Où va le système de retraite?

Par La rédaction | 22 juin 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
14 minutes de lecture

Changements au Régime de pensions du Canada (RPC) et au Régime de rentes du Québec (RRQ), entente de Vancouver, consultations du gouvernement québécois, nouveaux régimes, rumeurs de hausse des cotisations… Le système de retraite est en plein bouleversement, au point que la confusion règne parmi le grand public souvent mal informé.

Un sondage publié en septembre dernier par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) démontre en effet que la plupart des citoyens ne savent pas comment fonctionne le RPC ou le RRQ. Ils ignorent aussi ce que signifierait pour eux, concrètement, une amélioration du RPC ou du RRQ telle que l’a proposée le gouvernement fédéral ou comme l’envisage Québec, qui n’a pas ratifié l’accord de Vancouver sur la bonification du système de retraite public négocié en 2016 entre Ottawa et neuf provinces.

Ainsi, près de 40 % des Canadiens pensent que le fédéral paie une partie des cotisations au RPC (à peine un répondant sur quatre sait que ce n’est pas le cas). Au Québec, ces pourcentages se chiffrent respectivement à 37 % et 30 % concernant le RRQ. Seul un quart de la population est par ailleurs au courant du fait qu’il faudra attendre une quarantaine d’années avant de profiter des pleins bénéfices liés au renforcement du RPC prévu par l’administration Trudeau. Environ 70 % des sondés ignorent que les retraités actuels ne profiteront pas d’une telle bonification, et plus de 25 % des retraités actuels croient même qu’ils recevront des prestations additionnelles si les cotisations augmentent.

Une ignorance que la FCEI juge « inquiétante », car « la plupart des gens n’ont aucune idée de l’impact que le changement [apporté par le gouvernement fédéral] aura sur eux et leurs finances ». Ayant refusé de signer l’entente avec Ottawa, Québec a déposé en décembre dernier un document sur l’avenir du RRQ, Consolider le Régime pour renforcer l’équité intergénérationnelle, et entamé des consultations avec les partenaires sociaux au début de l’année pour les sonder sur les différentes manières possibles de bonifier le régime. L’objectif : augmenter le taux de couverture après la sortie de la vie active, comme le souhaite une large majorité de la population québécoise préoccupée par l’avenir du système de retraite public.

1) Les aînés critiquent un sondage de Québec sur le système de retraite

« La consultation récemment mise en ligne par le gouvernement au sujet d’une réforme possible du système de retraite public du Québec est incomplète pour un sujet aussi vaste », déplorent néanmoins des groupes de retraités et d’aînés, cités en mai par LeDevoir. Ils dénoncent en particulier un questionnaire publié fin avril sur le site Web de Retraite Québec, qui demandait aux participants de se prononcer sur divers scénarios. L’exercice n’est « pas à la hauteur des conséquences de la réforme », estiment l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic et l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, tandis que le réseau FADOQ y voit un « sondage tendancieux, non accessible et hors contexte », avec des « questions apparemment pertinentes, mais qui sont accompagnées d’un énoncé très orienté », détaille François Desjardins dans Le Devoir.

Le gouvernement Couillard propose trois options, rappelle pour sa part Rudy Le Cours dans un article publié le mois dernier dans La Presse : « le statu quo (sans bonification), l’harmonisation avec le RPC et sa troisième voie, plutôt bancale, qui soustrairait à la bonification au moins la moitié du salaire. » Ainsi, la première moitié (27 450 $) du maximum de gains admissibles, fixé à 54 900 $ l’an dernier, ne serait pas assujettie aux nouvelles cotisations. Or, poursuit le journaliste, « comme le salaire annuel médian était à peine de 40 000 $ au Québec l’an dernier, la moitié des salariés québécois n’accumuleraient une rente bonifiée que sur 12 550 $ de leur revenu, ce qui les pénalisera considérablement, leur retraite venue. Quant à l’autre moitié, elle pourra bonifier sa rente seulement sur la partie du salaire qui excède 27 450 $. Cela les pénalise aussi par rapport à tous les autres travailleurs canadiens ».

« Québec s’est engagé dans la réforme de son régime public de retraite, mais sans se rallier aux modalités du plan fédéral, avec des paramètres de bonification moindres. En manifestant ainsi sa dissidence, le ministre des Finances, Carlos Leitão, se montrait plus sensible à l’argumentaire des patrons craignant la hausse correspondante de leur contribution », estime quant à lui Gérard Bérubé dans Le Devoir. « Tout cela dans un contexte où le taux de cotisation au RRQ est déjà plus élevé que celui au RPC, où le phénomène du vieillissement de la population est plus ressenti ici [qu’ailleurs au pays] et où la croissance économique potentielle du Québec s’est affaiblie », ajoute-t-il.

