Recyclez, c’est ma tournée!

Par Bruno Geoffroy | 3 septembre 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Plastique numéro 6, ça vous dit quelque chose? Polystyrène, bien sûr. Expansé, injecté ou moulé, on le trouve partout : des emballages d’électroménagers aux barquettes alimentaires, en passant par les pots de yogourt. Pourtant, son recyclage est quasi inexistant, du moins pour l’instant. L’entreprise montréalaise Polystyvert compte changer la donne. Pas demain. Aujourd’hui.

Le milieu industriel n’est pas étranger à la femme derrière Polystyvert, Solenne Brouard Gaillot. Elle s’y est épanouie dans les secteurs automobile, aéronautique et électronique pendant sept années. Une période durant laquelle l’envie de suivre ses propres idées et de tenter les choses par elle-même va la titiller. Un côté entrepreneur en sommeil qui se réveillera fin 2011 avec la création de son entreprise.

La philosophie de Polystyvert tient en peu de mots : protection de l’environnement, une cause dont Mme Brouard Gaillot est soucieuse.

« En m’intéressant de près au recyclage, je me suis demandé pourquoi le polystyrène finissait sa vie dans des sites d’enfouissement. La réponse est simple : la styromousse (polystyrène expansé) est composée à 98 % d’air! », explique Solenne Brouard Gaillot. Transporter du vent revient cher, les filières traditionnelles de récupération et de recyclage basées sur le rapport volume/poids ne sont donc pas rentables.

Pour pallier ce défaut, l’équipe de Polystyvert a développé une technologie unique au monde qui permet de dissoudre le polystyrène avec du solvant, puis de séparer les deux pour en extraire du polystyrène recyclé.

« Un matériau de qualité égale au plastique d’origine, qui sera vendu par notre courtier en plastique comme matière première aux fabricants de polystyrène. Il pourra être recyclé de 5 à 7 fois », indique l’entrepreneure.

En pleine expansion

Lors du dernier Concours québécois en entrepreneuriat, Polystyvert s’est démarqué à l’échelon national en remportant le Grand prix défi Entrepreneuriat jeunesse et le Prix coup de cœur Entrepreneuriat féminin. De quoi lui assurer publicité et visibilité.

Côté production, l’entreprise monte en puissance. Dès octobre 2014, l’équipement permettra de traiter 43 tonnes de polystyrène, de la styromousse dans un premier temps, approvisionné par des gestionnaires de matières résiduelles et de centres de tri.

« En 2015, notre usine traitera 300 tonnes et l’année d’après, on envisage d’en recycler 1000 », dit Solenne Brouard Gaillot.

Des quantités impressionnantes, mais le marché est là. Chaque année, près de 40 000 tonnes de polystyrène sont enfouies au Québec et l’entrepreneure compte bien contribuer à diminuer ce chiffre.

« Avec le recyclage, on réduit aussi la consommation en énergie fossile nécessaire pour fabriquer le plastique et les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports », ajoute Solenne Brouard Gaillot.

Dans l’avenir, elle envisage deux modèles de développement. La technologie de Polytstyvert étant en cours de brevetage, l’entrepreneure pourrait proposer des licences aux producteurs de polystyrène.

« Ils pourraient ainsi adapter le recyclage du plastique à leurs besoins, à leurs spécifications. Et, plutôt que de centraliser la production à Montréal, on pourrait mettre sur pied des usines de recyclage dans d’autres grandes villes du Québec. Cela limiterait le transport », précise Mme Brouard Gaillot.

Aux entreprises grandes utilisatrices de polystyrène (fabricants d’ordinateurs, magasins d’électroménagers, etc.), Polystyvert offrira un module à implanter directement dans leurs usines pour y dissoudre les résidus de polystyrène et réduire ainsi les coûts liés à l’enlèvement et au transport de grands volumes de déchets.

Une équipe solide

Savoir s’entourer de personnes très expérimentées, c’est la clé pour que l’entreprise soit compétitive, selon Solenne Brouard Gaillot. Dans le rang des actionnaires de l’entreprise, elle peut s’appuyer sur Roland Côté, inventeur du procédé technologique et professeur
 au Département de chimie, biochimie et physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Alexandre Pellerin, l’ingénieur qui a fait la transposition industrielle, et Normand Gadoury, responsable de la stratégie et des finances.

Grâce au travail d’équipe, la chef d’entreprise a pu monter un plan d’affaires solide et aller chercher des subventions auprès de Technologies du développement durable Canada (480 000 $), Recyc-Québec (450 000 $) et le Conseil national de recherches (50 000 $). Suffisamment pour lancer l’entreprise. Aujourd’hui, elle vient de contracter un prêt pour petite entreprise, principalement pour acheter l’équipement de son usine-pilote.

Besoin d’un conseiller financier?

« Pas vraiment. Mon VP finance et stratégie est déjà en mesure de me donner de bons conseils. Aujourd’hui, nous cherchons plutôt des investisseurs indépendants accrédités par l’AMF ou de type Anges Québec pour participer dans notre entreprise », explique Solenne Brouard Gaillot.

Dans sa tête, un rêve : offrir sa technologie en Ontario et dans certains états américains déjà ciblés. Depuis Montréal, une révolution verte est en marche!

À noter : sur le marché, du polystyrène recyclé, broyé par un compresseur, est disponible sous forme de « bûche », mais sa qualité est passable. Les industriels y font d’ailleurs peu appel.


Bruno Geoffroy