Vente d’assurance en ligne : entre l’ombre et la lumière

Par Christine Bouthillier | 20 Décembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Christine Bouthillier

Tout le monde dans l’industrie québécoise des services financiers attendait le projet de règlement sur la vente d’assurance en ligne avec impatience. C’est que jusqu’ici, on en savait peu sur la façon dont elle serait encadrée. Adopté en juin 2018, le projet de loi 141, qui autorise une telle pratique, en dit très peu à ce sujet.

Des précisions, il y en a dans le projet de règlement déposé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en octobre dernier. Les cabinets qui vendent en ligne devront obligatoirement être inscrits, ce qui signifie qu’au moins un de leurs employés doit détenir un permis.

Les firmes devront ainsi cerner les besoins de leurs clients et s’assurer qu’ils ont en main toutes les informations nécessaires de la même façon que doivent le faire les conseillers en chair et en os.

Les renseignements présentés sur Internet devront l’être « dans une forme claire, lisible, précise et non trompeuse, de manière à mettre en évidence les éléments essentiels à une prise de décision éclairée », peut-on lire dans le projet de règlement.

Pour ce faire, le sommaire fourni au client ne devra porter que sur le produit et ne comporter aucune publicité ni offre promotionnelle. Au besoin, le cabinet pourra aiguiller le consommateur vers les sections pertinentes de la police d’assurance s’il a besoin de plus de précisions.

Paix aux cabinets de bonne volonté

Ces exigences risquent de constituer un défi pour les firmes. En effet, le projet de règlement de l’AMF ne prévoit pas de limiter les types de produits offerts sur le Web. Certains d’entre eux, notamment l’assurance vie universelle, peuvent être particulièrement difficiles à comprendre pour les non-initiés.

S’assurer que le client saisit adéquatement dans quoi il s’embarque ne sera pas une mince tâche. Les risques que celui-ci souscrive le mauvais produit sont bien réels.

Pour contourner ce problème, le projet de règlement prévoit que la plateforme de vente en ligne sera capable de « détecter et, lorsque nécessaire, suspendre ou mettre fin automatiquement à une action initiée […] lorsque le produit ne convient pas aux besoins du client ou lorsqu’une contradiction ou une irrégularité dans les renseignements qu’il fournit peut mener à un résultat inapproprié ».

Le système devra aussi permettre au client de « corriger une erreur en tout temps avant la souscription ou l’adhésion au contrat ». Est-ce que ce sera suffisant? Seul l’avenir nous le dira… une fois que les clients auront commencé à se procurer des polices en ligne.

Certains estiment que les consommateurs n’oseront pas souscrire seuls des produits complexes et que, faute de demande, les assureurs ne les offriront pas sur le Web.

D’autres, plus pessimistes, croient que si les institutions « plus sérieuses » ne s’y risqueront pas au départ, ce ne sera pas le cas de tous les fournisseurs. Et selon eux, il suffit qu’un cabinet s’y mette pour que tous les autres suivent la parade.

Quid de la responsabilité partagée?

Le projet de règlement indique aussi qu’un représentant certifié doit être disponible pendant la transaction pour répondre aux questions du client au besoin. Mais cette disposition soulève des questions d’un point de vue déontologique.

Advenant une plainte, qui sera responsable du dossier? Le cabinet? Le représentant qui a répondu à une seule question au téléphone? Tout dépend du degré d’implication du conseiller. Les situations seront évaluées au cas par cas, ce qui n’est pas sans inquiéter nombre de professionnels qui ont peur d’en faire les frais.

À cela, l’AMF répondait en novembre, lors du Rendez-vous avec l’Autorité, que les assureurs auraient l’obligation de consigner l’ensemble du parcours que le consommateur a effectué en ligne et avec le représentant, ce qui permettra de bien départager les responsabilités de chacun.

Le projet de règlement a beau faire la lumière sur l’encadrement de la vente d’assurance en ligne, des zones d’ombre demeurent. Les conseillers ont pu faire part de leurs inquiétudes à l’AMF lors de la consultation sur cette proposition, qui a pris fin le 10 décembre dernier. Des ajustements sont donc toujours possibles d’ici juin, moment où les consommateurs pourront officiellement se procurer leur assurance directement sur le Web.

Christine Bouthillier est directrice principale de contenu à Conseiller.

Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.