Retraite : à quel âge partir?

Par La rédaction | 20 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter au pays, la moitié des retraités canadiens disent avoir cessé de travailler plus tôt qu’ils ne l’auraient pensé, selon un sondage de la Banque CIBC. La nouvelle n’est pas aussi bonne qu’elle pourrait le paraître, car les causes de départ sont souvent indépendantes de leur volonté, ce qui risque de créer une situation économique difficile.

Des études démontrent que bon nombre de retraités auraient souhaité continuer à travailler pour conserver leur niveau de vie, mais qu’ils ont dû y renoncer, compte tenu des difficultés rencontrées sur le marché de l’emploi. Dans ces conditions, la récente décision du gouvernement fédéral de ne pas relever l’âge du départ à la retraite est cohérente : le fait que les personnes âgées puissent continuer à travailler après 60 ans impliquerait d’avoir un marché du travail prêt à les intégrer, ce qui est loin d’être le cas, et ce, tant au Canada que dans d’autres États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Alors que les gouvernements des pays industrialisés multiplient les initiatives pour inciter les travailleurs à repousser l’âge de leur retraite, les milieux de travail ne semblent guère enthousiastes à cette perspective, comme en témoigne un récent reportage publié sur le site de Radio-Canada.

1) La retraite plus tôt, mais pas toujours par choix

Près d’un retraité canadien sur deux (48 %) a cessé de travailler plus tôt que prévu, selon un sondage en ligne mené par Angus Reid pour le compte de la CIBC auprès de 662 personnes âgées de plus de 50 ans. Plus précisément, 32 % d’entre elles ont indiqué avoir pris leur retraite de trois à cinq ans avant la date prévue, tandis que 16 % ont quitté la vie active une à deux années plus tôt. Seuls 17 % des répondants affirment avoir mis assez d’argent de côté pour se permettre de partir plus tôt que prévu. Restent 13 %, qui ont au contraire décidé de demeurer plus longtemps qu’anticipé sur le marché du travail, soit par intérêt, soit pour des raisons économiques.

Lorsque ces personnes âgées de plus de 50 ans ont arrêté de travailler, ce n’était pas toujours par choix : 33 % l’ont fait à la suite d’un problème de santé, et 22 % ont cédé à la demande de leur employeur, révèle le sondage. Ces retraités ont dû « malgré eux » composer avec plusieurs mauvaises surprises, en particulier la découverte que leurs dépenses à cette étape de leur vie seraient plus élevées qu’ils ne l’avaient escompté. Près d’un tiers (30 %) ont dû faire face à des coûts imprévus, tels que réparations, rénovations, soutien aux enfants et petits-enfants. Un quart d’entre eux (24 %) ont été contraints de revoir à la hausse leurs coûts de soins de longue durée à cause de problèmes de santé, et 15 % ont réalisé que leur facture fiscale était plus élevée qu’ils ne l’avaient imaginé.

Leur départ anticipé ayant accru la pression sur leur revenu, nombre d’entre eux regrettent aujourd’hui de ne pas avoir planifié leurs vieux jours plus tôt : 38 % des sondés reconnaissent ainsi qu’ils auraient dû épargner davantage en dehors de leur REER. « Bien des Canadiens sous-estiment leurs dépenses à la retraite ou ne sont pas conscients qu’ils pourraient être forcés de partir plus rapidement que prévu, de sorte qu’ils ne seront pas prêts à gérer des dépenses plus élevées que prévu avec un budget moindre que prévu », commente David Nicholson, vice-président à Service Impérial CIBC. « Les voyageurs s’attendent à dépenser davantage, mais ceux qui restent chez eux risquent d’être surpris des coûts liés à tout ce temps libre pour explorer de nouveaux champs d’intérêt, ou de piger dans leur épargne pour des rénovations remises à plus tard pendant leurs années de vie active. »

2) Des experts recommandent de relever l’âge de la retraite

Dans un rapport remis au ministre des Finances en février, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, une instance créée en 2016 par le gouvernement fédéral, a recommandé à Ottawa de repousser l’âge légal de départ à la retraite et de hausser l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse et au Régime de pensions du Canada. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait fait passer graduellement ce seuil à 67 ans, mais une fois au pouvoir, comme ils l’avaient promis durant la campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau l’ont ramené à 65 ans, rappelle la journaliste Dominique La Haye, de l’agence QMI.

