Préparer son portefeuille aux changements climatiques

Par La Presse Canadienne | 6 février 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Ours polaire rugissant sur la banquise.
Photo : Andrii IURLOV / 123RF

Un nombre croissant d’investisseurs préoccupés par les coûts économiques des changements climatiques se tournent vers des portefeuilles plus écologiques afin de faire leur part pour l’environnement et d’éviter des pertes éventuelles.

« Les gens cherchent vraiment des moyens d’avoir un impact et se demandent ce qu’ils peuvent faire au sujet des changements climatiques », explique Tim Nash, entraîneur en investissement pour la firme Good Investing.

Une impression de plus en plus courante veut que le fait de détenir des actions dans les industries à forte teneur en carbone contribue aux émissions nocives, ou tout au moins les soutient, alors des investisseurs cherchent à exclure ces titres de leurs portefeuilles, observe-t-il.

« De plus en plus de personnes réalisent qu’en fait, leur portefeuille d’investissement contribue énormément à leur empreinte carbone. »

Il y a aussi la menace financière grandissante des catastrophes liées aux changements climatiques, comme le récent dépôt de bilan du service californien PG&E, en raison de ses énormes responsabilités. Son équipement a déclenché certains des incendies de forêt destructeurs qui ont ravagé l’État ces dernières années.

Les investisseurs doivent se méfier des risques climatiques directs ainsi que des éventuels changements de politiques qui pourraient survenir si les gouvernements prenaient la menace plus au sérieux, a estimé M. Nash.

« Les investisseurs doivent avoir une longueur d’avance sur cela, car s’ils attendent le retour du pendule politique et la mise en place de réglementations plus strictes, ils risquent d’arriver trop tard. »

Des investisseurs, grands et petits, commencent à faire cette transition. Les poids lourds comme les régimes de retraite repensent leurs portefeuilles, notamment la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui s’est engagée fin 2017 à prendre en compte les changements climatiques dans chacune de ses décisions d’investissement.

Cette décision s’inscrit dans une tendance plus large d’« investissements responsables », qui tiennent compte des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Ensemble, ces investissements totalisaient 2 100 milliards à la fin 2017, par rapport à environ 500 milliards de dollars en 2010, selon l’Association pour l’investissement responsable.

L’intérêt accru a contribué à créer une gamme d’options beaucoup plus large pour les investisseurs moyens. En septembre dernier, Vanguard a lancé deux fonds négociés en Bourse axés sur les facteurs ESG, dont l’un axé sur les actions américaines et l’autre sur les internationales.

« Pendant longtemps, les options étaient rares et les frais étaient plus élevés que ceux des fonds négociés en Bourse (FNB) traditionnels, mais maintenant, en particulier avec Vanguard, ils sont très bon marché, ce qui est formidable », a observé M. Nash.

BlackRock, un autre grand acteur du secteur des FNB, a lancé une série de fonds d’investissement baptisée iShares Sustainable Core, en octobre dernier, ainsi que de nouveaux outils analytiques, notamment des mesures de l’intensité carbone de nombreux fonds.

Les investisseurs peuvent également en apprendre plus sur les sociétés composant les fonds, notamment grâce aux notations produites par Sustainalytics, sur Yahoo Finance, ou aux classements en matière de développement durable des fonds communs de placement de Fossil Free Funds.

Les grandes banques proposent également des fonds communs de placement durables, mais les investisseurs doivent surveiller de près les frais de gestion, a souligné M. Nash.

« Ils savent que nos clients sont prêts à payer un prix plus élevé pour des aliments biologiques, du café ou du chocolat équitable, et ils supposent que les investisseurs sont disposés à payer des frais plus élevés pour des fonds communs de placement socialement responsables. »

La croissance de diverses options responsables fait en sorte que les investisseurs peuvent adapter leurs portefeuilles, a pour sa part indiqué Patti Dolan, gestionnaire de portefeuille à Mission Wealth Advisors, de la firme Raymond James.

« La capacité d’aligner les valeurs et les investissements est plus importante, ce qui n’était vraiment pas le cas dans le passé. »

Mme Dolan, qui siège également au conseil d’administration de l’Association pour l’investissement responsable, estime que les investisseurs devraient veiller à maintenir la diversification de leurs investissements, car ils contrôlent mieux la direction dans laquelle ils dirigent leurs fonds.

En plus de permettre aux investisseurs d’aligner leurs portefeuilles sur leurs valeurs, des outils de placement responsable tels que le fonds indiciel iShares Jantzi Social peuvent également générer des rendements supérieurs, a noté Mme Dolan.

« Il a surclassé le TSX et le TSX 60 tous les ans depuis 18 ans et, dans l’ensemble, d’un quart à un demi-pour cent, c’est donc assez raisonnable. Il est faux de croire qu’on va perdre de l’argent en investissant de cette manière, on peut effectivement trouver des entreprises qui ne sont pas aussi volatiles. »

Pour équilibrer la portion en actions d’un portefeuille, il existe des obligations vertes, qui financent des projets de développement durable. CoPower, l’un des chefs de file du secteur des investissements d’impact au Canada, finance des projets tels que l’énergie géothermique, la modernisation de l’éclairage DEL et l’énergie solaire communautaire.

Puisqu’il s’agit d’une obligation privée, elle comporte des risques de défaillance, de liquidité et de durée, mais offre un intérêt attrayant de cinq pour cent sur une obligation de six ans, précise M. Nash.

« Les obligations n’ont vraiment pas de très bons rendements. Pour mes clients, c’est donc un moyen de diversifier ses activités, de prendre un peu plus de risques, d’obtenir un rendement plus élevé, et surtout d’avoir un impact très positif, en investissant directement dans des projets écologiques à travers le Canada. »

La Presse Canadienne