2) Ottawa et Québec doivent cesser leur approche de « bricolage »

C’est en tout cas ce que recommande l’Observatoire de la retraite (OR), qui appelle les deux paliers de gouvernement à faire évoluer un système pensé dans les années 1960 et sérieusement mis à mal par des années de politiques libérales, rapporte Conseiller dans un article mis en ligne en avril. « Les régimes complémentaires de retraite que nous a légués le 20e siècle ont été développés pour répondre à un compromis social qui, aujourd’hui, ne tient plus », explique Conseiller en reprenant les propos de Frédéric Hanin et de François L’Italien, professeurs à la Faculté de sciences sociales de l’Université Laval et membres de l’OR, parus dans le Bulletin de la retraite de mars de l’Observatoire.

Lorsqu’il a été instauré, ce compromis devait remplir une fonction précise, soit « compléter la rente offerte par les régimes publics afin d’offrir un taux de remplacement du revenu qui soit décent », ajoute Conseiller, qui précise que « si l’on a accepté de mettre sur pied des régimes publics dotés d’un taux de remplacement limité, c’est parce que les régimes d’employeurs devaient s’impliquer financièrement et fournir la part manquante pour obtenir un taux de remplacement d’environ 70 % ». Or Frédéric Hanin et François L’Italien soutiennent qu’aujourd’hui la donne a changé, d’une part en raison de l’essor de l’idéologie libérale et de la remise en cause du rôle de l’État; d’autre part, parce que les employeurs se sont petit à petit désengagés de leur responsabilité envers les régimes de retraite, qu’ils considèrent désormais comme une « charge illégitime ».

« La restructuration des régimes complémentaires du secteur manufacturier, les lois québécoises visant les secteurs municipal, privé et universitaire, ou encore la création de nouveaux régimes comme le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), sans cotisation obligatoire pour les employeurs, constituent les exemples les plus récents de cette tendance », affirment les deux chercheurs. Pourtant, déplorent-ils, les gouvernements n’ont pas encore pris acte de cette situation. « Au lieu de prendre le recul nécessaire pour dresser un tableau d’ensemble et jeter les bases d’une réflexion collective sur le redéploiement institutionnel du système de la retraite au 2Ie siècle, ils adoptent une approche de “bricolage”. Alors même qu’un vaste chantier de réflexion, d’échanges et de concertation devrait s’imposer », souligne Conseiller.

Le média en ligne rappelle que 43 % de la main-d’œuvre ne cotisent pas à un régime complémentaire de retraite, que 21 % cotisent seulement à un régime enregistré d’épargne-retraite, que seuls 19 % bénéficient d’un régime complémentaire de retraite et que 17 % cotisent à la fois à un régime complémentaire de retraite et à un REER. Aux discours des pouvoirs publics et des entreprises « doivent s’ajouter les perspectives plus générales de l’économie politique, qui ont été nécessaires pour avoir une vue d’ensemble des institutions à développer pour structurer des politiques publiques dignes de ce nom », estiment Frédéric Hanin et François L’Italien. « L’objectif est de renouer avec une perspective intégrée et à long terme sur l’orientation qu’il est nécessaire de donner aux institutions de la retraite au Québec pour le siècle à venir », concluent-ils.

3) « Il faut mettre le RRQ au même niveau que le RPC »

L’écrasante majorité des Québécois demandent au gouvernement provincial de leur assurer une rente de retraite équivalente à celle de leurs homologues du reste du Canada, selon un sondage publié en mai par la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Plus précisément, 88 % des quelque 1 000 personnes interrogées se disent en accord avec cet énoncé : « Le gouvernement du Canada et ceux des autres provinces (sauf le Québec) ont décidé […] de bonifier la rente des futurs retraités qui pourront recevoir à terme une rente 50 % plus élevée que le montant que les retraités reçoivent aujourd’hui. Le gouvernement du Québec doit donc s’assurer que les retraités du Québec reçoivent une rente dont le montant est le même que celui des retraités du reste du Canada. »

La moitié des sondés (54 %) affirment être préoccupés quant à leur situation financière une fois qu’ils auront quitté la vie active, tandis que 42 % disent n’avoir aucune inquiétude à ce sujet. Enfin, 73 % des personnes interrogées disent ignorer que le gouvernement provincial s’apprête à modifier de façon importante le RRQ, relève la FTQ. À l’appui de sa revendication d’une parité des retraites des Québécois avec celles des autres Canadiens, la centrale syndicale donne l’exemple de deux travailleurs ayant gagné 40 000 $ toute leur vie, l’un à Winnipeg et l’autre à Rimouski. S’ils reçoivent aujourd’hui chacun 25 % de ce salaire à leur retraite, calcule-t-elle, avec l’entente signée l’an dernier à Vancouver entre Ottawa et neuf provinces pour renforcer le RPC, le travailleur de Winnipeg recevra 33,3 % de son salaire, alors que celui du Québec en percevra seulement 27,5 %. Selon la FTQ, cette différence représente un manque à gagner de 2 320 $ par an pour un employé québécois, soit 50 000 $ sur 20 ans.