« Ce rapport fait valoir que les régimes de pension ne devraient pas défavoriser le travail. Les Canadiens âgés qui sont prêts à demeurer sur le marché du travail au-delà de l’âge de la retraite traditionnel ne devraient pas faire face à des mesures dissuasives », indiquent les experts du Conseil. « Les âges d’admissibilité au programme Sécurité de la vieillesse (SV) et au Régime de pensions du Canada (RPC) devraient être alignés de nouveau et augmentés afin de correspondre à la réalité canadienne d’une société vieillissante et d’une espérance de vie beaucoup plus longue qu’il y a à peine quelques décennies », ajoutent-ils.

Selon eux, « hausser l’âge d’admissibilité réduirait l’écart entre le Canada et les pays industrialisés ayant le plus haut taux de participation à la main-d’œuvre chez les 55 ans et plus, et pourrait ajouter 56 G$ au produit intérieur brut », écrit pour sa part La Presse. L’article rappelle que les 14 membres du Conseil ont été choisis par le ministre des Finances Bill Morneau pour « conseiller Ottawa sur les façons de favoriser la croissance économique à long terme. »

Le président du groupe d’experts, Dominic Barton, directeur général de la firme-conseil McKinsey, a néanmoins assuré que la proposition qui figure dans son rapport est « plus nuancée » que la mesure mise en place sous le gouvernement conservateur, rapporte QMI. L’agence cite aussi le député conservateur Gérard Deltell, pour qui les conclusions du Conseil confirment que le gouvernement Harper avait pris la bonne décision en haussant à 67 ans l’âge de la retraite. « Malheureusement, pour des raisons purement politiques, le gouvernement libéral a décidé de ramener ça à 65 ans et honnêtement je trouve ça plate que le gouvernement ait fait ça parce que le débat avait été fait », soutient le député.

3) Ottawa refuse de hausser l’âge de la retraite

Pressé de s’expliquer par une partie de l’opposition et conscient qu’il s’agissait là d’un dossier sensible, le gouvernement fédéral a finalement rejeté la recommandation du Conseil consultatif, note Conseiller. Le ministre du Développement social, Jean-Yves Duclos, a ainsi réaffirmé qu’Ottawa respecterait bel et bien sa promesse de fixer l’âge de la retraite à 65 ans, ajoutant que le relever à 67 ans plongerait les aînés les plus démunis dans une pauvreté encore plus grande.

Le gouvernement a toutefois précisé qu’il pourrait adopter d’autres mesures incitatives afin de garder les Canadiens au travail, s’ils le peuvent et s’ils le veulent, a-t-il encore indiqué. « Nous ne changerons pas cela [l’âge officiel de départ à la retraite], parce que nous croyons que c’est important de protéger les personnes âgées vulnérables, celles pour qui il est impossible, pour toutes sortes de raisons, de continuer leur participation au marché du travail », a justifié le ministre. « Dans un deuxième temps, nous examinerons très intensivement les façons d’améliorer les incitatifs que les autres travailleurs qui sont aptes et prêts à poursuivre leur participation au marché du travail pourraient recevoir afin de continuer de stimuler notre croissance économique », a conclu Jean-Yves Duclos.

La veille de l’annonce de la décision d’Ottawa de ne pas suivre la recommandation du Conseil en matière d’âge de départ à la retraite, Hélène Laverdière, députée néo-démocrate de Laurier–Sainte-Marie, avait reproché au ministre son manque de clarté dans ce dossier. « Je pense qu’en ce moment, s’il y a des gens qui veulent travailler au-delà de 65 ans, ils peuvent le faire. Je connais des gens qui le font. Ceci dit, ce qui était noir sur blanc, c’était l’engagement des libéraux en campagne électorale de ne pas hausser l’âge de la retraite. Alors, s’ils reviennent sur cette promesse-là aussi, je suis certaine que les Canadiens en tireront les (conclusions) », avait-elle lancé.

4) La retraite à 65 ans : irréaliste?

