Les restrictions aux RTI progressivement éliminées

21 février 2018 | Dernière mise à jour le 21 février 2018
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En ces temps où les annonces fiscales sont plutôt moroses en matière d’impôt sur le revenu, une bonne nouvelle s’est pointée à l’horizon pour les entrepreneurs concernant la taxe de vente du ­Québec (TVQ).

Tel qu’il avait été annoncé lors du budget provincial 2015‑2016, ­Revenu ­Québec a procédé à l’élimination progressive des restrictions aux remboursements de la taxe sur les intrants (RTI) pour les grandes entreprises. Dans le régime de la ­TVQ, une entreprise est considérée comme une grande entreprise lorsque le total de ses ventes taxables effectuées au ­Canada, ainsi que celles réalisées par des sociétés qui lui sont associées, excède 10 millions de dollars par exercice financier. Ce volume de ventes, et donc cette mesure de Revenu Québec, peut incidemment aussi s’appliquer aux ­PME.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, ces entreprises peuvent récupérer 25 % de la ­TVQ payée sur leurs dépenses visées par les restrictions aux ­RTI prévues à l’article 206.1 de la ­Loi sur la taxe de vente du ­Québec, dont notamment :

  • les véhicules routiers de moins de 3 000 kg devant être immatriculés en vertu du ­Code de la sécurité routière pour pouvoir circuler sur les chemins publics
  • les biens et les services relatifs aux véhicules mentionnés précédemment et qui sont acquis ou apportés au ­Québec dans les 12 mois suivant l’acquisition des véhicules ou leur arrivée au ­Québec
  • le carburant servant à alimenter de tels véhicules routiers (à l’exclusion du diesel)
  • l’électricité, le gaz, la vapeur et les combustibles (autrement que dans la production de biens mobiliers destinés à la revente)
  • les services téléphoniques et de télécommunication (à l’exclusion des services de type « ­1-800 » et ­Internet)
  • la nourriture, les boissons et les divertissements dont la déductibilité est limitée à 50 % en vertu de la ­Loi sur les impôts

Cette abolition graduelle des restrictions à l’obtention d’un ­RTI sera échelonnée au cours des quatre prochaines années : le pourcentage de récupération d’un ­RTI pour les dépenses énoncées précédemment passera à 50 % le 1er janvier 2019, 75 % le 1er janvier 2020 et 100 % le 1er janvier 2021.

Cette mesure rend la fiscalité des entreprises plus complexe au chapitre des particularités applicables à certaines dépenses, de la gestion administrative et des pièces justificatives à conserver pour se prévaloir de ces changements aux ­RTI.

Véhicules routiers et voitures de tourisme

Une grande entreprise peut dorénavant réclamer un ­RTI lors de l’acquisition ou de la location d’un véhicule routier de moins de 3 000 kg selon le taux de récupération prescrit. Toutefois, les restrictions générales aux ­RTI continueront de s’appliquer dont, notamment, la limite de valeur de 30 000 $ concernant les voitures de tourisme. Dans ce dernier cas, une personne inscrite au fichier de la ­TVQ ayant le statut de grande entreprise sera toujours limitée à un ­RTI calculé sur une valeur n’excédant pas 30 000 $.

Par exemple, si une grande entreprise acquiert une voiture de tourisme au montant de 50 000 $ le 2 janvier 2018, le ­RTI auquel elle aura droit sera déterminé selon le calcul suivant :

30 000 $ (limite permise) x 9,975 % (TVQ) x 25 % = 748,13 $ récupérables à titre deRTI

Les règles sont différentes pour les véhicules loués. Bien que le contrat de location puisse avoir été conclu avant le 1er janvier 2018, un ­RTI pourra être demandé pour les versements mensuels effectués après cette date, le tout sujet à la limite applicable pour la déduction permise dans le calcul du revenu en vertu de la ­Loi sur les impôts.

Si une grande entreprise loue une voiture de tourisme le 8 juillet 2017 pour une période de 4 ans avec des versements mensuels déductibles aux fins fiscales de 530 $ avant taxes, un ­RTI sur chaque versement pourra être réclamé selon le calcul suivant :

Périodes de location ­Montant de récupération du ­RTI
Chaque mois − 2017 530 $ x 9,975 % x 0 % = 0 $
Chaque mois − 2018 530 $ x 9,975 % x 25 % = 13,22 $
Chaque mois − 2019 530 $ x 9,975 % x 50 % = 26,43 $
Chaque mois − 2020 530 $ x 9,975 % x 75 % = 39,65 $
Chaque mois − 2021 530 $ x 9,975 % x 100 % = 52,87 $

Également, lorsqu’une grande entreprise échange un véhicule chez un concessionnaire, la valeur sur laquelle la taxe doit se calculer peut être diminuée dans certaines circonstances. Cette diminution correspond au crédit accordé par le fournisseur en échange d’un autre véhicule, qu’il accepte en contrepartie totale ou partielle. Cette règle s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2020 dans les cas où le véhicule routier échangé n’aura pas donné droit à un ­RTI en raison des restrictions.

