Transfert d’entreprise dans un contexte de droit du travail

2 avril 2014 | Dernière mise à jour le 2 avril 2014
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Aliénation d’entreprise

1.1 Qu’est-ce que l’aliénation d’entreprise?

L’aliénation d’entreprise se dit de toute forme de transfert du droit de propriété de l’entreprise résultant, en principe, d’un commun accord entre le vendeur et l’acheteur.

Elle comprend notamment la vente, l’échange, la donation ainsi que la transmission successorale de l’entreprise.

Cette chronique ne traitera pas de l’acquisition d’entreprise par voie d’achats d’actions car la question du maintien des conditions de travail des employés ne se pose pas dans ce scénario, puisque l’employeur demeure la même société par actions.

Dans le cas de l’acquisition d’entreprise par voie d’achats d’éléments d’actifs, il y a également maintien des conditions de travail des employés, même si ce n’est pas la même société par actions qui agit à titre d’employeur.

1.2 Législation

Le tableau ci-dessous répertorie quelques dispositions portant sur l’aliénation d’entreprise en matière d’emploi.

Nadia Pola

Maintien des conditions de travail

2.1 Principe

Le contrat de travail en vigueur au moment du transfert d’entreprise, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, se poursuivra chez le nouvel employeur, dans la mesure où ni le vendeur ni l’employé n’y ont mis fin avant le transfert de l’entreprise.

2.2 Salaire et avantages

L’acheteur a l’obligation de maintenir les conditions de travail en vigueur en vertu du contrat de travail. Il en est de même pour les employés syndiqués régis par une convention collective. L’acquéreur est tenu de respecter, notamment, le salaire, le statut (qu’il soit à temps plein, temps partiel, permanent ou temporaire), le poste occupé, la définition de tâches, les avantages sociaux et les vacances.

Cela vaut aussi pour les employés en congé de maternité, accidentés du travail ou en congé de maladie : ils conservent les mêmes conditions de travail et l’acheteur doit respecter, entre autres, leur lien d’emploi et leur droit au retour au travail.

2.3 Ancienneté

Il est également important de mentionner que l’ancienneté des employés suit ceux-ci lors du transfert d’entreprise. L’acheteur est donc lié par les années de services continus des employés.

2.4 Pratiques de l’entreprise

Les pratiques de l’entreprise peuvent-elles faire partie des obligations du nouvel employeur? Les pratiques constantes et bien identifiées de l’entreprise, telles qu’une politique qui octroie une demi-journée de congé payée à un employé lors de son anniversaire, peuvent faire partie des obligations transférées à l’acquéreur, et ce, même dans le cas où le contrat de vente d’entreprise ne le prévoit pas expressément. Ajoutons que l’acquéreur qui pose des gestes laissant croire que les pratiques existantes du temps du vendeur resteront en place sera fort probablement dans l’obligation de les maintenir dans leur ensemble.

Terminaison du contrat du travail

3.1 Si le vendeur met fin au contrat de travail

En principe, le vendeur ne peut mettre fin à une partie ou à tous les contrats de travail dans le but de permettre à l’acquéreur de se départir des employés. Également, le vendeur et l’acquéreur qui prévoient dans le contrat de vente d’entreprise que la vente mettra fin au contrat de travail, sans pouvoir en motiver les raisons, s’exposent à des poursuites pouvant être intentées par les employés concernés. En effet, ces agissements pourraient être interprétés comme des manœuvres ayant pour but de se soustraire à la Loi.

3.2 Si l’acheteur met fin au contrat de travail

En principe, l’acquéreur est tenu de maintenir les contrats de travail des employés à la suite du transfert. S’il ne le fait pas, il devra être en mesure de justifier sa décision et tenir compte des lois applicables en matière de préavis et de délai de congé raisonnable. Par exemple, dans le cadre d’une réorganisation d’entreprise, il pourra diminuer le nombre de salariés, si les circonstances le justifient, notamment afin d’éviter des difficultés économiques.

3.3 Quels sont les recours des employés dont les contrats de travail ont été terminés?

Voici un tableau non exhaustif des droits et recours dont les employés peuvent se prévaloir dans un tel contexte :

3.4 Préavis et indemnité forfaitaire (délai de congé raisonnable)

Celui qui met fin au contrat de travail devra donner aux employés concernés, sauf exception, le préavis prévu à l’article 82 de la L.N.T. ou par le contrat de travail. Attention, le contrat de travail d’un employé ne peut contenir un préavis inférieur à ce que prévoient les normes du travail.

De plus, il faudra verser à l’employé une indemnité forfaitaire, soit le délai de congé raisonnable prévu à l’article 2091 du C.c.Q. et en vertu des critères élaborés par la jurisprudence.

Notons que l’employeur peut se dégager de ces obligations, notamment lorsque l’employé a été congédié pour un motif sérieux.

3.5 Critères à prendre en considération lors de la fixation de l’indemnité forfaitaire (délai de congé raisonnable)

L’employeur devra prendre en considération la durée totale des services de l’employé dans l’entreprise, soit les années de services continus auprès du vendeur. De plus, il devra tenir compte de l’âge de l’employé, la nature de son travail, sa scolarité, les circonstances entourant son embauche, ses limitations personnelles et ses difficultés éventuelles à se trouver un emploi similaire.

Conclusion

Bien que le transfert d’entreprise entraîne un changement de contrôle, il ne donne pas pour autant la possibilité de remplacer les employés de l’entreprise concernée. Il sera donc important pour l’acquéreur de bien connaître les règles qui régissent le type d’entreprise qu’il désire acquérir, les conditions de travail des employés et leur ancienneté. S’il a un motif qui justifie de mettre fin à l’emploi d’un de ses employés, il pourra toujours le faire, mais rappelons qu’il devra être en mesure de pouvoir justifier cette terminaison d’emploi.


Me Nadia Pola, Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cet article contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation. Nous vous recommandons de consulter un avocat concentrant sa pratique en droit du travail.

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