Vivre l’épreuve du deuil… à répétition

Par La rédaction | 5 mars 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Photo : Nadya So / istockphoto

Les aînés vivant en résidence pour personnes âgées sont régulièrement confrontés à la perte d’un proche ou d’un membre de leur entourage. Une situation qui entraîne chez beaucoup une certaine détresse psychologique.

Valérie Bourgeois-Guérin, spécialiste du vieillissement, de la fin de vie et du deuil, est professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Selon elle, la société part trop du principe que, parce qu’il survient plus souvent chez les aînés, le deuil leur est moins difficile à vivre. Or, avance-t-elle, comme dans le reste de la population, la réaction face à la perte d’un être cher varie d’une personne âgée à l’autre.

Conseiller : Observe-t-on quand même une certaine forme de résilience chez les aînés qui vivent un deuil?

Valérie Bourgeois-Guérin : Plus on vit vieux, plus on est susceptible d’avoir déjà connu des pertes au cours de notre existence. Donc, oui, on observe une certaine forme de résilience. Ce qui n’exclut pas la souffrance et ce qui ne veut surtout pas dire que les aînés n’ont pas besoin de soutien pour traverser cette épreuve.

Conseiller : Qu’est-ce qui est en général le plus difficile à surmonter dans un moment pareil?

VBG : On constate tout d’abord que le deuil le plus pénible est la perte d’un enfant, quel que soit son âge. Il y a de plus en plus de gens qui vivent très vieux. Quand on atteint 90, voire 95 ans et plus, il y a des risques de perdre un enfant de 70, 75 ans. Même à cet âge-là, votre enfant reste votre enfant. Or, les aînés se font souvent dire : « C’est moins pire que s’il était jeune! » Ils ont l’impression que l’on minore leur peine et c’est éprouvant.

Conseiller : Vos travaux portent sur les aînés qui vivent en résidence. Est-ce plus difficile pour eux que pour ceux qui vivent encore à leur domicile ou qui sont hébergés chez un proche?

VBG : La grande différence, c’est que ceux qui vivent en résidence sont plus souvent confrontés à la mort. Il y a des liens d’attachement qui se créent entre résidents. Parfois, le voisin devient un très bon ami que l’on côtoie quotidiennement, et alors la perte de cet ami peut s’avérer plus significative que celle d’un frère ou d’une sœur avec lesquels le lien s’est distendu.

A contrario, en résidence, l’aîné n’est pas tout seul à vivre la perte d’une même personne. Ils peuvent se sentir entourés, partager leur peine. Mais parfois, la disparition d’un résident peut aussi créer un grand malaise. Quand c’est le silence qui s’installe, on peut se sentir très seul.

Conseiller : Il y a donc une grande différence selon la résidence dans laquelle on vit…

VBG : Dans certains établissements, on commence par veiller le malade, on souligne le décès, on peut vivre le deuil ensemble. Mais c’est loin d’être une généralité. Beaucoup de gens sont mal à l’aise face à la mort. Il y a une forme de tabou. Aussi, certains disparaissent subitement, sans qu’on sache pourquoi. Ce qui peut plonger leurs proches dans un profond désarroi. Au départ, il ne s’agit pas forcément d’un mauvais sentiment. C’est juste que personne ne sait comment réagir.

Conseiller : Il faudrait donc aider le personnel de soutien…

VBG : Ça serait une bonne option, oui : former, informer le personnel. Comment se vit le deuil, comment il se surmonte, quelles sont les ressources en leur possession, les limites de ce qu’ils peuvent faire… les outils également pour éviter qu’eux-mêmes vivent une détresse parce qu’eux aussi sont confrontés régulièrement au deuil. S’ils sont éprouvés, c’est certain qu’il leur sera difficile de soutenir quelqu’un d’autre.

Conseiller : Le plus important, c’est donc d’être à l’écoute?

VBG : Il faut reconnaître que la perte est importante et permettre de vivre le deuil selon les besoins de chacun. Dans les résidences, cela passe par un espace où parler, échanger, commémorer, mais un lieu où les gens aient le choix d’aller ou non. Et le choix du moment auquel ils s’y rendent. Chacun doit pouvoir vivre son deuil à son propre rythme.

Le point de vue de Gaétan Veillette, planificateur financier au Groupe Investors

Généralement, les membres de la famille ne sont pas prêts à un décès, que ce soit sur le plan émotif, financier, fiscal ou encore légal, affirme Gaétan Veillette, tout en ajoutant que la planification patrimoniale pré-mortem commence par le testament, les conventions d’union de fait, les conventions de copropriété, les conventions d’actionnaires, les polices d’assurance vie.

« Il faut aussi réévaluer les désignations de bénéficiaires sur l’ensemble des régimes de placement, les polices d’assurance, les fonds de pension, afin de s’assurer d’une certaine harmonisation afin que les lots de chacun des bénéficiaires de la succession soient équitables ou conformes aux désirs du défunt », indique-t-il.

Lorsque le décès prochain est anticipé – dans le cas d’un cancer par exemple – il est en outre généralement possible de faire une planification pré-mortem afin d’appliquer certaines stratégies. M. Veillette indique notamment la possibilité de cotiser au CELI, afin de transférer le CELI au conjoint survivant ou au REER, afin d’avoir des déductions fiscales, de faire des dons du vivant, de rédiger un testament de fin de vie – directives relatives à l’aide médicale à mourir, acharnement des diagnostics, acharnement thérapeutique, acharnement des soins – ou encore de régler, lorsque c’est possible, les dossiers en litiges, tels que des dettes, des réclamations, etc.

« En somme, conclut-il, si les affaires de la famille sont en ordre, cela facilite grandement l’administration post-mortem. Hélas, beaucoup de décès imprévus entraînent des conséquences négatives à cause d’une mauvaise organisation de ses affaires personnelles et familiales. »

La rédaction