OPINION – Maximiser le REER : pas toujours une bonne idée

Par Jean-François Robert, collaboration spéciale | 5 février 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un homme d'affaire, la main en avant, faisant le signe de stop.
Murat Deniz / iStock

Il est futile et dangereux de cotiser aux REER juste pour réduire l’impôt à payer.   Il faut cesser de parler de maximisation des REER. Seuls les CELI devraient être maximisés, et cela beaucoup plus souvent. La totalité des contribuables devrait par ailleurs éviter de cotiser aux REER à l’aveuglette. Mais, j’en conviens, les conseillers et planificateurs financiers ne bénéficient malheureusement pas toujours des outils adéquats pour le démontrer.

Certes, de nombreux contribuables se retrouveront avec un solde à payer lors de la production de leurs déclarations fiscales en raison de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), mais il est TRÈS mal avisé de leur suggérer de cotiser, aveuglément, à un REER.

Je sais que de plus en plus de conseillers et de planificateurs financiers utilisent les courbes de M. Claude Laferrière qui démontrent les taux réels d’imposition sur un revenu additionnel gagné. Le hic, c’est que celles-ci ont été créées pour indiquer les incidences sociofiscales sur une augmentation de revenus et non pas pour déterminer un taux d’économies REER.  En fait, tant pour les contributions REER que les décaissements FERR, je dirais que les courbes de M. Laferrière ne sont nullement adaptées aux besoins des conseillers. Je dirais même que les courbes de M. Laferrière sont très dangereuses. Voici d’ailleurs quelques erreurs courantes :

  • Comme le REER ne vient nullement diminuer les contributions obligatoires au Régime de rente du Québec (RRQ), au Régime québécois d’assurance parentale (RAQP) et à l’assurance-emploi, il conviendrait de réduire le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) d’environ 6%, du moins pour les revenus se situant sous 58 700 $ par conjoint pour les courbes de la série #100 et sous les 98 000$ environ pour les courbes de la série #200 [1].
  • Comme le REER vient réduire le revenu imposable, il faut plutôt regarder par en arrière (Revenus – REER) que par en avant sur les courbes. Certes, en éliminant le 6% discuté plus haut, il demeure relativement facile d’évaluer le TEMI sur une cotisation REER de 1 000 $. Toutefois, plus le montant de la contribution REER devient élevé et plus cela devient hasardeux d’évaluer le TEMI moyen ou pondéré sur l’ensemble de la contribution REER.
  • Dès qu’un ménage bénéficie d’un régime collectif d’assurance-médicaments, il convient de prendre avec des pincettes les TEMI sous les 41 500 $ pour les couples sans enfants et sous les 25 000 $ pour les célibataires. Rappelons que les courbes de M. Laferrière dressent l’incidence d’une hausse du revenu sur les contributions à la RAMQ. En 2020, il faudrait alors réduire l’économie fiscale entre 6.6% à 10% ! N.B. Pour les familles mono et biparentales, les seuils cités ci-dessus sont plus élevés !
  • Pour l’évaluation du TEMI à la retraite, la première erreur consiste à regarder les courbes de la série #300 de M. Laferrière en oubliant de les adapter à la notion de revenus imposables. Il faudrait plutôt établir le revenu imposable et soustraire le montant relatif à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), soit de 7 365 $ par conjoint avant de tenter d’évaluer le TEMI.
  • Finalement, je dirais que le plus important ne consiste pas à connaître le TEMI sur le dernier dollar de revenu, mais à évaluer le TEMI pondéré sur la totalité du retrait FERR. C’est uniquement en évaluant ce TEMI pondéré que l’on peut véritablement aider le contribuable à bien choisir entre REER, CELI et le remboursement de ses dettes !

Après avoir effectué de nombreuses évaluations de TEMI pondérés pour les ménages de plus de 65 ans, je puis dire qu’il est futile de cotiser à un REER si le ménage obtient une économie REER inférieure à 37.1%. Ne l’oubliez point, les courbes de M. Laferrière, viendront souvent « booster » l’économie REER réelle. Cela donne donc l’impression que les TEMI pourraient être plus faibles à la retraite. Sachez que cela n’est, trop souvent, qu’une illusion!

En fait, si l’on exclut les familles avec enfants de moins de 17 ans ainsi que le 7% des contribuables qui gagnent plus de 100 000$, nous arrivons plutôt à la conclusion que près de deux ménages sur trois devraient privilégier le CELI et non le REER ! Or, comme les dettes et le CELI se calculent en dollars après impôt, cela revient à dire qu’il conviendrait probablement de rembourser d’abord les dettes. Mais encore là, de grâce, ne faites pas l’erreur d’utiliser la formule d’équivalence de taux. Cette formule n’est nullement faite pour comparer des dettes avec des placements et c’est précisé noir sur blanc dans tout bon livre de finance !

