L’alpha, une denrée de plus en plus rare

Par La rédaction | 4 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Rangée de crayons à mine noirs, un crayon à mine jaune sortant du lot.
Photo : Mark Carrel / 123RF

Générer de l’alpha dans l’environnement de marché actuel est bien plus ardu qu’autrefois, affirme le gestionnaire-vedette Bill Gross, qui a mis fin à une carrière de 48 ans dans l’industrie financière vendredi dernier.

Celui que l’on surnomme « le roi des obligations » estime qu’il existe toujours des éléments dans le marché qui permettent de surperformer les indices, mais que les probabilités de générer de la valeur ajoutée de façon récurrente sont bien plus faibles qu’elles l’ont déjà été, a-t-il souligné lors d’une entrevue à Bloomberg.

Bill Gross, aujourd’hui âgé de 74 ans, pointe du doigt les mesures d’assouplissement quantitatif et les politiques de « taux zéro », voire de taux négatifs mises en œuvre par les banques centrales. « Elles ont modifié les règles du jeu », soutient-il.

Le gestionnaire obligataire nouvellement retraité explique que les investisseurs pouvaient autrefois générer de 30 à 40 points de base d’alpha annuellement, « sans aucun mérite », simplement en détenant une obligation dont l’échéance se rétrécit au fil du temps.

Maintenant, les coupons des obligations sont au plus bas, et les écarts de rendement entre les titres de différentes échéances sont minces.

Par ailleurs, il est aujourd’hui beaucoup plus difficile de dénicher des titres mal évalués par le marché, poursuit-il. Pour battre les indices de référence, Bill Gross explique s’être souvent porté acquéreur, dès leur émission sur le marché, des nouveaux produits de crédit lancés par les banques. « Ces instruments étaient inévitablement mal compris et négociés à escompte par rapport à leur valeur intrinsèque. » De telles occasions sont aujourd’hui beaucoup plus rares, constate le gestionnaire.

« NOUS SOMMES ALLÉS AUSSI LOIN QUE NOUS LE POUVIONS »

Si les titres mal évalués sont beaucoup plus difficiles à dénicher aujourd’hui, c’est en grande partie en raison du développement des stratégies de négociation systématique contrôlées par des ordinateurs. Depuis 2008, les banques se montrent également frileuses à l’idée de créer une multitude de nouveaux instruments financiers négociables sur les marchés.

« Les marchés sont très développés, autant du point de vue des produits réels que des produits dérivés. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions », croit Bill Gross.

Les investisseurs se montrent aussi de plus en plus critiques envers les gestionnaires actifs et louangent les produits passifs tels que les FNB ou encore les stratégies quantitatives, de type momentum notamment. Bill Gross estime qu’il s’agit d’un débat « bidon ».

Selon lui, la principale problématique dans le monde de la gestion active est la constante pression à la baisse sur les frais. Dans les années 1980 et 1990, les rendements obligataires se situaient dans les deux chiffres, il était facile pour les gestionnaires de facturer 150 points de base aux clients.

Avec les rendements actuels, il n’est évidemment plus envisageable pour les gestionnaires de fixer des frais de gestion aussi élevés. Et alors que les banques centrales continuent de lutter contre la déflation, et maintiennent donc leur taux directeurs bas, il y a peu de chance de voir les frais augmenter de manière importante dans un avenir proche, juge Bill Gross.

La rédaction