S’inspirer des grands

Par Simeon Goldstein | 16 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les grands régimes de retraite à prestations déterminées (PD) allouent beaucoup de ressources pour créer des stratégies de placements raffinées et diversifiées. Celles-ci visent à chercher des rendements, à se protéger contre les déboires des marchés et, ultimement, à permettre au régime de respecter ses engagements à long terme envers les employés. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, disposent rarement des mêmes ressources. Elles sont d’ailleurs plus susceptibles d’offrir un régime à cotisation déterminée (CD) à leur personnel, ce qui leur accorde différentes responsabilités. Mais, sur le plan des placements, est-ce dans l’intérêt des gestionnaires des plus petits régimes de s’inspirer des tactiques de leurs confrères des grandes caisses ?

Firass Kansou, responsable, Solutions placements à la Financière Sun Life, trouve que cela constitue une stratégie gagnante. « Dans l’environnement actuel, qui est caractérisé par une faiblesse des taux d’intérêt et des marchés plus volatils, il est effectivement intéressant pour les régimes CD, ainsi que les plus petits régimes PD, de chercher un raffinement similaire à celui des grands régimes PD », affirme-t-il. Même son de cloche pour Patrick De Roy, gestionnaire de portefeuille institutionnel à Pyramis Global Advisors. « Ce n’est pas un grand déploiement de régimes qui empruntent cette voie, mais on voit une vague de changement, dit-il. Surtout en matière de gestion des risques, c’est une bonne idée d’essayer d’implanter des stratégies qui, auparavant, étaient peut-être réservées aux grands régimes. »

La bonne gouvernance

Si une telle tactique s’avère utile, il convient de garder en mémoire qu’on ne peut pas simplement « copier-coller » le modèle d’une grande caisse. C’est d’abord et avant tout une question de coûts. Le petit régime qui voudrait imiter un plus grand ne pourra pas profiter des mêmes économies d’échelle en raison de sa taille. Éric Filion, vice-président Développement, Commercialisation et Stratégies d’investissement Épargne-retraite collective chez Desjardins Sécurité financière, souligne l’importance de mettre en place le cadre de gouvernance nécessaire pour la bonne gestion des placements. « Dans une petite entreprise, il y a peu de décideurs et c’est facile de prendre des décisions très rapides. C’est d’ailleurs l’un des avantages des PME, dit-il. Mais, en matière de placements, c’est un défi de mettre en place un cadre de gouvernance rigoureux, qui tient compte des limites associées aux coûts. C’est aussi un défi de ne pas tomber dans les perceptions personnelles d’une des personnes appelées à gérer le régime. Il faut établir un processus de prise de décisions qui permet d’amener de la vigueur à ces enjeux-là. » Rappelons aussi que, dans le cas d’une PME, il est souvent question de régimes CD, ce qui impose une plus grande responsabilité aux participants. « Les participants aux régimes CD ne sont pas plus versés sur le plan des investissements, explique Robert Tellier, vice-président régional, Solutions Retraite collectives à la Financière Manuvie. Ils ne veulent pas être experts en placements et s’attendent à ce qu’on leur fournisse la bonne solution. L’industrie offre donc des plateformes clé en main qui permettent de répondre aux besoins du participant sur une plus longue période. »

Choisir les catégories d’actifs

La répartition des actifs dépend naturellement de la réalité et du profil de risque de chaque régime ou participant. Plusieurs thèmes risquent d’intéresser les PME, compte tenu de leur plus grande sensibilité aux flux financiers, déclare M. Kansou. Certains sont, en quelque sorte, calqués sur les stratégies des plus grandes caisses de retraite. Il mentionne, par exemple, la stabilité des rendements, la protection contre l’inflation ou encore la réduction de la volatilité. « On parle de stratégies moins corrélées aux marchés, dont les actions à faible volatilité ou les placements en infrastructures et immobilier, cotés en Bourse ou de façon directe », dit-il.

