Les banques centrales nourrissent l’appétit des investisseurs pour l’or

Par Carole Le Hirez | 7 mars 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : zhazhin_sergey / istockphoto

Les banques centrales aiment l’or et en redemandent. Elles ont acheté 1 136 tonnes du précieux métal en 2022, soit 450 tonnes de plus qu’en 2021, du jamais vu depuis 55 ans, selon le rapport annuel du Conseil mondial de l’or (CMO).

Au plus haut depuis 11 ans, la demande mondiale en métal jaune a progressé de 18 % par rapport à 2021. Les achats, qui avaient ralenti pendant la pandémie, se sont concentrés sur la deuxième partie de 2022, avec des acquisitions de 862 tonnes entre juillet et décembre derniers.

Comment s’explique ce regain d’intérêt des banques centrales pour l’or, alors que son étoile avait pâli ces dernières années ?

VALEUR REFUGE

Les banques centrales des pays développés comptent sur cette valeur refuge pour se prémunir contre les incertitudes économiques et géopolitiques et diversifier leur portefeuille, indique le CMO.

« Il n’est pas surprenant qu’au cours d’une année marquée par l’incertitude géopolitique et une inflation galopante, les banques centrales aient choisi de continuer à accumuler de l’or dans leurs coffres, et ce à un rythme accéléré », analyse le Conseil.

Alors que leurs réserves sont constituées traditionnellement de dollars américains, d’euros et de yen japonais, les banques cherchent aussi, en garnissant leurs coffres de métal jaune, à se protéger contre les risques liés à la concentration dans une seule devise.

Les pays émergents trouvent quant à eux dans l’achat d’or un moyen de diminuer leur dépendance au dollar américain. En effet, depuis la crise financière de 2008-2009, les banques européennes ont cessé de vendre leur or. Un nombre croissant d’économies émergentes telles que la Russie, la Turquie et l’Inde en ont profité pour faire leurs emplettes, signale le CMO.

La Banque de Russie, par exemple, a augmenté ses réserves du précieux métal de 20,7 tonnes en janvier 2021. La Banque centrale de Chine en a pour sa part acheté 5,9 tonnes en décembre 2020, dans une volonté de diversifier les réserves du pays et de renforcer la résilience de son système financier.

Les économies émergentes gardent jalousement les données sur leurs acquisitions d’or. Environ deux tiers des achats réalisés par les banques centrales l’année dernière n’a pas été déclarés auprès du Fonds monétaire international (FMI), rapporte le CMO. La banque centrale chinoise, notamment, un des plus importants détenteurs d’or de la planète après la Réserve fédérale américaine, n’a pas dévoilé le montant de ses achats.

LES INVESTISSEURS PRIVÉS EMBOÎTENT LE PAS

En plus des banques centrales, les investisseurs privés se sont également tournés vers l’or comme valeur refuge. La demande de cette catégorie d’acheteurs a augmenté de 10 % pour atteindre 1 107 tonnes l’année dernière, selon le CMO.

« Nous avons assisté à une vague de liquidités sur les marchés financiers, avec des taux d’intérêt très bas et une croissance économique anémique, ce qui a poussé les investisseurs à chercher des actifs alternatifs pour protéger leur patrimoine », explique Fabien Benchetrit, gestionnaire de portefeuille chez BNP Paribas Asset Management, dans Le Figaro Économie.

Tous les investisseurs n’ont pas été des acheteurs nets d’or en 2022. Les investisseurs dans les fonds indiciels ont encaissé 110 tonnes de métal jaune, pour une valeur de 5,5 milliards de dollars. « La demande de ces produits a bondi lorsque le risque géopolitique a occupé le devant de la scène au premier trimestre, révèle le rapport annuel du CMO, mais elle a ensuite progressivement cédé du terrain avec les hausses de taux agressives ».

La politique de lutte à l’inflation de la Réserve fédérale a fait grimper le rendement des emprunts d’État américains, ce qui les a rendus plus attractifs pour se protéger contre la hausse des prix. La hausse des taux d’intérêt a également contribué à renforcer le dollar américain, ce qui a eu tendance à pénaliser les achats d’or en dehors des États-Unis.

Pour bon nombre de spécialistes, l’or pourrait encore briller cette année. Les banques centrales continueront probablement à accumuler de l’or à court terme, car le métal jaune est une ressource limitée et tangible, ce qui en fait un choix sûr pour les réserves de valeur, selon des analystes.

Dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale et d’une probable récession, de nombreux observateurs pensent que les campagnes de hausse des taux des banques centrales devraient marquer le pas.

Les tensions géopolitiques resteront vives au cours de la prochaine année et plusieurs pays voudront continuer à s’affranchir du dollar américain. Pour toutes ces raisons, les analystes de Pictet Weath Management viennent de revoir leur scénario sur le métal précieux. Ils sont d’avis que le cours de l’or grimpera de près de 10 % dans les prochains mois et flirtera de nouveau avec les 2 000 $ US.

Carole LeHirez

Carole Le Hirez

Carole Le Hirez est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.