Comment bien vivre à la retraite

Par La rédaction | 24 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les changements économiques, sociaux et technologiques influencent les projets de retraite des Canadiens, indique un sondage publié au printemps par HSBC.

«Le vieillissement de la population et l’augmentation des dettes nationales sapent la confiance dans la capacité des économies du monde à continuer à soutenir les personnes âgées», relève l’institution financière. Résultat : 62% des travailleurs au pays disent s’inquiéter du déclin des régimes de pension gouvernementaux et des prestations sociales, et 61% se disent préoccupés par le nombre croissant de retraités qui ont besoin de fonds ou de soutien pour subvenir à leurs besoins.

L’avenir ne semble pas les rassurer, puisque plus des deux tiers (70%) croient qu’en raison du niveau de la dette nationale, l’État offrira moins de soutien aux personnes âgées. Signe de ce pessimisme, 21% des Canadiens en âge de travailler pensent que les régimes de pension du gouvernement n’existeront même plus au moment où ils prendront leur retraite. Dans ces conditions, HSBC souligne que planifier financièrement sa retraite aussitôt que possible prend de plus en plus d’importance.

1) Des coûts plus élevés que jamais

C’est le constat que dresse Conseiller en reprenant un article paru en juillet dans le Financial Post (en anglais). Le planificateur financier Jason Heath y énonce les quatre principales raisons pour lesquelles vos clients doivent mettre toujours davantage d’argent de côté pour leurs vieux jours : l’allongement de l’espérance de vie, l’évolution des régimes de retraite vers des prestations moindres, les bas taux d’intérêt ainsi que les frais de gestion élevés par rapport aux rendements.

D’après Statistique Canada, l’espérance de vie au pays à 65 ans était de 18 ans en 1992. Or, un homme de 65 ans peut désormais s’attendre à vivre encore 21 ans, et d’ici à 2050 ce sera 23 ans, si l’on se fie aux projections du Bureau du surintendant des institutions financières. «Autant d’années supplémentaires qu’il faut parvenir à financer, et ce, même si les Canadiens prennent leur retraite plus tard qu’auparavant», souligne Conseiller, qui rappelle que l’âge moyen de départ de la vie active en 1992 était de 62 ans, comparativement à 63 ans aujourd’hui, et qu’il ne cesse d’augmenter.

Un autre facteur qui contribue à augmenter le coût de la retraite est la baisse du revenu provenant des régimes à prestations déterminées, de moins en moins proposés par les employeurs. Alors qu’en 1977, 52% des travailleurs canadiens étaient couverts par un régime de pension déterminé, ils n’étaient plus que 37% en 2011, et la tendance n’a fait que s’accentuer depuis lors. En outre, ce n’est pas seulement le nombre de ces régimes qui a diminué, mais également les montants qui leur sont alloués. Autrement dit, le taux de remplacement a lui aussi baissé, ce qui a entraîné une augmentation de l’épargne-retraite optionnelle avec tous les risques que cela implique, en particulier «la tentation de satisfaire des envies d’achat spontané», relève Conseiller.

La troisième raison pour laquelle les Canadiens doivent économiser plus d’argent pour leur retraite, est la baisse des taux d’intérêt au pays durant les 30 dernières années, qui a notamment réduit le rendement des obligations d’épargne du Canada. Celles-ci «n’offrent plus un rendement compétitif par rapport à l’inflation d’une part, et aux actions d’autre part», explique Conseiller. «Pour un investisseur prudent, cela signifie qu’il faut faire beaucoup plus d’économies pour financer sa retraite», ajoute le site, qui rappelle que les études démontrent que plus les gens vieillissent, plus ils se tournent vers les obligations.

Dernier facteur : les frais de gestion. En apparence, ceux des fonds communs de placement canadiens ont baissé depuis 15 ans, partant d’une moyenne de 2,7% pour se situer aujourd’hui entre 0,5% et 2,2%. Mais en raison de la baisse des taux d’intérêt, ils grugent en réalité une plus grande part des rendements des fonds, insiste Conseiller. Et ce phénomène «est encore plus vrai pour les retraités, souvent plus prudents et ayant donc plus d’obligations – au rendement moins élevé – dans leur portefeuille».