« Pour la FTQ, ce sondage est clair. La population n’acceptera pas que les retraités du Québec soient les plus pauvres du Canada. La population du Québec ne s’attend à rien de moins qu’à obtenir une pension équivalente à celle des retraités du reste du pays, déclare le secrétaire général de la centrale, Serge Cadieux. Le gouvernement du Québec doit emboîter le pas aux autres provinces canadiennes qui ont convenu avec Ottawa de bonifier le RPC. Jusqu’à présent, le gouvernement du Québec prépare un plan de hausse inférieure au reste du pays. C’est inacceptable, et c’est pourquoi nous demandons au ministre des Finances Carlos Leitão de signer l’entente de Vancouver afin de rassurer la population. »

4) Québec prépare les esprits à une hausse des cotisations

Face aux pressions des partenaires sociaux et de la population, le « gouvernement Couillard prépare les contribuables à une hausse des cotisations au Régime de rentes du Québec », estime La Presse canadienne dans une dépêche diffusée en mai. Pour être sûr d’être bien entendu, Carlos Leitão a rappelé aux Québécois que s’ils veulent de meilleures prestations de retraite, « l’argent ne vient pas de la planète Mars », écrit l’agence de presse. Un consensus se dessine, dans les consultations en cours avec Ottawa, pour une harmonisation avec le RPC, selon le ministre des Finances. Mais Carlos Leitão souligne qu’avoir le même niveau de prestations que le RPC aura un coût pour les Québécois. Et parce que la population québécoise est plus âgée que la moyenne canadienne, la cotisation des entreprises et des particuliers dans la province devra être plus élevée que celle de leurs concitoyens du reste du pays. « Il n’y a rien de gratuit dans la vie », conclut-il en soulignant que les régimes publics devraient être pleinement capitalisés.

Toujours dans le cadre de son projet de réforme du RRQ, le gouvernement provincial songe à hausser l’âge minimal du début du versement des prestations qui est actuellement de 60 ans, rapportait déjà La Presse en décembre dernier. Toutefois, expliquait alors le quotidien, Québec n’a pas encore pris sa décision, « étant donné les enjeux liés à la longévité ainsi que l’importance de maintenir en emploi les travailleuses et travailleurs d’expérience et de renforcer la pérennité du Régime », selon un document de consultation déposé par le ministre des Finances à l’Assemblée nationale. « Les revenus de retraite des prochaines générations de personnes retraitées pourraient être améliorés. De plus, il est possible qu’il y ait un plus grand nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus qui cotisent au RRQ, […][ ce qui pourrait] contribuer à stabiliser les cotisations [à ce régime] », précisait le texte.

« Le gouvernement Couillard veut discuter de cet enjeu, car l’âge moyen de retrait du marché du travail est de 62 ans au Québec, ce qui est généralement inférieur au reste du Canada, aux États-Unis et aux pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) », écrivait aussi La Presse. Actuellement, rappelait le journal, « un prestataire du RRQ reçoit une prestation optimale – soit un taux de remplacement de son revenu de 25 % – s’il demande le début de ses versements à l’âge de 65 ans ». Toutefois, ce taux diminue si la prestation est demandée entre 60 et 65 ans et, à 60 ans, il est de seulement 16 %.

5) Vos clients connaissent-ils bien les régimes de retraite?

Vos clients savent-ils quelle est la cotisation minimale de l’employeur à un régime de pension agréé à cotisation déterminée? Peut-être pas, mais ils pourront avoir la réponse grâce au programme sur la littératie financière en matière de retraite récemment lancé par l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR). En répondant à quatre questionnaires en ligne, les participants à des régimes de retraite (et pourquoi pas les promoteurs et conseillers?) peuvent en effet désormais tester leurs connaissances sur différents sujets relatifs à cette question.

Les questionnaires portent sur les régimes d’épargne‑retraite en milieu de travail, les régimes de retraite gouvernementaux, les régimes d’épargne individuels et l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada. Voici quelques exemples de questions : « Quel est le plafond de la cotisation déterminée en 2016? »; « Vos droits de cotisation inutilisés ou les cotisations excédentaires des années précédentes pourraient avoir une incidence sur le maximum déductible de votre REER. Vrai ou faux? »; « Je peux retarder mes prestations du RRQ jusqu’à 70 ans. Vrai ou faux? »; « Si le rendement du capital investi dans le cadre d’un régime d’accumulation de capital est médiocre, l’employeur doit alors augmenter la cotisation au régime. Vrai ou faux? »; ou encore« À quel moment dois-je transférer les placements de mon REER à un FERR? ».

La rédaction