Ci-dessous, je dresse donc – dans la partie du haut – la démonstration qu’à taux et à paiements équivalents, l’investissement dans le CELI génère plus de revenus d’intérêts que le coût du prêt, qu’il soit hypothécaire ou personnel.

Dans la partie du bas, je dresse un exemple concret où les intérêts gagnés et payés sont bel et bien équivalents. Nous pouvons donc voir que du côté hypothécaire – deux colonnes de gauche -pour un taux d’intérêt hypothécaire de 3%, un rendement de 2.84% sur 5 ans dans un CELI ou de 2.02% sur 25 ans nous permettra d’être indifférents. Du côté des prêts personnels – deux colonnes de droites – pour un taux de 8%, nous n’avons besoin que d’un rendement de 6.7% sur 5 ans et de 5.40% sur 10 ans, du moins si l’investissement est effectué dans un CELI. Si le REER est plus avantageux que le CELI, cela revient à dire qu’à l’intérieur du REER, les taux pourront être encore plus faibles et être plus avantageux que d’effectuer le remboursement des prêts personnels ou hypothécaires.

Fiscalement parlant, n’oublions pas non plus qu’un REER constitue d’abord et avant tout un impôt reporté. Certes, il est possible de vouloir reporter cet impôt plus tard, mais il faut bien se rappeler qu’il faudra payer un jour ou l’autre cet impôt.

Ainsi, s’il est possible aujourd’hui de ne payer que 27.5% ou 32.5% d’impôt sur la PCU, mieux vaut en profiter, car il sera impossible d’obtenir un taux plus faible à la retraite ! Pour la majorité de ceux qui se retrouveront célibataires à la retraite, il pourrait même être plus profitable de payer immédiatement de l’impôt à 37.1% que de prendre un REER ! C’est que la majorité des célibataires ne pourront faire mieux qu’un taux d’imposition de 41% au-delà de 65 ans ! Du côté, des couples, il convient de préciser qu’à moins de bénéficier d’un régime de retraite, qu’il sera difficile de faire mieux qu’un taux de 37.1% à la retraite et cela ne sera possible que s’ils bénéficient de rentes du RRQ dépassant les 19 000$ (à deux) et qu’ils optimisent le décaissement de leurs FERR !

J’ajouterais que si un couple – sans enfant mineur- gagne familialement plus de 60 000 $, le conjoint gagnant moins de 45 000 $ ne devrait pas cotiser à son REER, peu importe qu’il doive ou non payer de l’impôt à cause de la PCU. Toutefois, si la cause de l’impôt à payer est plutôt la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) et que ses autres revenus dépassent 38 000 $, là c’est très différent, car son TEMI pourrait être de 77.5% !

Voici donc, en ordre décroissant, les ménages qui bénéficieront le plus d’une cotisation REER pour l’année 2020:

  • Ceux ayant reçu la PCRE et dont l’ensemble des autres revenus (incluant la PCU !) dépassent 38 000 $
  • Les familles avec enfants de moins de 17 ans au 31 décembre
    • Les familles monoparentales
    • Les familles biparentales
  • Les célibataires gagnants entre 17 000 $ et 26 500 $
  • Les couples gagnants moins de 45 000 $ dont l’un des conjoints a plus de 65 ans et l’autre moins de 65 ans
  • Les couples dont le revenu familial se situe entre 33 400 $ et 40 700 $
  • Ceux ayant gagné, personnellement, plus de 100 000 $
  • Les couples bénéficiant d’un régime de retraite pour autant que leur revenu personnel imposable soit supérieur à 50 000 $
  • Les célibataires vivants seuls et gagnants entre 40 700 $ et 58 500 $

N.B. Tous les autres devraient d’abord MAXIMISER leur CELI ou encore rembourser leurs dettes après avoir bien établi leur véritable taux de correspondance ainsi que le rendement qu’ils pourraient obtenir considérant leur profil d’investisseur !

[1] https://www.cqff.com/claude_laferriere/courbe2020.htm

Jean-François Robert, MBA, est représentant de courtier en épargne collective à Mérici Services financiers.

Jean-François Robert, collaboration spéciale

Jean-François Rober, MBA, est représentant de courtier en épargne collective à Mérici Services financiers.