2) Peu de Canadiens anticipent une retraite aisée

Les Canadiens envisagent de quitter le marché du travail à 62 ans et s’attendent à vivre jusqu’à 85 ans, ce qui fait de leur retraite l’une des plus longues sur la planète. En effet, les moyennes mondiales sont de 61 et 81 ans, respectivement, selon un rapport de HSBC publié en avril, intitulé L’avenir de la retraite : sables mouvants. On y apprend aussi que les Canadiens sont parmi les moins susceptibles de chercher de l’information pour orienter leurs choix en matière de finances personnelles; seulement 42% le font, contre 56% ailleurs dans le monde.

L’étude internationale, qui a recueilli l’avis de quelque 18 414 personnes réparties dans 16 pays et territoires (Argentine, Australie, Canada, Chine, Égypte, France, Hong Kong, Inde, Indonésie, Malaisie, Mexique, Singapour, Taïwan, Émirats arabes unis, Royaume-Uni et États-Unis), démontre que les Canadiens réagissent parfois différemment de leurs pairs. Moins d’un tiers (31%) jugent par exemple que les nouvelles technologies modifient la façon dont ils épargnent pour la retraite, soit beaucoup moins que la moyenne mondiale (47%). La différence est particulièrement marquée avec la Chine et l’Inde, où la proportion de sondés appréciant le progrès technologique est bien plus élevée, soit 77% et 69%.

En ce qui concerne les ressources financières, 29% seulement des répondants canadiens en activité prévoient d’être dans une situation confortable au moment de leur retraite, alors que la moyenne mondiale est de 34%. Seuls les Français (10%) et les Australiens (21%) se montrent plus anxieux quant à leur avenir économique. Dans ce contexte d’incertitude, l’immobilier demeure perçu comme la meilleure façon d’épargner pour 38% des Canadiens, contre 26% pour les actions, 23% pour les fonds de retraite d’employeur, 22% pour l’épargne en espèces et 20% pour les régimes d’épargne-retraite personnels. Toutefois, note HSBC, cette façon de voir les choses ne se reflète pas encore dans les plans de retraite, puisque seulement 16% des personnes en âge de travailler prévoient d’utiliser un bien immobilier pour financer leurs besoins futurs. Finalement, 44% des sondés comptent plutôt sur les fonds de retraite d’employeur pour vivre, 40% sur l’aide des régimes de pension du gouvernement ou de la sécurité sociale et 37% sur leur épargne en espèces.

Interrogés sur l’âge auquel ils espèrent pouvoir se retirer, un peu plus de la moitié (55%) des Canadiens prévoient de continuer à travailler à temps partiel à la retraite; 66% se disent prêts à retarder leur départ de deux années ou plus pour profiter d’un meilleur revenu, et 44% envisagent de travailler plus longtemps ou de prendre un second emploi. Une majorité de répondants juge cependant qu’il est de plus en plus difficile de planifier la retraite, et 35% des personnes en âge de travailler croient que la situation évolue tellement vite que leur plan pour la retraite ne sera plus adapté quand elles la prendront. «La bonne nouvelle est que les Canadiens prévoient jouir d’une retraite plus longue et d’une plus longue espérance de vie que leurs pairs ailleurs dans le monde; la moins bonne est qu’ils ne s’y préparent pas vraiment», commente Larry Tomei, vice-président à la direction de HSBC Canada dans Les Affaires.

3) Que faut-il penser de la «règle du 70%»?

Rappelant qu’«on entend souvent qu’il faut viser un remplacement de 70% de ses revenus à la retraite», Stéphane Rolland s’interroge dans Les Affaires sur l’origine de cette règle et sur sa pertinence. Après avoir questionné à ce sujet Angela Iermieri, planificatrice financière au Mouvement Desjardins, il relève que cette règle provient de la comparaison avec les régimes de retraite à prestations déterminées, puisque nombre d’entre eux «promettent une rente équivalente à 2% du salaire de l’employé par année de service», soit, après 35 ans, l’équivalent de 70% de ses revenus. Autrement dit, explique le journaliste, «le but de ce conseil est d’offrir un point de comparaison à ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir compter sur ces généreux régimes.»

