Investissement responsable : pas facile de s’y retrouver

Par La rédaction | 21 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une jeune femme sur un fonds gris. Au-dessus d'elle on voit deux flèches allant dans des directions opposées et un point d'interrogation.
Photo : ra2studio / 123RF

On entend souvent parler de l’investissement socialement responsable (ISR), mais dans les faits il reste très difficile pour les investisseurs de choisir des portefeuilles et des titres en étant sûrs qu’ils correspondent à leurs valeurs. La faute à un certain vide sur le plan des normes, selon le professeur de planification financière de l’Université TÉLUQ Clément Hudon.

Ce dernier a publié récemment les premières conclusions de son projet de recherche sur l’investissement responsable, entrepris il y a un peu plus d’un an. Son but est de vérifier si des entreprises étiquetées comme « responsables » ont un effet positif dans le portefeuille des Canadiens.

UN SECTEUR DIFFICILE À ÉVITER

Pour répondre à ces questions, le professeur a d’abord obtenu une liste des investissements au sein de fonds communs de placement (ISR et traditionnels) d’une grande institution financière canadienne. Il a ensuite scruté les titres détenus par chacun de ces fonds. Il a comparé les titres détenus dans des fonds ISR à mission environnementale ou éthique à ceux détenus dans des fonds traditionnels. Il les a ensuite séparés en dix catégories, comme Finances, Informatique, Ressources naturelles, etc.

Il a rapidement constaté que les possibilités d’investissement dans des titres canadiens non liées au secteur des ressources naturelles – pétrole, mines et produits chimiques – étaient limitées. Il a toutefois tenu à pousser la réflexion plus loin quant à la catégorisation des entreprises. 

COUPABLES PAR ASSOCIATION?

Le chercheur s’est demandé s’il suffisait d’observer le domaine dans lequel une entreprise évolue pour décider si elle est « éthique » ou non, ou s’il ne faudrait pas aussi examiner dans quels domaines sont actifs les clients qu’elle dessert.

Par exemple, une entreprise financière qui investit massivement dans des compagnies d’exploitation pétrolière peut-elle vraiment être considérée comme n’évoluant pas dans le secteur des ressources naturelles? Et qu’en est-il d’une compagnie de transport dont une partie de la flotte transporte du pétrole? 

« Quoiqu’il soit facile d’identifier, lire, cibler les producteurs ou les vendeurs de tabac, de cigarettes ou d’autres produits légaux, mais d’acceptation sociale difficile, qu’en est-il de leurs financiers, fournisseurs, transporteurs, etc.? » demande Clément Hudon. Il devient trop facile, selon lui, de se retirer d’une catégorie et de conserver des titres d’entreprises en finances ou autres qui bénéficient directement de l’activité de ce secteur. 

IMPOSER UNE NORME

Cette réflexion montre bien la complexité d’investir dans des titres d’entreprises correspondant vraiment aux valeurs environnementales, sociales et de saine gouvernance (ESG). Pour le moment, les gestionnaires de fonds établissent leurs propres règles et balises qui expliquent leur sélection de titres. Il y a aussi la norme ISO 26000, en vigueur depuis 2010. Toutefois, elle demeure fort peu connue et les investisseurs ne s’en servent que rarement. Il s’agit d’une norme volontaire, mais dépourvue de dents. 

Comment résoudre ce problème? Clément Hudon propose l’adoption d’une norme standardisée. Elle permettrait aux investisseurs de remplir un questionnaire pour déterminer leur niveau de tolérance à ce qui est et n’est pas socialement responsable, en fonction de leurs propres valeurs. Ils pourraient, par exemple, choisir entre les fonds qui excluent d’office certains secteurs et d’autres qui préfèrent investir dans les meilleurs élèves de chaque secteur, une distinction importante dans l’ISR.

Les entreprises qui n’obtiennent pas de certification pourraient être taxées afin de générer des fonds qui iraient aux entreprises qui tentent, elles, d’améliorer leur bilan ESG. La détention d’une certification pourrait aussi permettre l’obtention de taux d’intérêt plus avantageux lors d’une demande de financement ou même être liée à l’obtention de crédits d’impôt. 

Les consommateurs eux-mêmes auraient le choix de délaisser les entreprises moins responsables socialement et encourager celles qui répondent aux certifications positives. « De cette façon, nous pourrions standardiser ce qui constitue un effort acceptable ou souhaitable et avoir un impact sur le comportement des entreprises fautives, puisque l’obtention d’une certification dans le cadre de cette norme aurait des répercussions sur leur coût de financement, leurs ventes, leurs actions en Bourse et, cela va de soi, sur leur image auprès des consommateurs », conclut Clément Hudon.

La rédaction