Régimes CD : la touche humaine

19 avril 2017 | Dernière mise à jour le 19 avril 2017
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Beaucoup de participants aux régimes à cotisation déterminée aimeraient consulter un conseiller en services financiers, notamment pour les aider avec la phase de décaissement. Les promoteurs de régime devraient-ils offrir ce genre de service?

Le sondage auprès des participants aux régimes de capitalisation réalisé par Avantages en 2015 tranche nettement : un peu plus des deux tiers (68 %) des cotisants à un régime offert par leur employeur s’attendent à ce que ce dernier donne accès à une « personne qualifiée qui [les] conseillera quant aux options par rapport au régime d’épargne-retraite » au moment de faire la transition vers la retraite.

Le vieillissement de la population, et l’arrivée d’une certaine masse critique de participants n’ayant connu que les régimes de retraite à cotisation déterminée (CD), n’est certes pas étranger à ce phénomène. Ces personnes sont à un moment de leur vie où elles doivent être rassurées et guidées dans leurs choix, constate Charles Pépin, chef national de pratique, communication financière, Épargne et retraite collectives à iA Groupe financier. « Malgré les excellents outils créés par l’industrie, il existe quand même ce besoin du lien avec une personne, dit-il. Sur le terrain, la première question des participants rendus à un certain âge est : ‘Est-ce que je peux parler avec quelqu’un?’ Cela ressort souvent.»

Charles Pépin observe également un besoin chez les participants les plus jeunes. Ceux-ci n’ont pas nécessairement investi des sommes énormes, mais ils ressentent une certaine méfiance à l’égard de l’industrie de l’épargne, notamment ceux ayant débuté leur carrière autour de 2008. « Certains estiment que l’investissement est un univers trompeur et il faut les rassurer. Les jeunes ont donc besoin d’accompagnement, mais pour des raisons différentes, admet-il, ajoutant que la situation est plutôt ironique. [Les jeunes] ont accès à une panoplie d’informations qui n’existaient pas auparavant, mais cela ne dissipe pas la méfiance.»

PROTÉGER SA RÉPUTATION

Cependant, si le besoin et le désir des participants d’accéder à des conseils financiers sont assez clairs, la préoccupation des promoteurs de régimes l’est tout autant. Toujours selon le sondage susmentionné, 65 % de ces derniers estiment qu’en offrant des services de conseils financiers, que ce soit directement ou par l’entremise d’un conseiller, ils s’exposent « au risque de responsabilité civile ou d’atteinte à la réputation ».

Dès qu’on accepte d’offrir des services qu’on n’est pas obligé de rendre, « on augmente nécessairement le risque de commettre des fautes pouvant engager sa responsabilité », commente Julien Ranger, associé, régimes de retraite et avantages sociaux chez Osler. La décision d’offrir des conseils en matière de décaissement augmenterait donc le profil de risque de fiduciaire du promoteur. S’agit-il toutefois d’un risque que celui-ci est prêt à assumer? « L’idée essentielle est que le risque n’est pas nécessairement déraisonnable, mais il faut faire l’exercice d’y réfléchir et d’accepter celui-ci de façon consciente, affirme M. Ranger. On ne devrait pas simplement faciliter l’accès à un conseiller en services financiers parce que ‘c’est la tendance du marché’. Est-ce que cela vaut la peine pour les employés? Il y a une manière de structurer son programme pour que le risque soit gérable.»

RISQUES ET RENDEMENTS

La question se pose : existe-t-il une obligation au sens juridique d’offrir des conseils aux participants, que ce soit en matière de placements ou de décaissement? La réponse traditionnelle est certes négative, à moins qu’il existe un engagement spécifique dans ce sens de la part de l’employeur, par exemple dans le cadre d’une convention collective. On peut ainsi supposer qu’un tel service se trouve davantage dans le cas de régimes CD créés pour se substituer à un régime à prestations déterminées (PD). « Le promoteur ressentirait peut-être une certaine obligation morale d’aider les employés et de viser à ce que le régime CD soit comparable au régime PD précédent », ajoute M. Ranger. Le rôle du régime de retraite comme outil de recrutement et de rétention entre également en jeu : « Est-ce qu’on est rendus au point où, afin d’avoir un régime compétitif, il faut offrir un tel service ? » demande-t-il.

Sonia Massicotte, conseillère à PBI Conseillers en actuariat, observe que la législation canadienne « n’est pas tellement claire quant à l’étendue du devoir d’information pour la phase de décaissement. Il faut connaître le minimum, par exemple les dates et les options offertes, mais au-delà de cela, il est difficile d’établir la responsabilité du fiduciaire de façon très précise ». Il y a toutefois les lignes directrices pour les régimes de capitalisation ou des fascicules de Retraite Québec qui donnent quelques informations à ce sujet, souligne-t-elle, rappelant aussi la présence des règles refuges aux États-Unis, qui définissent une certaine protection relativement à l’offre de conseils.

SE PROTÉGER

Il convient de souligner que la plupart des promoteurs de régime ne proviennent pas du domaine des services financiers et devraient donc probablement se tourner vers l’externe pour faciliter l’accès à un conseiller. Dans ces situations, précise Mme Massicotte, il importe d’appliquer « des critères de sélection similaires à ceux utilisés pour tout autre fournisseur » avec qui on fait affaire. On doit s’assurer, par exemple, que la personne possède tous les permis nécessaires à sa profession. « Il faut voir si on a déposé des plaintes à son égard, ou si elle a dû subir des mesures disciplinaires afin de bien l’encadrer », dit-elle.

Julien Ranger insiste sur la nécessité d’une vérification « diligente, très serrée et continue » des fournisseurs. « Il ne faut pas la faire une fois, conclure qu’il s’agit d’une personne qualifiée et ne plus regarder le dossier, dit-il. Il n’est pas question de superviser les conseils individuels, mais de s’assurer que le conseiller continue d’avoir des ressources nécessaires pour prodiguer des conseils appropriés.»

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