Nouvelles règles pour le financement participatif

9 mars 2016 | Dernière mise à jour le 9 mars 2016
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Démarrer sa propre entreprise s’avère parfois un parcours semé d’embûches. Lorsque tout semble accompli, du trait de génie initial aux formalités juridiques, une question demeure : le financement.

Les technologies de l’information ont ouvert la porte à de nouvelles occasions de soutien financier aux entreprises en démarrage par le crowdfunding, ou financement participatif. Mais certaines considérations juridiques sont à prendre en compte.

De nombreux investisseurs connaissent désormais les phénomènes comme Kickstarter ou Equitynet, ces plateformes en ligne de financement participatif. Le succès du concept tient de l’utilisation d’Internet : un très grand nombre de petits investisseurs peuvent être rejoints pour qu’ils contribuent en quelques clics.

Ce financement existe sous plusieurs formes. L’entreprise peut recevoir des fonds sans rien donner en retour, ce qui est surtout populaire lors des campagnes de financement d’organismes de bienfaisance. Elle peut au contraire récompenser les investisseurs en leur promettant des biens ou des services, généralement proportionnels au montant investi.

Les formes de récompenses sont aussi multiples que les projets eux-mêmes. Par exemple, un particulier qui veut ouvrir un nouveau restaurant pourra offrir des objets promotionnels ou des chèques cadeaux de son établissement. Un auteur qui compte publier lui-même son roman pourra offrir une édition spéciale autographiée livrée en primeur.

Donner des actions?

Le crowdfunding peut également prendre la forme d’un prêt ou d’une participation dans l’entreprise elle-même, faisant donc de l’investisseur un actionnaire de l’entreprise. Plusieurs problèmes juridiques se posent dans ce genre de situation, puisque la sollicitation d’investissement auprès du public est souvent fortement réglementée.

En effet, lorsqu’un investisseur achète des actions d’une société cotée en Bourse, il peut consulter les états financiers de l’entreprise et son « prospectus », soit un document clair et détaillé qui contient plusieurs informations relatives aux titres qu’il achète, le tout tel que prescrit par la loi.

Il va sans dire que la publication de ces informations est un processus coûteux impliquant des professionnels et reste plutôt inaccessible aux entreprises en démarrage. Les autorités canadiennes ont donc dû s’adapter au phénomène du financement participatif en établissant un nouveau cadre législatif allégé.

C’est ainsi qu’en mai 2015, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié un avis expliquant que certaines provinces allaient adopter des exemptions harmonisées pour le financement participatif d’entreprises en démarrage ou de startups, soit le Québec, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

La sollicitation du public pour obtenir du financement via des actions ou des titres de créance ne nécessite plus le respect des mêmes exigences relatives au prospectus et aux états financiers pour les entreprises en démarrage qui se conforment aux conditions énoncées par l’avis des ACVM.

Les conditions sont nombreuses, cependant :

  • Le siège social de l’entreprise doit être situé dans l’une des provinces participantes.
  • Le financement ne peut excéder 1 500 $ par personne et 250 000 $ au total par campagne de financement.
  • Une entreprise ne peut effectuer plus de deux campagnes par année.
  • Elle devra fournir certaines informations, entre autres sur le projet et sur la façon dont on prévoit utiliser les fonds amassés.
  • D’autres conditions s’appliquent à l’entreprise, mais également à l’intermédiaire en ligne qui devra être un courtier inscrit ou dispensé d’inscription.

Dans un avis plus récent, les ACVM ont annoncé l’entrée en vigueur du Règlement 45-108 sur le financement participatif au Québec, en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Cette nouvelle dispense est effective depuis le 25 janvier au Québec.

La limite d’investissement par campagne passe maintenant de 1 500 $ à 2 500 $ pour un investisseur non qualifié et atteint 25 000 $ pour un investisseur qualifié (des règles différentes seront toutefois applicables pour les investisseurs ontariens).

Les entreprises ayant recours au financement participatif devront continuer à fournir des informations de base aux investisseurs potentiels, comme l’identité des administrateurs, les objectifs de la campagne et la façon d’utiliser l’argent amassé, et à publier leurs états financiers, ne pouvant toutefois faire aucune publicité ou démarchage. Les futurs actionnaires devront signer un formulaire de reconnaissance du risque et leur investissement ne pourra être fait que sur un portail en ligne autorisé, ce qui n’était pas le cas avec la première dispense.

Ainsi, on retrouve ce message sur le portail GoTroo.com, dispensé suivant la première exemption :

« Le portail de financement GoTroo n’est pas inscrit en vertu de la législation canadienne en valeurs mobilières et ne fournit aucun conseil sur la convenance des titres admissibles ou la qualité de l’investissement. »

Il reste bien sûr très important de protéger les particuliers alléchés par ce type d’investissement. Le crowdfunding étant surtout connu par le grand public sous forme de don ou de récompense, il favorise plutôt un apport financier rapide et non calculé, souvent décidé impulsivement comme l’achat de biens de consommation.

Il est nécessaire d’instruire les particuliers intéressés par ce type d’investissement. Malgré l’encadrement mis en place par les autorités financières canadiennes, cela reste très risqué.

Le phénomène n’étant évidemment pas limité au Canada, quels problèmes pourront naître de l’achat d’actions d’une entreprise à l’étranger par un particulier canadien? Les restrictions et la sécurité offerte par la législation canadienne ne sont pas universelles et des occasions d’affaires plus douteuses pourront malheureusement s’offrir aux internautes. Un mot d’ordre s’impose : prudence.