Cibler la clientèle féminine pour développer ses affaires

Par Didier Bert | 24 octobre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Caroline Thériault et Josée Mailloux, associées du Cabinet L.

La clientèle féminine est-elle oubliée ou convoitée? Les conseillères en sécurité financière Caroline Thériault et Josée Mailloux, elles, ont fondé le Cabinet L à Québec en 2017 en se basant sur une stratégie de développement d’affaires exclusivement centrée sur les femmes.

Pourquoi avez-vous choisi de cibler la clientèle féminine?

Caroline Thériault : Nous sommes parties de l’idée que, dans les services financiers, il y a une forte demande de la part des femmes pour avoir une conseillère. De nombreuses femmes sont autonomes dans leur vie, et elles veulent la même indépendance sur le plan financier. Or, ces femmes veulent avoir affaire à une conseillère parce que celle-ci comprend leur réalité.

Cela signifie-t-il que l’industrie ne comprend pas les besoins financiers des femmes?

CT : C’est plutôt que les femmes ont davantage de facilité à communiquer avec des conseillères. Mais dans les couples, ce sont souvent les hommes qui choisissent les conseillers. Cela veut dire que la relation avec le conseiller s’établit selon les disponibilités des hommes, et selon leur mode de pensée. On voit même des conseillers qui, en présence des deux membres du couple, ne s’adressent qu’à l’homme! De plus, les hommes et les femmes ne pensent pas de la même manière quand il s’agit d’argent. Les hommes sont axés sur le rendement et la performance, alors que les femmes sont plus intéressées par la globalité de la démarche.

Les enjeux financiers sont-ils différents entre les deux sexes?

Josée Mailloux : Certainement! Les femmes sont souvent ralenties dans leur carrière professionnelle par la maternité. Leurs interruptions de carrière sont plus fréquentes, et leur espérance de vie est plus longue. Elles doivent faire plus d’efforts pour parvenir à gagner autant que les hommes, et à se préparer une retraite équivalente.

Comment mettez-vous en œuvre un développement d’affaires exclusivement féminin?

CT : Nous nous adaptons à la réalité des femmes, qui concilie souvent le travail et la famille. C’est une réalité que nous connaissons parce que nous la vivons. Cela nous conduit à faciliter les rencontres en ligne, car les femmes sont souvent moins disponibles que les hommes. Nous ciblons aussi des lieux spécifiques, par exemple le Salon national de la femme, où nous allons chaque année. Nous travaillons aussi beaucoup par recommandations. Une femme qui se sent comprise parlera de cette expérience positive avec son entourage féminin, et nous recommandera sa mère, une amie, une collègue… Il n’y a pas de tabou quand on se parle entre femmes. L’ouverture se fait facilement.

Refusez-vous de conseiller les hommes ?

JM : Pas du tout! Nous ciblons uniquement les femmes pour le développement de nos affaires. Alors si elle est en couple, nous servons les deux membres du couple, bien sûr. Mais nous commençons toujours par la femme.

Qu’apporte une stratégie orientée délibérément vers la clientèle féminine?

CT : Nous voulons apporter un plus aux femmes. Dans le passé, les hommes géraient souvent l’argent dans le couple. Aujourd’hui, les femmes se prennent en charge, que ce soit dans le couple, ou quand une séparation survient. On voit aussi beaucoup de veuves quitter le conseiller du couple. Dans ces situations, elles doivent se sentir accompagnées et soutenues. Et elles doivent se sentir bien dans la relation de conseil. C’est pour cela que nous avons développé tout un réseau d’expertes dans différents domaines complémentaires au nôtre : nos clientes savent qu’elles pourront toujours être conseillées par des femmes. Nous poussons notre stratégie au maximum.

Que vous a dit votre entourage professionnel au moment de choisir cette stratégie?

JM : Au début, nos pairs nous ont donné pas mal de commentaires négatifs. On nous a dit qu’on se coupait de la moitié du marché, que les hommes ne voudraient pas faire affaire avec nous. Nous, nous voulions aller de l’avant. Nous savions qu’il y avait un besoin de s’adresser à la clientèle féminine. Ces commentaires se sont vite inversés : dès la première année, ils sont devenus plus positifs. Nous avons constaté qu’il y a aussi une demande de la part des hommes pour être conseillés par des femmes. L’approche féminine est davantage associée au relationnel qu’à la vente de produits. C’est un atout certain.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.