Dites non aux actions canadiennes!

Par Siham Lebiad | 5 Décembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Trois hommes d'affaires illustrant les trois singes sages.
Photo : wernerimages / 123RF

Dans un climat de ralentissement économique et de resserrement des politiques monétaires à travers le monde, il importe d’être plus prudent en ce qui concerne les titres canadiens.

C’est ce qu’a recommandé Michael Greenberg, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Franklin Templeton Multi-Asset Solutions, lorsqu’il a détaillé ses craintes concernant les marchés financiers lors d’un évènement organisé par l’entreprise mardi, à Montréal.

« En premier lieu, les actions canadiennes sont surévaluées. Ensuite, l’investissement des entreprises canadiennes est moins important qu’auparavant, ce qui montre leur faible niveau de confiance envers l’économie du pays », a confié M. Greenberg.

Il pense cependant que ce n’est qu’une question de temps avant que la valeur des entreprises canadiennes devienne plus attrayante, surtout dans le secteur de l’énergie. Il met aussi l’accent sur la lourdeur bureaucratique qui empêche les investisseurs étrangers de s’installer au Canada, ou qui en incite quelques-uns à quitter le pays.

« Lorsqu’on regarde le ratio cours-bénéfice des actions canadiennes, on constate que la plupart de ces mauvaises nouvelles sont déjà prises en compte dans les prix, explique-t-il. Ce ratio est sous sa moyenne historique, ce qui veut dire que ce ne sont pas de mauvais titres, mais à court terme, ils peuvent rester sous-évalués ou surévalués un moment. Ce n’est donc pas le moment de surpondérer en actions canadiennes. »

OBLIGATIONS ATTRAYANTES

En ce qui concerne les obligations, en revanche, le Canada détient un avantage par rapport aux autres pays. La réticence de la Banque du Canada à baisser les taux d’intérêt lui laisse une marge de manœuvre importante en cas d’une reprise difficile de l’économie, contrairement à d’autres pays tels que les États-Unis, le Japon ou encore l’Allemagne, dont les taux sont tellement bas que les banques centrales ne peuvent pas réagir de façon significative.

« Nous préférons les obligations gouvernementales canadiennes à court terme. Nous en avons ajouté dans notre portefeuille dans les 18 derniers mois pour faire contrepoids au risque que représentent les actions que nous détenons », déclare M. Greenberg.

Franklin Templeton a cependant choisi de réduire la place des obligations de sociétés dans ses portefeuilles, considérant que le risque qu’elles posent dépasse le potentiel de rendement, prenant en compte les incertitudes commerciales qui pèsent sur les entreprises canadiennes.

M. Greenberg s’est montré enthousiaste envers les actions américaines, encouragées par un consommateur « en pleine forme », et dit s’attendre à de meilleurs résultats des entreprises américaines en 2020.

La prudence s’impose plutôt, puisque l’on s’attend à une croissance réduite et une faible inflation compte tenu des incertitudes causées par les tensions commerciales et de la volatilité présente sur les marchés, estime pour sa part Bill Yun, premier vice-président à Franklin Templeton Multi-Asset Solutions. Toutefois, il ne croit pas que l’économie mondiale se dirige vers une récession.

« Je pense que la santé générale de l’économie américaine est stable. Nous avons eu dix ans d’expansion, le plus long cycle de croissance, mais ça pourrait continuer. Nous n’anticipons pas de récession en 2020. Nous estimons le risque d’une récession à moins de 20 %, à moins d’un choc exogène », explique-t-il. 

LE CONFLIT CANADO-CHINOIS

Si les États-Unis sont en guerre commerciale avec la Chine, le Canada a aussi eu sa part de frictions avec le régime communiste. Depuis l’arrestation au Canada de Meng Wanzhou, directrice financière de l’entreprise Huawei soupçonnée par les États-Unis d’avoir contourné les sanctions contre l’Iran, des tensions entre les deux pays ont affecté l’économie canadienne.

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, estime que la conséquence économique la plus grave de cette arrestation a été le ralentissement des exportations canadiennes vers la Chine, une sanction qui a coûté cher aux producteurs de soya, de canola et aux éleveurs de porcs.

« Nous vivons la pire crise entre les deux pays depuis l’établissement de relations diplomatiques il y a 49 ans. Tous les dialogues entre les deux gouvernements ont été suspendus et le Canada a perdu des milliards de dollars en exportations », explique l’ex-ambassadeur.

Les relations sont cependant en train de reprendre, après que le Canada eut sollicité l’intervention de l’Organisation mondiale du commerce. Le 5 novembre, la Chine a annoncé qu’elle recommencerait à importer de la viande canadienne, surtout du porc, dont une grande partie provient du Québec, précise M. Saint-Jacques.

Les incertitudes en ce qui concerne les relations entre le Canada et la Chine touchent aussi le secteur de la technologie, étant donné l’implication de l’entreprise Huawei dans le conflit. Elles ont un effet direct sur l’économie et les entreprises canadiennes, notamment à travers la baisse des exportations, ce qui a des répercussions négatives sur les marchés financiers. Une autre des raisons qui découragent les gestionnaires de portefeuille d’investir dans les titres canadiens.

Siham Lebiad