Le conseiller, chef d’orchestre du transfert d’entreprise

Par Pierre-Luc Trudel | 13 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les propriétaires d’entreprise font généralement confiance à leur conseiller en services financiers pour les aider à planifier leur retraite, mais un peu moins pour les appuyer dans le processus de transfert de leur entreprise. Comment renverser la tendance?

« Traditionnellement, les entrepreneurs se tournent vers leur comptable, avocat et fiscaliste lorsqu’ils veulent vendre leur entreprise, mais rarement vers leur conseiller financier », explique Karine Précourt, directrice, planification fiscale et successorale, chez Placements Mackenzie.

Deux raisons peuvent expliquer cette réalité : les services des conseillers sont parfois trop ciblés, et leur offre ne correspond pas toujours aux besoins des propriétaires de PME.

Cela dit, les conseillers sont de plus en plus nombreux à accompagner les entrepreneurs lors de transferts d’entreprise, de concert avec d’autres professionnels.

« Étant donné qu’il ne possède pas l’ensemble des expertises nécessaires pour réaliser un transfert réussi, le conseiller devrait endosser le rôle de chef d’orchestre. Grâce à son vaste réseau, il peut orienter son client vers les bons professionnels à consulter et ainsi l’accompagner à travers toutes les étapes. La clé réside dans la collaboration entre les différents intervenants, et le conseiller peut jouer un rôle primordial pour orchestrer tout cela », souligne-t-elle.

LA DIFFICULTÉ DE TROUVER UN REPRENEUR

Alors qu’en 2013 on annonçait la disparition de 25 000 entreprises avant 2018 au Québec, ce sont plutôt 65 000 qui ont été créées au cours de cette période, indique Karine Précourt. Cette croissance inattendue de l’entrepreneuriat dans la province a été causée en partie par la volonté plus forte des jeunes, en particulier des immigrants, de créer leur propre entreprise.

Mais il y a aussi une autre raison : de nombreux entrepreneurs âgés retardent leur départ à la retraite. « Plusieurs d’entre eux ont réalisé que le revenu d’exploitation de leur entreprise était plus élevé que ce qu’ils pourraient obtenir en la vendant », explique-t-elle.

Plusieurs d’entre eux ont aussi de la difficulté à trouver le bon repreneur, celui qui concorde avec la vision de l’entreprise. « Bien des cédants recherchent le fit parfait, mais ne le trouvent pas », mentionne Mme Précourt.

CHANGEMENTS FISCAUX ATTENDUS

La fiscaliste estime en outre que certains cédants attendent peut-être d’éventuelles modifications fiscales au niveau fédéral, qui faciliteraient le transfert d’entreprise entre les membres d’une famille, avant de passer à l’action.

Selon les règles fiscales actuellement en vigueur, il est plus avantageux pour un propriétaire d’entreprise de vendre à un inconnu qu’à un membre de sa famille. Lorsqu’une vente a lieu avec un tiers non lié, la différence entre le prix de vente et le prix d’achat initial est considéré comme un gain en capital. Par contre, quand une entreprise est vendue à un membre de la famille, la différence entre les deux prix est traitée comme un dividende présumé. La transaction ne donne donc pas droit à l’exemption cumulative pour gains en capital et se retrouve donc plus lourdement imposée.

Cette asymétrie a été corrigée par le gouvernement du Québec en début d’année, les transactions sont maintenant traitées de la même manière, peu importe que l’acheteur soit un membre de la famille ou un tiers non lié. Au niveau fédéral toutefois, cet assouplissement fiscal se fait toujours attendre.

PLANIFIER LA RELÈVE

Certains propriétaires de PME attendent donc qu’Ottawa bouge sur la question fiscale avant de céder leur entreprise à leurs enfants. Or, un transfert d’entreprise demande beaucoup de planification et de temps. « Malheureusement, la plupart des entrepreneurs ne planifient pas leur relève, où ne commencent pas suffisamment à l’avance. Il ne suffit pas seulement de trouver un repreneur. Passer à travers toutes les étapes peut prendre de 2 à 8 ans », insiste Karine Précourt.

Et si la retraite est habituellement la principale source de motivation qui pousse les entrepreneurs à vouloir vendre, leurs vieux jours ne sont pas toujours mieux planifiés que le transfert de leur entreprise, ajoute-t-elle.

Bref, les conseillers qui accompagnent les entrepreneurs ne risquent pas de manquer de travail au cours des prochaines années.

Pierre-Luc Trudel