Il précise que si l’objectif de 70% implique que les dépenses seront moins élevées à la retraite, puisque certaines d’entre elles disparaissent (comme les cotisations salariales), cela ne peut pas être appliqué à tout le monde, car les besoins peuvent varier d’une personne à l’autre. Malgré tout, cette règle s’avère intéressante, soutient Angela Iermieri. «On peut commencer avec ça au début de sa carrière lorsqu’on établit une habitude d’épargne. C’est une base, mais plus on approche de la retraite, plus on devra être précis», indique la planificatrice financière. Vers l’âge de 45 ans, l’épargnant pourra faire le point sur ses objectifs et voir s’il a besoin d’épargner davantage ou de réévaluer son taux de remplacement, précise Stéphane Rolland. Puis, environ cinq ans avant la retraite, il sera en mesure de préparer un budget de ses besoins encore plus précis. «Le taux de remplacement requis pourrait être […] de 60%, de 80% ou même de 100%», indique Angela Iermieri.

Dans un autre article publié par Les Affaires l’automne dernier, Daniel Germain pourfend au contraire cette fameuse règle du 70%. «Il n’y a pas de chiffres magiques. Il faut définir ses projets et faire ses calculs», soutient-il. «En 15 ans de journalisme en finances personnelles, j’ai vu beaucoup de chiffres galvaudés. À mes débuts, certains affirmaient qu’il fallait des économies de 750000$ en REER. Aujourd’hui, le montant qu’on entend souvent est 1M$. C’est rond et ça frappe l’imagination, mais pour beaucoup, cet objectif est totalement momifiant. Il semble si irréaliste qu’il décourage d’épargner. Ceux qui colportent ces chiffres dans les médias devraient être sanctionnés pour générer inutilement de l’anxiété au sein de la population», s’insurge le chroniqueur.

Et pour appuyer son propos, il cite deux planificateurs financiers opposés au «chiffre magique» des 70%. Brigitte Felx, employée à RBC, juge que si dans le passé, celui-ci a été utilisé comme un bon étalon de mesure, aucun planificateur financier ne l’évoque aujourd’hui sans manifester de réserves. Éric Brassard, quant à lui, y est tellement hostile qu’il a publié avec ses associés un document intitulé La (stupide) règle de 70% dans lequel il démontre qu’elle ne s’applique à aucun cas particulier.

Le planificateur financier reproche notamment à cette méthode «d’ignorer un aspect pourtant central, et complexe, dans le décaissement de l’épargne-retraite : la fiscalité», souligne Stéphane Rolland. D’ailleurs, ajoute-t-il, toutes les règles ont ce défaut, puisqu’«elles ne tiennent aucun compte de la source du capital de retraite», qu’il s’agisse du CELI, d’un REER, d’un régime de retraite d’employeur, de la vente d’un chalet ou d’une maison familiale, ou encore d’un héritage. «Il n’y a pas de règle qui tienne, car il n’y a pas de cas identiques. Les gens n’ont pas les mêmes intérêts, et cela se poursuivra au-delà de la vie active», conclut le journaliste.

4) Comment parvenir à épargner… sans trop se forcer

Il n’est pas toujours évident de mettre de l’argent de côté, surtout quand la retraite paraît encore lointaine, reconnaît Claude Lafleur dans Le Devoir. Dans un article publié cet hiver, le journaliste scientifique rappelle que «s’il n’est jamais trop tard (ou presque) pour épargner, il est nettement avantageux de s’y prendre le plus tôt possible». Mais comment s’y prendre quand on est sollicité de toutes parts, questionne-t-il?

«Il faut y aller à petites doses et en se fixant des objectifs à court terme», écrit-il en citant lui aussi Angela Iermieri. «Lorsqu’on est jeune, bien sûr, la retraite est loin, dit-elle. La première chose à faire, c’est de développer l’habitude de mettre un peu d’argent de côté dans un but précis. Par exemple, si on désire faire un voyage ou s’acheter une certaine chose, on devrait d’abord économiser la somme requise – et non pas l’acheter aujourd’hui et payer plus tard», détaille la planificatrice financière chez Desjardins.

Il faut donc commencer par mettre de petits montants de côté chaque semaine ou à chaque paie en prévision de l’objectif qu’on s’est fixé à court terme. «Et une fois qu’on a pris l’habitude d’épargner, ça devient facile de viser à plus long terme […]. L’important, c’est de développer l’habitude d’épargner lorsqu’on est jeune», insiste la spécialiste. «À chaque âge, il y a des objectifs qui se présentent à nous – acheter une voiture, acheter une maison… pour à terme préparer sa retraite. […]. Il faut donc s’informer le plus tôt possible sur l’importance d’économiser», recommande pour sa part Renaud Bourget, actuaire à Retraite Québec.