Patrick De Roy constate que les PME qui ont un régime PD pourraient aussi s’intéresser aux stratégies d’investissement guidé par le passif (IGP). « Au cours des dernières années, il y a beaucoup de travail pour mettre en place des stratégies personnalisées au passif actuariel, dit-il. Maintenant avec les outils et les mandats offerts par les gestionnaires de placements, c’est accessible pour les caisses de toutes tailles. L’IGP est un pas dans la bonne direction, parce qu’il permet de sauver les régimes PD, dans un contexte où la plupart des PME ont des régimes CD. »

Les petits régimes considèrent aussi de plus en plus les investissements à l’international, ajoute M. De Roy, par exemple dans les titres de dette des pays émergents ou les obligations mondiales, afin de mieux diversifier le portefeuille obligataire. « Le petit investisseur, que ce soit le participant à un régime CD ou à un régime PD plus petit, peut maintenant s’exposer plus facilement à ces catégories, et ce, à l’intérieur d’un fonds commun, dit-il. Au lieu d’avoir un choix à faire sur la répartition de chacune des catégories d’actifs, on utilise des produits core-plus qui donnent au gestionnaire la latitude d’investir. »

C’est en effet la création de ce type de fonds qui a beaucoup facilité l’accès des plus petits régimes, qu’ils soient de type PD ou CD, à des stratégies de placements plus sophistiquées. Chaque régime utilisera les fonctions qui conviennent le mieux à ses objectifs. Le fournisseur peut aussi s’occuper lui-même de l’administration de son régime. « Les promoteurs de petits régimes ont accès aux plateformes de fonds élargies des assureurs pour créer un portefeuille diversifié, dit Anne Meloche, vice-présidente régionale, Affaires institutionnelles à Placements mondiaux Sun Life. Elles offrent des catégories d’actifs auxquelles le régime ne pourrait pas accéder directement et évitent les négociations avec les gestionnaires dans chacune des catégories. » De plus, l’investisseur ne risque pas d’investir 100 % de ses actifs dans une catégorie en particulier, de laquelle il a très peu de connaissances.

Un autre thème en vogue auprès des plus grands régimes est la catégorie des placements alternatifs. On constate que les petits régimes et participants aux régimes CD s’y intéressent aussi. « Avant, il y avait une certaine crainte d’être exposé à certaines catégories alternatives, ajoute M. Filion. Aujourd’hui, les plateformes offertes aux participants présentent, de façon crédible, les risques auxquels le régime est exposé. Ça permet d’avoir une exposition à ces catégories à l’intérieur d’un portefeuille structuré. » Il ajoute que la diversification de l’actif tient une place essentielle. « Toutes les réponses sont bonnes pour autant que cela permet de diversifier les sources de rendement, de réduire les risques du portefeuille et d’améliorer le rendement que le participant peut obtenir en fonction du risque qu’il est prêt à courir », dit-il.

Cycle de vie

Déterminer son profil de risque constitue certes un élément important, qu’on soit un grand régime PD ou un participant à un petit régime CD. Or, l’on sait que les participants ne s’intéressent guère à l’investissement. Les fonds cycle de vie proposent une solution qui ajuste la répartition de l’actif en fonction de l’âge du participant. « Ces produits offrent maintenant des catégories alternatives et sophistiquées, dit M. Tellier. Les fournisseurs utilisent l’expérience des plus grands régimes qui ont une répartition plus variée de leurs actifs, et la mettent à la disposition des plus petits. Le promoteur peut donc offrir un outil plus raffiné de placements, sans pour autant augmenter l’implication des participants dans le choix des actifs. »

Qu’il s’agisse d’un petit régime PD ou d’un participant à un régime CD, force est de constater que plusieurs options sont maintenant offertes pour diversifier la stratégie de placements. Les gestionnaires de petits régimes peuvent en effet apprendre beaucoup des grandes caisses. Par contre, la taille du régime peut limiter l’accès à certaines catégories et amener à trouver des compromis qui permettent d’exprimer sa volonté de détenir certaines catégories d’actifs. « Il n’y a jamais de solution miracle, conclut M. De Roy. Si, par exemple, la Caisse de dépôt fait quelque chose, il ne faut pas penser que tout le monde doit faire pareil. C’est l’erreur à ne pas commettre. Il faut aller à plus petites doses, mais on peut s’en inspirer pour mieux diversifier son portefeuille. »

Simeon Goldstein