Par exemple, si une grande entreprise possède un véhicule d’une valeur de 5 000 $ (pour lequel elle n’a récupéré aucun ­RTI lors de l’achat original) qu’elle désire échanger le 31 août 2018 contre un autre véhicule d’une valeur de 25 000 $ avant taxes, les calculs suivants devront être effectués :

Prix de vente avant taxes  25 000 $
Crédit pour véhicule donné en échange  (5 000 $)
Montant sur lequel la TVQ est appliquée  20 000 $
TVQ à payer au concessionnaire  20 000 $ x 9,975 % = 1 995 $
RTI à réclamer  1 995 $ x 25 % = 498,75 $

Dans le cas où le véhicule échangé chez le concessionnaire a fait l’objet d’un ­RTI partiel ou total, cette mesure ne peut pas être appliquée et la diminution de la valeur ne pourra pas être effectuée par le fournisseur. Ainsi, la grande entreprise sera assujettie aux mêmes règles que les autres personnes inscrites au fichier de la ­TVQ pour ce qui est de l’échange de véhicules. La transaction devra donc être considérée comme deux fournitures distinctes : la vente du véhicule au concessionnaire et l’achat du nouveau véhicule.

Finalement, les nouvelles mesures prévoient des changements pour les concessionnaires automobiles admissibles comme grande entreprise et qui utilisent des véhicules à titre de démonstrateurs ou à une autre fin que celle de revente. Dans ce cas, ils doivent remettre aux autorités fiscales 2,5 % de la ­TVQ calculée sur la valeur du véhicule à chaque mois pour lequel un véhicule sert à une autre fin.

À compter du 1er janvier 2018, ils devront continuer de verser ce montant de ­TVQ, mais seront admissibles à un ­RTI de 25 %, 50 % ou 75 % de la ­TVQ payée, selon l’année visée par la transaction. Cette disposition demeurera valide jusqu’au 31 décembre 2020.

Autres biens et services

Relativement aux dépenses de nourriture, boissons et divertissements, une grande entreprise est admissible à un ­RTI calculé sur le montant limité de 50 %, tel que prévu aux lois applicables.

Pour une telle dépense de 125 $ (avant taxes) engagée le 3 mars 2018, le calcul du ­RTI admissible sera le suivant :

125 $ x 9,975 % = 12,47 $ de ­TVQ payée x 50 % x 25 % = 1,56 $ récupérable à titre deRTI

Une précision s’impose quant aux groupes de sociétés ayant choisi de considérer comme effectuées sans contrepartie certaines fournitures taxables entre membres déterminés d’un groupe admissible (communément appelé « choix entre personnes étroitement liées »). Ce choix se veut une mesure d’allègement fiscal pour les entreprises membres, lesquelles n’ont alors pas à facturer la ­TPS et la ­TVQ sur les fournitures effectuées entre elles.

Cependant, ce choix n’est pas applicable à l’égard d’un bien ou d’un service acquis par une entreprise qui ne pourrait pas demander un ­RTI en raison des restrictions. En vertu de leur élimination progressive, l’acquéreur d’une telle fourniture devra désormais payer la ­TVQ à son fournisseur et aura droit à un ­RTI au taux de 25 %, 50 % ou 75 %, selon l’année.

Vos clients entrepreneurs devraient communiquer avec des spécialistes en taxes à la consommation pour toute question relativement à ce changement important ou s’ils désirent s’assurer que leur société récupère les ­RTI de façon optimale compte tenu de ces nouvelles règles.

UNE QUESTION pour votre client

Avez-vous pensé à réinvestir les montants supplémentaires récupérés en RTI sous forme de versements périodiques anticipés dans un outil de placement approprié ? Cela permet de bénéficier de la méthode de la moyenne d’achat de placements.

Jean-Guy Grenier, BAA, CMC, Adm.A., Pl. Fin., directeur régional – Elite, Développement et Mise en marché, Assurance et Épargne pour les particuliers, Desjardins Sécurité financière, Montréal.

Sylvie ­Therrien est directrice, taxes à la consommation et Me Estelle ­Rancourt est conseillère sénior, taxes à la consommation chez ­Amyot ­Gélinas, s.e.n.c.r.l.


• Ce texte est paru dans l’édition de février 2018 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre siteWeb.