près d’un travailleur sur cinq a qualifié cette incapacité de grave (Statistique Canada, 2007).

Les problèmes de santé mentale ont également une incidence directe sur le coût des avantages sociaux, particulièrement au chapitre des congés de maladie : les employés aux prises avec une maladie mentale s’absentent, en moyenne, entre 54,6 et 79 jours par année, comparativement à une moyenne qui varie de 19,6 à 30,6 jours par année pour les employés qui ne sont pas touchés par un problème de santé mentale (Institute for Health Economics, 2006). Et ceci ne représente qu’une partie de l’équation. Si l’on tient compte des répercussions sur le service à la clientèle et les rapports entre collègues, l’impact véritable des problèmes de santé mentale se révèle dans toute son ampleur.

Quelles mesures les employeurs prennent-ils pour gérer la situation? Au cours des dernières années, un nombre croissant d’employeurs ont commencé à adopter une approche plus vaste et plus stratégique à l’égard des problèmes de santé mentale au travail.

Les programmes d’aide aux employés (PAE) sont depuis longtemps offerts aux employés et aux membres de leur famille, et de plus en plus d’employeurs intègrent le PAE dans leurs programmes de gestion des absences, de gestion de l’invalidité et de soutien aux employés qui vivent des événements marquants de leur vie, par exemple le départ à la retraite, la naissance d’un enfant et d’autres situations qui peuvent nécessiter une aide pour concilier la vie professionnelle et la vie personnelle, aide que les PAE offrent en plus des services de counseling.

Certains employeurs envisagent d’augmenter le montant correspondant au soutien psychologique prévu dans le cadre de leurs régimes de soins médicaux. En outre, certains employeurs sont proactifs en formant leurs gestionnaires sur les problèmes de santé mentale et en rédigeant des politiques qui favorisent un milieu de travail sain sur le plan psychologique.

Existe-t-il des pratiques exemplaires pour les employeurs? La jurisprudence confirme que les employeurs seront tenus responsables s’ils sont négligents ou s’ils infligent sciemment un préjudice extraordinaire. Le critère de cause à effet est difficile à démontrer, mais le principe est clair. De plus, toutes les entreprises doivent respecter différentes lois, particulièrement en matière de droits de la personne, de harcèlement au travail, d’obligation d’accommodement et de protection de la confidentialité des renseignements personnels sur la santé.

Un comité d’experts auquel nous avons le privilège de participer, en collaboration avec le Bureau de normalisation du Québec et l’Association canadienne de normalisation et avec l’appui de la Commission de la santé mentale du Canada, prépare actuellement à l’intention des employeurs un cadre de référence clair et des directives qui seront publiés en 2012. La norme sur la santé mentale au travail s’harmonisera aux lois actuelles sur la santé et la sécurité du travail. Actuellement, ces lois comportent les exigences suivantes :

  • Engagement et leadership
  • Évaluation des risques
  • Atténuation des risques
  • Communication
  • Rôles et responsabilités
  • Formation des cadres
  • Examen continu

L’adhésion à la norme sera facultative en 2012, mais elle mettra de la pression sur les entreprises pour qu’elles se fassent reconnaître en tant que milieu de travail sécuritaire.

Le modèle de santé et sécurité du travail ainsi que la norme Entreprise en santé donnent un bon point de départ aux employeurs : l’identification des risques. Le risque lié aux problèmes de santé mentale peut être décelé grâce à des évaluations spécialisées, à un examen attentif des tendances relatives aux absences et aux coûts des soins de santé au sein de l’organisation, à l’étude de la compatibilité des employés avec leur poste et des statistiques de roulement de personnel, et même à des sondages sur l’engagement des employés.

Accorder une grande importance à la santé physique et mentale des employés est assurément bon pour les affaires. De nos jours, une bonne gestion d’un environnement très performant, mais où les ressources sont rares, est essentielle pour épargner les corps et les esprits. Une stratégie en santé mentale à la fois positive et empathique rehaussera non seulement le rendement, la productivité et la qualité des relations avec la clientèle, mais elle sera aussi bénéfique pour l’engagement et la loyauté des employés s’ils savent que leur employeur a leur santé et leur mieux-être à cœur.

Claudine Ducharme est directrice, Services-conseils Gestion globale de la santé chez Morneau Shepell.

Claudine Ducharme