Pour une politique globale du vieillissement

Par La rédaction | 29 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les aînés représenteront 23 % de la population québécoise en 2025. Assez pour qu’ils méritent d’avoir un ministère à part entière, plaidait l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR). Le nouveau gouvernement de la CAQ ne l’a pas entendu ainsi et a plutôt nommé Marguerite Blais, ministre responsable des aînés et des proches aidants, au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux. 

Judith Gagnon est la présidente de l’ADQR. Elle milite pour la mise en place d’une véritable politique du vieillissement, qui appréhende cet enjeu dans toutes ses dimensions. 

Conseiller : Si vous aviez un souhait à formuler au premier ministre François Legault et à sa ministre responsable des aînés et des proches aidants, Marguerite Blais, quel serait-il?

Judith Gagnon : Mon souhait serait qu’ils mettent sur pied une véritable politique du vieillissement, que ce dossier devienne un élément majeur du Québec et qu’il y ait une cohérence entre toutes les mesures concernant les aînés. Jusque-là, il n’en est rien. Une mesure peut très bien en ébranler une autre. On doit regarder le vieillissement de manière globale. Il faut créer un guichet unique où les aînés peuvent trouver toutes les réponses à leurs questions. Aujourd’hui, ils doivent se rendre à tellement d’endroits différents qu’ils en oublient certains. Ils ne font pas tous valoir leurs droits.

La campagne électorale a beaucoup porté sur les familles; les aînés ont-ils été les grands oubliés?

Pas complètement. Je crois qu’on a parlé des limites de la vie, des enfants d’une part et des aînés de l’autre. En début de campagne, M. Legault a entre autres évoqué son idée de Maison des aînés, en remplacement des CHSLD. On a compris qu’il souhaitait la construction de véritables lieux de vie, plus humains, où il y aurait des soins, mais aussi des loisirs. C’est une idée que nous saluons puisque le logement représente l’un des grands enjeux que nous mettons de l’avant à l’AQDR. Mais on parle de long terme. Or, l’hébergement est un enjeu qu’il faut prendre à bras le corps dès aujourd’hui.

Y a-t-il eu des annonces durant la campagne sur lesquelles vous souhaiteriez travailler avec Mme Blais?

En ce qui concerne l’hébergement, François Legault semblait vouloir faire bouger les choses. Il y a les maisons des aînés, mais il y a aussi le doublement du crédit d’impôt pour les proches aidants et l’amélioration du soutien et des services à domicile. Il a également parlé d’améliorer les conditions de vie des aînés et nous revendiquons nous-mêmes la mise en place d’un seuil minimal de revenu décent permettant à tous de bien manger, de se loger adéquatement et de payer ses médicaments. Autant de sujets sur lesquels nous espérons pouvoir nous entendre avec le gouvernement.

Lorsqu’elle siégeait dans l’opposition, la CAQ était également favorable à la dénonciation obligatoire de la part de témoins de maltraitance envers les aînés. Est-ce également une des revendications que vous soutenez?

Lors des discussions portant sur le projet de loi 115, nous étions effectivement intervenus pour demander la mise en place d’un processus de dénonciation obligatoire de la part de quiconque étant témoin d’un abus financier sur un aîné. La porte a été ouverte puisque la loi prévoit désormais la dénonciation obligatoire pour les personnes inaptes et celles qui vivent en CHSLD. Il est vrai que la CAQ s’était elle aussi montrée favorable à la dénonciation obligatoire et nous espérons donc pouvoir aller de l’avant. Cela dit, il ne faut pas oublier que les finances personnelles sont un véritable enjeu. Par exemple, le fait que de plus en plus de succursales de banques ferment en région constitue un problème parce que les aînés ne sont pas tous à leur aise avec les outils informatiques.

Vous semblez avoir beaucoup de dossiers à soumettre au gouvernement. Quatre ans seront-ils suffisants?

En fin de compte, ce que nous souhaitons, c’est que la société québécoise fasse une place à ses aînés. Aujourd’hui, ils sont isolés et n’ont pas de tribune pour s’exprimer. Cette situation doit changer. Nous voulons parler avec le nouveau gouvernement de conciliation travail-retraite dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, et d’accès à la culture et à la formation afin d’améliorer l’estime de soi, mais aussi de combattre les maladies dégénératives. Nous nous inscrivons d’ailleurs dans un mouvement qui est loin d’être local. L’ONU a ratifié cette année la convention relative aux droits des personnes âgées, qui souligne le rôle de l’État dans la protection des aînés. Nous allons suggérer à la ministre de travailler avec l’organisation en ce sens et nous espérons une collaboration fort prometteuse.

Le point de vue de Chantale Couture, CPA, directrice en fiscalité chez Tremblay Guertain « Ce qui est très avantageux, par rapport à l’annonce du doublement du crédit d’impôt pour les proches aidants, c’est qu’au Québec, ces crédits d’impôt sont remboursables, explique Chantale Couture. Cela signifie que même ceux qui ne paient pas d’impôt pourront en bénéficier, alors qu’au niveau fédéral, les crédits d’impôt sont non remboursables. Ainsi, la personne qui n’a pas d’impôt à payer n’en aura pas. »

Mme Couture rappelle que le montant annuel de base s’élève aujourd’hui à 1 007 dollars, auquel peuvent être ajoutés 529 dollars en fonction du revenu. Les proches aidants touchent donc 1 536 dollars au maximum. Si le gouvernement Legault concrétise sa promesse de campagne, ceux-ci pourront obtenir jusqu’à 2 543 dollars, Mme Couture ne croyant pas que les 529 dollars seront doublés eux aussi. Elle se questionne en revanche sur la possibilité que ce montant supplémentaire ne soit plus déterminé en fonction des revenus, mais qu’il devienne automatique.

« Il est certain que ce n’est pas de l’argent qui s’en va directement dans les poches des aînés, précise la fiscaliste, mais bien une compensation pour les gens qui prennent le temps de les aider. Si une personne s’occupe d’un parent vieillissant, soit il travaille moins et il y a un manque à gagner, soit il prend sur ton temps de loisir. Dans un cas comme dans l’autre, il paraît normal de les aider financièrement. »

Dans un contexte de pénurie de places dans les CLSC, et en attendant la construction des Maisons des aînés, autre promesse de campagne, le gouvernement espère que ce coup de pouce incitera plus de gens à devenir aidants naturels.

La rédaction