Développer l’art d’acheter de l’art

Par Sylvie Lemieux | 10 février 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le marché de l’art offre d’intéressantes occasions d’investissement. Mais pour Stephen Bronfman, président exécutif de Claridge et grand collectionneur, c’est d’abord et avant tout une histoire de passion.

« Je ne suis pas dans l’art pour le business de l’art. Je choisis ce que j’aime », a-t-il raconté lors d’une discussion en ligne organisée par l’Association CFA Montréal qui était menée par l’entrepreneur Alexandre Taillefer, lui-même propriétaire d’une collection personnelle de plus de 300 œuvres.

DEUX COLLECTIONS, DEUX MISSIONS

Stephen Bronfman baigne dans l’art depuis sa tendre enfance, influencé surtout par sa mère qui vient de New York. Il y a passé beaucoup de temps à visiter les musées et a même étudié en histoire de l’art aux États-Unis. « J’apprécie les belles choses qui ajoutent à notre vie », dit-il.

Depuis cinq ans, il siège au comité exécutif de la société de ventes aux enchères Christie’s, à New York. « Je suis très chanceux d’être assis autour de la même table avec des experts de l’art et de grands collectionneurs. J’apprends beaucoup et j’ai accès à l’information. »

Il fait des acquisitions pour sa collection personnelle qu’il gère avec sa femme Claudine, mais de façon plus limitée qu’il ne le voudrait. « On manque de murs dans la maison, lance-t-il. Je n’aime pas non plus acheter des œuvres pour qu’elles restent dans les boîtes juste pour monter un fonds d’investissement. Si je les achète, c’est pour les voir. »

Il investit également par le biais de Claridge, sa société d’investissement, qui s’est donné pour mission de soutenir l’art canadien. L’impressionnante collection compte des œuvres d’artistes comme les sculpteurs Michel de Broin et David Altmejd, tous deux Québécois, la peintre manitobaine Wanda Koop et le photographe Edward Burtynsky, originaire de l’Ontario ry connu pour ses spectaculaires photos du chantier du barrage des Trois Gorges, en Chine.

Claridge établit un budget acquisition qui est variable d’une année à l’autre. « Je fais des tournées pour voir ce qu’il y a de bon sur le marché canadien. Il y a de grandes œuvres ici, même si ce n’est pas le marché de New York. On grandit avec certains artistes. Ça me plait de bâtir quelque chose de qualité », témoigne Stephen Bronfman.

PRENDRE OU NON DES RISQUES

Ses stratégies d’investissement diffèrent entre sa collection personnelle, où il mise davantage sur des noms reconnus, que pour la collection Claridge où il prend davantage de risques avec des artistes en émergence dont les « œuvres ne sont pas toujours à des prix exorbitants ». Par le fait même, cette collection prend peut-être moins de valeur que sa collection personnelle qui est basée sur des valeurs sûres.

« Si tu veux faire de l’argent, reste dans le marché triple AAA. Si tu es prêt à prendre des risques, go low et stay slow », soutient-il.

Il met parfois du temps avant de mettre la main sur l’œuvre d’un artiste qu’il convoite. Cela a été le cas quand il a acheté Diamond, un tableau de Frank Kline, un peintre américain mort assez jeune et qui n’a donc pas produit beaucoup. Après plusieurs années de recherche, il vu une de ses œuvres dans une collection privée à Chicago. Le propriétaire était en plein divorce en plus de vivre un revers financier à la suite du crash boursier de 2008. La vente s’est conclue rapidement, à la grande satisfaction de Stephen Bronfman.

SAVOIR S’ENTOURER

S’il avait un conseil à donner à ceux qui aspirent devenir collectionneur, ce serait de développer un solide réseau de contacts dans le milieu de l’art. « C’est beaucoup une affaire de relations. Plusieurs personnes peuvent vouloir acheter une même œuvre. Ce n’est pas juste le prix qui va faire que tu l’emportes ou pas », explique Stephen Bronfman qui fait le parallèle entre le marché de l’art et le fait d’être en affaires où le succès est souvent relié aux relations de confiance que l’on tisse.

Il a développé des liens avec des marchands d’art dont certains sont devenus des amis. Même chose avec des artistes qui l’intéressent et qu’il a la chance de côtoyer. Il fait aussi affaire avec un consultant qui flaire pour lui les bonnes affaires.

« Quand tu es bien entouré et que tu fais la due diligence, ça va bien aller. Ça prend aussi du flair. C’est une bonne combinaison », souligne-t-il en rappelant qu’il y a des arnaqueurs même dans la vente d’œuvres d’art. Son grand-père a d’ailleurs acheté un Rembrandt qui s’est finalement révélé être un faux, raconte-t-il.

Que pense-t-il des NFT (non fongible token), ces certificats garantissant l’authenticité et le caractère unique des œuvres numériques, qui révolutionnent le marché de l’art contemporain actuellement ? Certaines de ces œuvres atteignent des prix impressionnants comme celle de l’artiste américain Beeple qui s’est vendu 69,3 millions de dollars par la maison Christie’s l’an dernier.

« Je ne suis pas très tech, avoue Stephen Bronfman. Je ne m’y connais pas assez même si j’ai vu des œuvres intéressantes. Il est clair qu’il se passe quelque chose du côté des NFT. »