Quand les médecins s’ingèrent dans les relations de travail

Par Pierre-Luc Trudel | 8 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Pour justifier des absences de plusieurs jours, les employés de vos clients entrepreneurs leur remettent des certificats médicaux incomplets, confus, voire saugrenus? Que peuvent-ils faire?

En premier lieu, poser davantage de questions aux médecins traitants, recommande l’avocate Marie-Josée Sigouin.

Les employeurs ont de nombreuses obligations envers leurs employés, comme de protéger leur santé et respecter leur vie privée, a expliqué l’associée du cabinet Le Corre il y a deux semaines lors du Rendez-vous Relations du travail de l’Ordre des CRHA. En contrepartie, ils ont le droit de contrôler les absences et de vérifier leur bien-fondé.

De leur côté, les salariés peuvent s’absenter sans salaire pendant une période d’au plus 26 semaines sur 12 mois pour maladie ou accident. Ils ont toutefois la responsabilité de justifier leur absence. C’est là que le médecin entre en jeu. Mais comment agir si le certificat médical qu’il fournit est incomplet?

« Avant de demander une coûteuse expertise médicale, écrivez simplement au médecin, posez-lui des questions sur l’état de santé du patient. Très souvent, il va répondre », soutient Marie-Josée Sigouin, qui rappelle aux employeurs qu’ils n’ont pas à demander l’autorisation du salarié pour contacter son médecin traitant. Cela dit, par souci de transparence, elle recommande fortement de l’informer d’une telle démarche.

Elle précise par ailleurs que le fait que l’employé reçoive des prestations d’invalidité d’un assureur ne change rien au lien qu’il entretient avec son employeur et qu’en conséquence, il a toujours le devoir de lui fournir des preuves médicales.

RÉCLAMER UN CERTIFICAT COMPLET

Un certificat médical valide devrait, en premier lieu, contenir un diagnostic médical qui justifie l’absence, affirme l’avocate. La durée prévue de l’absence devrait également être indiquée, tout comme la fréquence des suivis et la confirmation que des traitements sont pris par le salarié.

Mais la question se pose : où s’arrête l’autorité du médecin? « Le rôle du médecin n’est pas de gérer l’entreprise, de donner son opinion sur les gestionnaires ou encore de déterminer les horaires de travail », rappelle Mme Sigouin. Pour autant, les employeurs ne devraient jamais s’improviser médecins, prend-elle le soin de mentionner. « Il faut faire la différence entre le droit de savoir et le goût de savoir. »

En l’absence d’un certificat médical satisfaisant, l’employeur a toujours la possibilité d’en demander un plus complet ou de considérer l’absence injustifiée.

Le médecin n’est toutefois pas la seule source d’information de l’employeur. Le gestionnaire immédiat de l’employé devrait également faire partie du processus.

« Certaines informations connues seulement du gestionnaire pourraient soulever des doutes, par exemple le fait que le certificat a été remis le lendemain d’une évaluation du rendement qui s’est mal déroulée ou après que le salarié se soit vu refuser des vacances », indique-t-elle.

DEMANDER UNE PREUVE MÉDICALE OU PAS?

« Pour une seule journée d’absence, c’est abusif de demander un certificat médical », soutient Mme Sigouin. La pratique courante dans les entreprises est plutôt d’en réclamer un pour des absences de trois jours et plus, mais d’autres circonstances peuvent le justifier, notamment les cas douteux, les abus, les dossiers d’invalidité et les cas de retour au travail.

Parmi les éléments qui pourraient soulever des soupçons, on note entre autres des journées de maladie qui tombent toujours le lundi ou le vendredi et le dépassement d’un seuil raisonnable d’absences.

Sur ce dernier point, Marie-Josée Sigouin formule toutefois une mise en garde : « Vous ne pouvez pas reprocher aux employés de vider leur banque de journées de maladie si vous la présentez comme une banque de journées de congé. »

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Pierre-Luc Trudel