L’âge de la retraite devrait être graduellement relevé pour « équilibrer les périodes de vie active et de retraite », soutient le directeur de la recherche de l’Institut économique de Montréal (IEDM) dans une chronique publiée en février dans son blogue hébergé par le Journal de Montréal. « Il est illusoire de croire que l’on peut fixer de manière immuable l’âge de la retraite, sachant que notre espérance de vie augmente constamment », écrit notamment Youri Chassin. En effet, argue-t-il, la décision de fixer l’âge de la retraite à 65 ans remonte à une cinquantaine d’années. Mais depuis cette période, « l’espérance de vie a augmenté d’une dizaine d’années ».

Vers 1960, elle atteignait 71 ans, alors qu’elle est passée à près de 80 ans dans les années 2000, rappelle l’économiste du groupe de réflexion conservateur. « Nous gagnons environ deux années d’espérance de vie par décennie. Ce n’est donc pas réaliste de penser que l’on conservera l’âge de la retraite à 65 ans infiniment, puisque cela voudrait dire que les programmes de retraite coûteront de plus en plus cher, car les retraités en bénéficieront plus longtemps », calcule-t-il.

Idéalement, chaque année de retraite devrait correspondre à deux années travaillées, poursuit l’IEDM. L’organisme recommande par ailleurs d’instaurer une formule d’indexation automatique de l’âge normal de départ en fonction de l’allongement de l’espérance de vie des citoyens « de façon à répartir proportionnellement les gains de longévité entre la retraite et la vie active. » Si rien n’est fait, ce sont les travailleurs des générations futures qui en feront les frais, met en garde Youri Chassin. Il souligne que certains pays membres de l’OCDE, notamment l’Allemagne, l’Islande, le Danemark et les États-Unis, ont d’ores et déjà décidé de relever l’âge officiel de la retraite à 67 ans.

5) Les Français, eux, veulent partir avant 62 ans

Toutes tendances politiques confondues, les Français s’accordent au moins sur une chose en cette période électorale qui agite l’Hexagone : ils ont bien l’intention de prendre leur retraite avant 62 ans, et plus précisément à 61 ans et demi, si l’on en croit un sondage Ipsos-France Bleu mené en novembre auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatives de la population. Plus de la moitié des répondants (52 %) jugent préférable de s’arrêter avant cet âge. Mais « s’il le fallait vraiment », ils seraient « prêts à travailler jusqu’à 63 ans en moyenne, soit seulement un an de plus que l’âge légal actuellement en vigueur », précise Le Figaro.

Les sympathisants de gauche et les personnes moins aisées sont les plus enclins à souhaiter un départ à la retraite précoce. « En revanche, les 30 % qui estiment qu’il est raisonnable de partir à la retraite au-delà de l’âge légal actuel de 62 ans sont plus âgés, appartiennent aux catégories moyennes et supérieures et sont davantage de droite », note Le Figaro. Le plus souvent, les inquiétudes des sondés portent sur le montant de leur pension (63 %), plus que sur le fait de partir « à un âge trop avancé » (30 %). Et les deux principales raisons qui pourraient les inciter à retarder le moment de quitter la vie active sont le fait de vouloir « augmenter le montant de leur retraite » (45 %) ou de « conserver plus longtemps leur salaire » (28 %). Sans surprise, ces deux motivations financières sont particulièrement présentes dans les milieux moins aisés.

Les Français souhaitent donc partir à la retraite plus tôt que ce qu’envisage François Fillon, le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle. Dans son programme, celui-ci propose de reporter l’âge légal de la retraite à 65 ans d’ici à 2022 pour le secteur privé, contre 62 ans actuellement. Pour sa part, la présidente du Front National, Marine Le Pen, « souhaite ramener l’âge légal à la retraite à 60 ans avec 40 années de cotisations », tandis que le grand favori des sondages, le centriste Emmanuel Macron, demeure assez flou dans ses projets. L’ancien banquier et ex-ministre des Finances prône simplement « plus de souplesse ». « Certains veulent prendre leur retraite à 60 ans, d’autres à 65, d’autres encore à 67. Il faut pouvoir moduler selon les individus et les situations », expliquait-il dans une entrevue accordée en janvier à un magazine français. Une chose est sûre : bien que ce thème fasse partie des principales inquiétudes des Français, il est loin d’être au centre des débats politiques entre les différents candidats à la présidence de la République, même si Capital observe que, selon le candidat qui sortira vainqueur le 7 mai, « l’âge légal de la retraite… pourrait tomber à 60 ans ou être allongé à 65 ans ».

La rédaction