En juillet, nous avons publié un dossier de réflexion intitulé: L’aversion pour les pertes et les portefeuilles des clients : stratégies pour contrer une tendance profonde. Ce dossier a suscité beaucoup d’intérêt– et énormément de commentaires. Cela n’est pas étonnant en raison de la volatilité qui a caractérisé les marchés boursiers au cours des deux dernières années. De nombreux conseillers ont trouvé la perspective comportementale utile pour la simple et bonne raison que plus nous comprenons les tendances comportementales, mieux nous comprenons nos clients et la façon de bien les servir.
À l’approche du quatrième trimestre de2016, et des discussions annuelles sur le rendement des portefeuilles, il convient de garder à l’esprit le sujet de l’aversion pour les pertes. L’un des aspects de cette tendance– «l’aversion à la perte myope» – est une forme particulière d’aversion pour les pertes dans laquelle la plus forte sensibilité aux pertes qu’aux gains est amplifiée par l’examen fréquent, par le client, du rendement de son portefeuille.
Rappel sur l’aversion pour les pertes
Avant de nous pencher sur l’aversion à la perte myope– et sur la raison pour laquelle le fait de vérifier fréquemment ses placements et le solde de son portefeuille peut être problématique– revoyons rapidement en quoi consiste l’aversion pour les pertes.
Dans notre récent dossier de réflexion, nous avons parlé des travaux des psychologues DanielKahneman et AmosTversky, qui leur ont valu un prix Nobel, et desquels il ressort que la douleur causée par une perte est environ deux fois plus intense que le plaisir tiré d’un gain équivalent[1].
Si nous appliquons cette théorie à un portefeuille de placements, le profond désir d’éviter une perte peut avoir deux conséquences négatives pour les clients:
- Ils peuvent rater des occasions de faire croître leur portefeuille(en investissant de façon trop prudente).
- Ils peuvent réagir impulsivement à une perte en posant des gestes contraires à leurs objectifs à long terme– en sortant complètement du marché par exemple.
Bref, nous avons tendance à éviter les situations qui risquent d’entraîner une perte, même si elles peuvent déboucher sur un gain plus important au final. Pour les épargnants qui investissent à long terme et qui doivent faire face à la volatilité à court terme des marchés, c’est la clé du succès en matière de placements: faire fi de nos tendances naturelles qui nous poussent à vouloir éviter les pertes à court terme(et souvent temporaires) et nous concentrer sur le potentiel, beaucoup plus important, de gains à long terme.
Le défi de l’aversion à la perte myope
Le problème aujourd’hui, c’est qu’il est devenu extrêmement difficile de se concentrer sur ce potentiel à long terme puisque notre capacité à visualiser, à analyser et à réagir aux effets à court terme sur les marchés est plus développée que jamais.
Et c’est grâce à la technologie. Selon une étude menée par Catalyst, une agence de services de technologies[2], 68% des Canadiens avaient un téléphone intelligent en 2015, comparativement à 55% l’année précédente; soit une augmentation de 24% en un an. L’étude de Catalyst a révélé que parmi les personnes qui se servent de leur téléphone intelligent comme appareil principal(selon Yahoo[3], il s’agirait des deux tiers des utilisateurs de téléphones intelligents), plus de 50% l’utilisent à la maison pour consulter leur compte bancaire ou le cours des actions.
Il y a évidemment beaucoup de «vérifications financières» à l’heure actuelle, et cela signifie que les conséquences à court terme des fluctuations des marchés sont plus au centre des préoccupations que jamais auparavant. Bien que je croie que cet engagement à l’égard de nos finances ait beaucoup d’avantages– sensibilisation accrue, moins de surprises, occasions d’agir–vérifier fréquemment ses soldes peut également entraîner de sérieux inconvénients.
L’aversion à la perte myope– examinons cette tendance de plus près
Le principal inconvénient des vérifications fréquentes de ses placements est la création d’une volonté d’obtenir une sécurité à court terme, ce qui peut entraver la croissance à long terme.
Les recherches[4] ont démontré que les gens risquaient davantage de réduire leur part des actions au fil du temps s’ils vérifient souvent le rendement de leur portefeuille, à cause de l’effet dérangeant des fluctuations qu’ils observent.
Le graphique ci-dessous illustre les résultats d’une étude dans laquelle des investisseurs ont pris des décisions de placement dans des conditions simulées. Un groupe a obtenu de l’information sur le rendement du portefeuille une fois par mois, et l’autre, une fois par année. L’importance de l’impact de l’aversion pour les pertes ressort clairement: le groupe qui a vérifié plus fréquemment la performance du portefeuille a beaucoup moins investi dans les actifs de croissance.
