Régimes de retraite : l’exemple à ne pas suivre

Par La rédaction | 2 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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S’étant placée sous la protection de la loi sur les faillites en juin, Sears Canada continuera encore quelques mois à payer les rentes de ses quelque 16 000 employés retraités et à cotiser au régime de retraite de l’entreprise. Cependant, il se pourrait bien que ces anciens travailleurs perdent une grande partie de la somme qui leur avait été promise.

Les ex-employés de Sears passeront après les banques et les propriétaires d’immeubles, qui sont les créanciers prioritaires en fonction des lois fédérales sur la faillite et la récupération des créances. Il n’est pas sûr du tout que l’entreprise aura les fonds nécessaires pour payer les retraites des anciens travailleurs. Ces derniers pourraient même perdre l’argent qu’ils ont eux-mêmes mis dans le régime, du moins, en grande partie.

MAUVAISE GESTION

Il s’agit pourtant d’un problème évitable, selon Cole Eisen, étudiant en droit, diplômé de McGill en relations de travail. Dans le Globe and Mail, celui-ci rappelle que pendant que le régime de retraite de Sears passait d’un surplus de 220 millions de dollars en 2008 à un déficit de 100 millions de dollars en 2016, l’entreprise a payé plus de 1,4 milliard de dollars en dividendes spéciaux et en rachat d’actions.

Une grande partie des profits de ces opérations s’est retrouvée dans les poches d’Eddie Lampert, directeur général de Sears États-Unis. Ce dernier détient 45 % des parts de Sears Canada via le fonds ESL Investments.

UNE TARE GÉNÉRALISÉE

Cette fixation sur les gains à court terme ne serait pas propre à Sears, mais une simple manifestation de la financiarisation de notre économie. Quelque 40 entreprises cotées à l’Indice S&P/TSX 60 offrent des régimes de retraite à prestations déterminées. De 2007 à 2016, ces régimes sont passés d’un surplus de 560 millions de dollars à un déficit de 13 milliards de dollars.

Pendant la même période, ces entreprises ont pourtant payé 410 G$ à leurs actionnaires, notamment via le rachat d’actions et les dividendes spéciaux. Ces méthodes sont notamment utilisées pour augmenter artificiellement la valeur des actions, ce qui assure aux dirigeants de toucher de généreux bonis, affirme Cole Eisen.

CHANGER LES RÈGLES DU JEU

Ce dernier propose de limiter les paiements aux actionnaires tant que des problèmes de solvabilité importants existent dans le régime de retraite d’une entreprise. Cela motiverait à mieux financer le régime de retraite et à investir dans la rentabilité à long terme de la compagnie, estime-t-il.

Le gouvernement pourrait aller plus loin en donnant priorité aux retraités par rapport aux autres créanciers lorsqu’une entreprise fait faillite. Cela offrirait plus de sécurité aux travailleurs et rendrait les entreprises plus prudentes quant au risque que représente le fait de négliger le régime de retraite pour obtenir gains financiers à court terme.

En l’absence de tels changements, le réveil pourrait être brutal pour les entreprises, mais surtout pour leurs employés, qui se retrouveraient privés du régime de retraite auquel ils ont cotisé pendant des décennies, conclut Cole Eisen.

La rédaction