Surtout, il faut combattre la pensée magique voulant que tout se règle de lui-même le jour venu de la retraite, écrit Claude Lafleur. Autrement dit, «il importe de prendre connaissance des enjeux économiques –, même s’il s’agit là de notions peu palpitantes. […] On parle alors de littératie financière, de prendre connaissance de ce qui se passe. Il s’agit de se sensibiliser le plus tôt possible à des notions économiques et, à ce moment-là, ça finit par aller de soi de se préoccuper de sa retraite puisqu’un jour cet objectif s’imposera à nous», détaille Renaud Bourget.

5) La planification de la retraite a complètement changé en dix ans

Démographie, allongement de l’espérance de vie, fiscalité de plus en plus complexe, nouveaux produits d’épargne, faiblesse des taux d’intérêt, mauvaise santé financière des régimes de retraite, réforme des régimes publics : «tous ces éléments ont contribué à des formules de calcul plus complexes et plus adaptées à la situation de chacun», résume l’Institut québécois de planification financière (IQPF) dans un texte publié l’automne dernier.

Parmi les nouveaux facteurs dont il faut désormais tenir compte, l’IQPF mentionne la création du CELI en 2009, qui a ajouté «une option importante dans les véhicules d’épargne» au pays, en complément du REER «qui régnait en roi et maître depuis 1990». De même, avec la réforme du Régime de rentes du Québec en 2013, qui a introduit la bonification d’une pension demandée tardivement et haussé le taux de pénalité lorsqu’elle est anticipée, «de nombreuses stratégies fiscales visant à maximiser les liquidités disponibles d’un retraité ont vu le jour» et «l’âge de la retraite ne coïncide plus forcément avec celui de l’obtention des rentes publiques». Et une réflexion identique se pose en ce qui concerne la pension de la Sécurité de la vieillesse, puisque depuis le 1er juillet 2013, il est possible de la reporter volontairement d’un maximum de cinq ans tout en bonifiant son montant, sans compter les augmentations causées par le taux d’indexation trimestriel. Enfin, le taux d’endettement des ménages, qui ne cesse d’atteindre des niveaux record chaque trimestre, constitue un autre facteur plus préoccupant qu’il y a dix ans, surtout qu’il s’agit généralement de prêts hypothécaires de plus en plus importants et demandés à un âge plus avancé que par le passé.

Conclusion de l’IQPF : «une autre réalité a vu le jour dans le paysage de la planification de la retraite, soit de retarder le départ à la retraite, soit de retourner sur le marché du travail pour parvenir à régler ses dettes. D’autant que les baby-boomers, généralement en forme et actifs, peuvent espérer vivre plus longtemps que la génération de leurs parents.»

Ce n’est pas seulement la planification financière qui a changé, mais l’idée même que se font les gens de la retraite, estime pour sa part Le Figaro. Dans un article publié en juillet, le sociologue français Serge Guérin explique qu’aujourd’hui plus que jamais, une bonne préparation en amont est cruciale. Il y a seulement quelques décennies, le fait de quitter la vie active signifiait souvent «la fin de l’histoire», rappelle-t-il. «C’était perçu comme “+”, sorte de bonus de temps à vivre. Cela n’était pas considéré comme une tranche de vie à part entière. La vie, c’était le travail, la carrière. On s’imagine que les 30 glorieuses [années de forte expansion économique en Europe, entre 1945 et 1975] étaient d’une prospérité imperturbable, mais c’était aussi une époque où l’on travaillait plus longtemps et plus durement : 44 heures en moyenne par semaine! La moyenne de l’espérance de vie était de 67 ans à l’époque. Et au mieux, on partait à la retraite à 65 ans…»

Selon Serge Guérin, les mentalités ont réellement changé au début des années 2000, lorsque les baby‑boomers ont commencé à partir à la retraite. C’est en effet à ce moment-là que cette phase de la vie est devenue «une nouvelle aventure, avec un gigantesque champ de possibilités». Parallèlement, ajoute le sociologue, le «jeunisme» est très présent dans notre société, ce qui incite à «rester jeune» coûte que coûte, quel que soit son âge. «La jeunesse est très survalorisée. Les retraités ne sont donc jamais autant engagés, avec une ferme envie de rester actifs. Association, éducation… Les formes sont nombreuses. Certains se trouvent même des vocations d’entrepreneurs», détaille-t-il. Interrogé sur ce qu’il anticipe au cours des cinq à dix prochaines années, le spécialiste dit cependant redouter «des pertes de pouvoir d’achat» et «des situations plus difficiles».

La rédaction