Les investisseurs voient vert

Par La rédaction | 24 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Planter une pousse.
Photo : Andriy Popov / 123RF

L’entreprise dans laquelle j’investis est-elle assez verte? est-elle socialement responsable? Selon un récent rapport de Kingsdale Advisors, les investisseurs canadiens seraient de plus en plus nombreux à vouloir des réponses à ces questions.

Ils n’hésitent plus à amener des propositions de type environnemental, social et de gouvernance (ESG) lors des assemblées générales et celles-ci connaissent plus de succès qu’auparavant. « Cette année, nous avons vu un nombre record de propositions ESG soutenues par la majorité aux États-Unis et une forte réception à de telles propositions au Canada », souligne le rapport.

En Amérique du Nord, les abstentions sur les propositions ESG sont passées d’une moyenne de 16 % en 2010 à 4 % en 2017. Les grands investisseurs tels BlackRock et Fidelity Investments présentent plus souvent ce type de propositions et votent plus souvent en leur faveur.

LES BANQUES RÉAGISSENT

Les banques répondent à cet engouement en offrant de plus en plus de services et d’outils pour analyser la performance ESG des entreprises cotées en Bourse. Au cours des derniers mois, certaines banques européennes, dont HSBC, ont même été jusqu’à modifier leurs politiques de prêts en insistant sur des critères liés aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et au réchauffement climatique, rapporte le Financial Post. Les banques canadiennes n’ont pas encore suivi cette voie, mais elles offrent plus d’outils pour mesurer les risques liés au carbone.

CIBC, par exemple, a développé un pisteur de carbone semblable à ceux élaborés par Sustainalytics et MSCI Inc. L’outil fournit aux investisseurs des données sur les émissions de GES, qui peuvent aider à déterminer le degré d’exposition à ces émissions et le risque lié aux taxes sur le carbone.

« Il me semble qu’il y a un risque que les taxes sur le carbone augmentent à l’avenir », a soutenu dans le Financial Post Ian de Verteuil, stratège en capitaux de CIBC marchés des capitaux. Cela représente un risque financier pour certaines entreprises. C’est le cas notamment dans plusieurs secteurs importants au Canada, comme les secteurs de l’énergie, des mines et des services publics.

Le gouvernement canadien tente toujours d’imposer un prix pour le carbone dans les provinces qui ne participent pas déjà à une bourse du carbone, mais se heurte à une opposition farouche de l’Alberta à laquelle s’est jointe l’Ontario depuis l’élection de Doug Ford. L’arrivée au pouvoir de Doug Ford et celle de Donald Trump démontrent d’ailleurs combien il est difficile d’évaluer l’incidence à moyen et long termes de certaines politique vertes, puisqu’elles peuvent changer radicalement selon les retournements politiques. Tant Doug Ford que Donald Trump minimisent les risques liés aux changements climatiques et s’emploient à renverser les politiques environnementales de leur prédécesseur respectif.

RENSEIGNER SANS CONSEILLER

De son côté, RBC élabore des analyses de divers scénario sur l’incidence des politiques liées au carbone sur les entreprises et leur capacité à rembourser leurs dettes. La banque compile aussi les rapports internes des entreprises cotées en Bourse portant sur leurs émissions de GES et en tient compte dans l’analyse financière de ces firmes. Avant de remettre ce type d’information à ses clients, la RBC souhaite procéder à des tests à l’interne. Banque TD travaillerait aussi à développer un instrument d’analyse des risques liés au carbone.

RBC évalue les entreprises en fonction de leurs émissions de GES pour chaque million de dollars en revenu et pour chaque million de dollars en capitalisation boursière. CICB présente les émissions totales de GES d’une compagnie divisée par sa capitalisation boursière. Certains investisseurs préfèrent un calcul portant sur d’autres facteurs, tel le nombre d’employés ou la production. Pour l’instant, les banques se contentent de fournir des données quantitatives, sans émettre de jugement quant à l’investissement dans les entreprises émettrices de GES.

UNE DONNÉE CRUCIALE

Si les banques et les agences de notation diffèrent sur les moyens et les approches, elles s’entendent sur l’importance grandissante de cette donnée pour les investisseurs. Comprendre les risques liés au carbone dans un portefeuille peut aider les investisseurs à prendre de meilleures décisions, soutenait d’ailleurs Morningstar en mai dernier, à l’occasion du lancement de son propre outil d’évaluation des risques liés au carbone.

Les investisseurs en sont bien conscients. Un groupe d’investisseurs responsables de 28 billions de dollars américains (36 G$ CA) d’actif sous gestion a promis en 2017 de s’engager activement auprès des 100 compagnies mondiales produisant le plus d’émissions de GES. Des compagnies canadiennes telles Suncor Energy Inc., Imperial Oil Ltd, Canadian Natural Resources Ltd et Teck Resources Ltd comptaient parmi celles-ci.

L’agence de notation Moody’s n’hésite plus à tenir compte des risques liés au carbone. Elle aurait régulièrement abaissé la note de certaines entreprises de services publics au cours des dix dernières années, en raison de l’imposition de marchés du carbone sur le continent, soutient l’un de ses dirigeants dans le Financial Post.

Le Canada, dont l’économie repose en grande partie sur le secteur énergétique, suivra-t-il cette tendance jusqu’au bout?

La rédaction