Protéger les clients entrepreneurs après un divorce (Partie 2)

Par Melissa Shin | 17 octobre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

Le sort de l’entreprise

Il y a des limites à ce que la structure peut prévenir. Une fois le divorce prononcé, diviser les biens peut devenir pénible.

Parfois, il est facile de diviser une entreprise en deux. «Si deux comptables veulent divorcer, ils pourraient diviser leur cabinet et continuer à pratiquer», illustre Abby Kassar. Sa recommandation: inclure une clause de non-concurrence pour parer à la cannibalisation des clients.

Mais ce n’est pas toujours aussi simple. «Lorsqu’il y a divorce ou séparation, les clients ont besoin d’argent pour le rachat, donc [aussitôt qu’ils se lancent en affaires], nous leur conseillons de mettre de côté une partie de leur revenu», expose Natalie Jamison. Cependant, les propriétaires d’entreprise mettent souvent tout leur argent dans leur exploitation, et se retrouvent à court lorsqu’une telle situation se présente.

Une solution pourrait être, pour l’actionnaire en partance, d’emprunter de l’argent pour financer le rachat, mais il risque de ne pouvoir se qualifier pour un prêt de cette importance – surtout si la valeur de l’entreprise a grimpé depuis les débuts.

Et puisque l’entreprise est en général le plus gros actif du propriétaire, il ne reste pas grand-chose comme bien à offrir en garantie. Sans une convention entre actionnaires, comme dans le cas de Colleen, le conjoint peut simplement refuser de retirer un prêt.

«La solution est alors de gérer leur entreprise ensemble, ce qui convient à certains», dit Abby Kassar. S’ils empruntent cette voie, «il est fortement recommandé d’avoir un conseil d’administration, qui pourra les guider dans leur prise de décisions.»

Dans le cas d’un divorce acrimonieux, néanmoins, il y a souvent un besoin de rompre les liens. La dernière option, celle que Colleen a choisie, est la plus courante: vendre l’entreprise et se séparer le fruit de la vente.

«Leurs chances seront meilleures en encaissant les bénéfices et en démarrant autre chose chacun de leur côté qu’en laissant leur entreprise perdre de la valeur» en raison de luttes intestines, note Abby Kassar.

Par ailleurs, trouver un acheteur peut constituer un défi, «surtout si l’une des parties était celle qui générait les revenus et qu’elle s’en va. Cela peut modifier l’évaluation de l’entreprise», rappelle Natalie Jamison.

Incontournables pour les propriétaires de PME

1. Une convention entre actionnaires qui inclut des dispositions quant à l’achat-vente et qui mentionne spécifiquement un divorce.

2. Une participation majoritaire pour le fondateur de l’entreprise.

3. Des évaluations d’entreprise fréquentes, surtout avant le mariage ou l’union civile.

Source: The Anatomy of an Entrepreneur, Ewing Marion Kauffman Foundation, mai 2010

Lorsqu’il y a évaluation, les deux parties doivent s’entendre sur un moment bien précis.

«Les époux ne sont pas toujours d’accord sur la date de séparation», indique Angela Galer Grist, pourtant c’est à ce moment que toutes les évaluations d’actifs sont en vigueur dans certaines provinces. Cela peut affecter l’entreprise, les biens immobiliers, les portefeuilles de placement et même les œuvres d’art et objets de famille.

En Alberta, par exemple, si un divorce traîne en longueur, cela peut influencer la valeur.

«Disons que je me sépare et qu’à cette date, je vaux un million de dollars: mon ex-mari et moi avons alors chacun droit à 500000$, expose Wendy Olson-Brodeur. Mais arrivent 2008 et la crise financière. Si mon portefeuille a baissé à 500000$, la cour ne laissera pas nécessairement mon ex les mains vides.» Elle pourra examiner la nouvelle valeur et donner 250000$ à chacun au lieu.

Plus préoccupant encore, la conseillère a déjà vu un entrepreneur tirer parti d’un processus de divorce interminable en siphonnant de la valeur et en cachant des revenus.

Raison de plus pour avoir une entente écrite béton qui prescrit quoi faire en cas de divorce.

Colleen sait trop bien tout cela. Et elle a un conseil pour les divorcées.

«Ne laissez pas les émotions guider vos décisions. Ne pensez surtout pas baisser les bras parce qu’après tout, ‘c’est juste du matériel’. Une fois que la poussière sera retombée, vous regretterez de ne pas vous être battue pour ce qui vous revenait de droit.»

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Melissa Shin

Melissa Shin est directrice de la rédaction du groupe des publications financières de Newcom Media Inc. Elle fait partie de l’équipe depuis 2011 et a été reconnue par l’ACGA et la CFA Society Toronto pour ses reportages. Rejoignez-la à mshin@newcom.ca.