Stratégies pour contrer l’aversion à la perte myope
Bien que l’aversion à la perte myope soit bien réelle, elle est loin d’être insurmontable. Vous pouvez faire appel à un certain nombre de stratégies pour contrer l’influence de la technologie et de la fréquence à laquelle vos clients vérifient leurs placements et le rendement de leur portefeuille. En voici trois à envisager:
- Communiquez avec eux– particulièrement durant les périodes difficiles. En communiquant de façon proactive avec les clients durant les périodes de grande volatilité– lorsqu’ils sont susceptibles d’agir d’une façon qui va à l’encontre de leurs intérêts à long terme– vous pouvez les rassurer en leur expliquant qu’ils sont toujours sur la bonne voie, malgré les soubresauts inévitables des marchés.
- Informez-les sur la nécessité de croissance. Ne sous-estimez pas le besoin d’expliquer aux clients pourquoi les placements en actions sont essentiels à l’atteinte de leurs objectifs à long terme. Vous devez aller au-delà de ce que vous leur avez dit au moment de l’établissement de leur portefeuille. Vous pouvez décourager les clients de procéder à des examens trop fréquents du rendement de leur portefeuille et leur expliquer le contexte de la performance actuelle du marché; cela les aidera à éviter les problèmes liés à l’aversion à la perte myope qui peut déclencher le désir de vendre des placements importants.
- Au besoin, réévaluez la tolérance au risque. Les questionnaires permettant de déterminer la tolérance au risque ne sont pas sans faille. Les clients toléreront peut-être la baisse de la valeur de leur portefeuille la première journée, mais pourraient réagir beaucoup plus négativement à une véritable baisse. Et la situation des clients peut aussi changer, ce qui crée encore plus d’inconfort à l’égard de la volatilité à court terme. Si vous trouvez qu’un client est souvent inquiet en raison de baisses de valeur de son portefeuille et que ce qui se passe sur les marchés le rend vraiment nerveux, il est probablement temps de réévaluer sa tolérance au risque. Rééquilibrez son portefeuille au besoin en fonction des résultats, en y ajoutant par exemple des produits de gestion de patrimoine, qui offrent certaines garanties d’assurance.
En vous attaquant à l’aversion à la perte myope qui continue de croître à mesure que la technologie facilite l’accès en ligne des clients à leur portefeuille, vous pouvez contribuer à faire en sorte que ces derniers conservent leurs placements et atteignent leurs objectifs financiers à long terme.
*Rocco Taglioni
Vice-président principal, chef de la distribution, assurance individuelle et gestion de patrimoine
Rocco Taglioni, vice-président principal, chef de la distribution, assurance individuelle et gestion de patrimoine, est responsable de la direction de l’ensemble des activités de distribution de la Financière SunLife dans le secteur de l’individuelle au Canada. À titre de président de Distribution Financière SunLife inc., il veille notamment à la direction de la compagnie de distribution et des équipes de distribution aux intermédiaires de solutions d’assurance et de gestion de patrimoine. Par l’intermédiaire des différentes équipes de direction, il veille à l’élaboration, à la gestion et à l’exécution des stratégies de distribution axées sur la gestion de patrimoine, l’assurance, la retraite et la planification financière et successorale.
Depuis qu’il est entré au service de la Financière SunLife en 2004, Rocco a occupé divers postes de haute direction, dont vice-président, développement des affaires des garanties collectives; chef, gestion de patrimoine de l’Individuelle; vice-président principal, solutions clients; et, plus récemment, vice-président principal, distribution et marketing, assurance individuelle et gestion de patrimoine. Tout au long de son mandat à la Financière SunLife, il a mené à bien différentes stratégies d’affaires axées sur la mise en place, la transformation et l’évolution d’organisations et d’équipes en vue d’un rendement et d’une réussite supérieurs.
Rocco compte 36 années d’expérience en matière de leadership stratégique dans les secteurs de l’assurance et des placements. Il a siégé à de nombreux conseils d’administration et continue de le faire aujourd’hui. Il est actuellement président de Distribution Financière SunLife (Canada) inc. et de son conseil d’administration et il siège au conseil d’administration de Placements Financière SunLife (Canada) inc. Il est également membre de plusieurs associations de l’industrie, dont Advocis, Gama Canada, l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) et l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR).
Rocco possède un baccalauréat ès arts en économie de l’Université York.
[2] Catalyst, “With growth comes change: the evolving mobile landscape in 2015” http://catalyst.ca/2015-canadian-smartphone-market/
[3] Yahoo Flurry Insights, http://mobilesyrup.com/2015/11/11/canadians-spend-7-million-hours-using-apps-per-month-says-report/
[4] Kahneman, Tversky (1979, 1992).