Méfiez-vous des optimistes  

Par Nicolas Ritoux | 1 mai 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
4 minutes de lecture

Les marchés se montrent un peu trop confiants envers l’avenir immédiat, croit Leslie Alba, directrice, solutions de portefeuilles, Gestion d’actifs CIBC.

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« Au premier trimestre de l’année, tout comme durant la majeure partie de 2022, les perceptions et les performances ont été dominées par les questions d’inflation et de taux d’intérêt. Bien que l’inflation poursuive sa descente après les pics de l’an dernier, d’autres indicateurs comme l’emploi et la confiance des consommateurs demeurent raisonnablement élevés. On commence tout juste à voir des fissures se former dans le système financier sous l’effet des taux élevés », dit Leslie Alba.

L’experte fait notamment allusion à l’effondrement de deux banques régionales américaines au cours du mois de mars. Il y a eu d’abord Silicon Valley Bank (SVB), qui servait beaucoup d’entreprise en démarrage soutenues par le capital de risque, et qui a dû encaisser des pertes quand ses clients ont voulu retirer des fonds alors que ses actifs à long terme avaient perdu en valeur (elle a été forcée de vendre sur le marché secondaire ses bons du Trésor à long terme alors que les hausses de taux avaient fait chuter leur prix). Ensuite, les régulateurs ont mis la clef sous la porte de Signature Bank, qui s’était illustrée dans les prêts liés aux cryptomonnaies. Apeurés par la situation de SVB, ses clients ont voulu retirer leurs fonds et ont entraîné des peurs de contagion dans l’ensemble du système financier.

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Pendant ce temps en Europe, Crédit Suisse a été rescapée par sa compatriote UBS. « Le trimestre n’était pas terminé que l’on parlait déjà d’un risque de crise financière internationale », note Leslie Alba. « Mais la situation s’est relativement stabilisée depuis, grâce à des interventions de la Fed qui pour le moment se sont avérées efficaces. »

« Les marchés d’actions ont été encouragés par ces interventions et par le ralentissement des hausses de taux, si bien qu’ils ont affiché une belle performance au cours du trimestre, notamment dans les secteurs plus technologiques. Mais la question est de savoir si les prix ont rebondi après avoir réagi initialement à une possible détérioration, ou si les investisseurs sont tout simplement trop optimistes. Pour le moment, les marchés semblent interpréter la plupart des nouvelles comme de bonnes nouvelles, et leurs prix reflètent une certaine foi envers un atterrissage économique en douceur », analyse Leslie Alba.

« Pourtant, les courbes de rendement obligataires demeurent inversées, ce qui indique habituellement un risque de récession. Il y a une dichotomie entre les événements du dernier trimestre et la manière dont les marchés y réagissent, tant du côté des actions que des obligations. Pour notre part, nous ne croyons pas être sortis du bois, et nous demeurons prudents avec une approche défensive », poursuit l’experte.

Elle croit que la pause marquée par la Banque du Canada en matière de hausses de taux n’aura pas le choix de se maintenir, en raison du fort endettement des ménages qui forme un « plafond ». En outre, elle n’écarte pas une plus grande instabilité financière, même si ce n’est pas son scénario privilégié. L’économie canadienne est influencée par celle de nos voisins du Sud, et si les hausses de taux de la Fed ont ralenti, de nouvelles fissures peuvent encore apparaître. La prudence est particulièrement de mise sur les marchés d’actions, croit-elle.

« Les prix se sont contractés au cours de l’année dernière, mais beaucoup sont encore élevés relativement au risque. Nous croyons qu’une nouvelle correction est possible, surtout si les profits des sociétés tendent à la baisse et qu’un scénario d’atterrissage brutal se dessine. Ce n’est pas le moment d’accroître son exposition aux actions. Nous les avons sous-pondérés dans nos portefeuilles tandis que nous avons surpondéré les obligations et instruments monétaires, surtout à court terme », indique Leslie Alba.

Elle recommande cependant de continuer de penser à long terme au moyen d’actifs productifs par-delà les cycles.

« Notre positionnement stratégique reflète nos estimations à long terme, qui n’ont pas changé. En fait, la situation actuelle n’a fait que renforcer l’importance de la diversification, notamment entre actions et obligations. La corrélation qu’on a observée l’an dernier entre ces deux types d’actifs a été difficile pour les investisseurs, mais nous croyons être revenus à un équilibre. La diversification permet de profiter des actifs les plus performants tout en atténuant les risques potentiels. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.