Finances des femmes : à chaque âge ses besoins

Par Alizée Calza | 28 février 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
8 minutes de lecture
Photo : 123RF

Alors qu’elles gagnent souvent moins d’argent et travaillent moins longtemps que les hommes, les femmes sont toutefois plus susceptibles de faire face au risque de longévité. Pour les aider, les conseillers doivent connaître les particularités de leurs finances et leurs besoins spécifiques selon les périodes de leur vie.

Les femmes craignent davantage que les hommes de manquer de fonds à la retraite et 51 % d’entre elles ne savent pas combien elles épargnent pour leur retraite, révélait un récent sondage de HSBC.

Bien que l’écart de salaire entre les sexes tende à se réduire, les femmes canadiennes âgées de 15 ans et plus gagnaient 0,87 $ pour chaque dollar gagné par les hommes en 2017, selon les données de l’enquête sur la population active 2018 de Statistique Canada.

« Avec les femmes, on fonctionne un peu de la même façon qu’avec les hommes, mais il y a quand même des particularités, souligne Sophie Paquet, conseillère en placement et vice-présidente à la Financière Banque Nationale. Même s’il ne faut évidemment pas tomber dans les stéréotypes, les femmes gagnent souvent moins, travaillent moins longtemps et prennent plus de pauses dans leur carrière que les hommes. »

20 ANS : LA FIN DES ÉTUDES ET LE PREMIER BUDGET

Comme les hommes, vers l’âge de 20 ans les femmes terminent leurs études et se lancent sur le marché du travail.

Il est donc temps de commencer à rembourser ses dettes à intérêt élevé, c’est-à-dire celles dont le taux d’intérêt est de plus de 5 %, affirme Sophie Paquet. Il faut également ouvrir un compte d’urgence à intérêt élevé, dans lequel se trouveraient des sommes représentant trois à six mois de salaire pour dépanner en cas de perte d’emploi, de bris de voiture ou autres. Et, rapidement, il faut penser à établir un budget.

« La façon la plus simple de procéder est d’appliquer la règle du 50-30-20, affirme la conseillère. Il ne faut pas allouer plus de 50 % de son revenu net pour les besoins essentiels, c’est-à-dire les dépenses qu’on ne peut pas reporter au mois suivant. On garde 30 % pour se faire plaisir et il faut essayer d’épargner 20 % pour ses besoins futurs. »

Pour Marie-Josée Turcotte, gestionnaire de portefeuille à BMO Nesbitt Burns, il est très important de commencer tôt à épargner pour la retraite. Elle déplore le fait que trop souvent, les jeunes ne s’intéressent pas à leurs finances.

« Mon message aux jeunes filles serait de « se payer », au même titre qu’elles payent leur hypothèque, leur facture d’électricité ou leur voiture. Réserver un montant mensuel, aussi petit soit-il, à 20 ans, fait une énorme différence à 50 ans. Car même si on met les bouchées doubles à 40 ans, on ne rattrape jamais le montant final dû au temps et à la magie de l’intérêt composé », souligne-t-elle.

Une bonne façon de faire consiste à automatiser les processus d’épargne. Sophie Paquet considère que les montants économisés pourraient par exemple être déposés dans un CELI, un meilleur outil de placement que le REER lorsque les revenus ne sont pas encore très élevés, juge-t-elle.

Elle rappelle également qu’il est important de commencer à regarder les assurances lors de l’arrivée sur le marché du travail, notamment l’assurance invalidité.

30 ANS : NE PAS NÉGLIGER LES OBJECTIFS FAMILIAUX

Bien qu’il ne soit pas rare de voir des professionnelles avoir des enfants à 40 ans, les femmes commencent souvent à y songer à la trentaine. À 30 ans, il est donc important d’établir des objectifs clairs et un plan précis en tenant compte des objectifs familiaux de la cliente. Veut-elle acheter une maison? Si c’est le cas, il serait peut-être judicieux d’opter pour un portefeuille plus modéré, conseille Sophie Paquet. Mais il faut d’abord savoir si la cliente planifie avoir des enfants.

Ces derniers sont une charge financière supplémentaire et, surtout, impliquent des congés parentaux pendant lesquels les revenus des parents vont diminuer et les dépenses, augmenter. Il est ainsi très important d’élaborer un budget et de s’informer sur les choix de prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Sur son site web, on peut d’ailleurs réaliser des simulations qui donnent une bonne idée du budget à prévoir.

Marie-Josée Turcotte recommande à ses clientes d’avoir une discussion de couple et de considérer que le conjoint cotise au REER ou au CELI de la femme en congé de maternité. Ceci permet d’éviter d’avoir un trop grand manque à combler.

Les mères devraient également songer à rédiger un testament ainsi qu’un mandat de protection et de revoir leurs assurances pour se protéger elles-mêmes et leur famille. C’est également le bon moment pour penser à un contrat de vie commune si elles sont en union de fait ou à se renseigner sur les régimes matrimoniaux si elles planifient se marier.

Il faut également que les femmes se contraignent à négocier leur salaire, affirme Sophie Paquet. Dans son livre Women don’t ask, l’auteure américaine Linda Babcock affirme que seulement 12 % des femmes négocient le salaire de leur premier emploi, contre 52 % des hommes. Même si cela semble anodin, sur le cours d’une carrière, le manque à gagner peut s’élever à près d’un demi-million, selon les calculs de l’auteure.

« Les augmentations de salaire sont toujours basées sur l’emploi précédent. Donc si l’on n’a pas bien négocié dès le départ, cela crée un effet boule de neige », explique Sophie Paquet.

Si ce n’est pas déjà fait, à 30 ans il faut commencer à mettre de l’argent de côté pour la retraite, et comme l’horizon de placement est encore très long, il est important de ne pas choisir de placements trop prudents.

« Souvent, les femmes ont de la difficulté à prendre un risque calculé concernant leurs placements », souligne Marie-Josée Turcotte.

« Si on sait que les femmes vivent plus longtemps, qu’elles épargnent moins et qu’elles gagnent moins, c’est un mauvais choix d’être trop prudentes, car elles ne seront pas protégées contre l’inflation et elles risquent de manquer d’argent à la retraite, confirme Sophie Paquet. Je rappelle à mes clientes que sur un horizon de 30 ans, le marché boursier a donné un rendement de 10 % cumulé année sur année. »

À 30 ans, il faudrait avoir accumulé l’équivalent d’environ une fois son salaire annuel en vue de sa retraite, affirme-t-elle.

40 ET 50 ANS : NE PAS S’OUBLIER

À 40 ans, Sophie Paquet estime qu’il faudrait avoir épargné environ trois fois son salaire annuel.

Selon une étude américaine de Payscale, les femmes atteignent leur pic salarial à l’âge de 40 ans, alors que le salaire des hommes continue d’augmenter jusqu’à 50 ans.

Sophie Paquet pense qu’il y a plusieurs explications à cela : la première serait le type d’emplois que choisissent certaines femmes, par exemple infirmière ou enseignante, des professions où la rémunération augmente moins que d’autres. La deuxième, que celles-ci sont moins enclines à accepter les promotions. Il est essentiel de continuer à se former et à négocier son salaire, car il reste encore de nombreuses années d’épargne, estime Mme Paquet.

Les femmes vivent davantage d’arrêts de travail et assument plus souvent des emplois à temps partiel. Selon certaines études, les femmes s’absentent aussi davantage pour s’occuper des autres que leur conjoint.

« Elles vont prendre des journées de congé pour accompagner les enfants, s’impliquer, ce qui va leur demander du temps. Elles ne seront donc pas en mesure de rester tard le soir au bureau et occuperont donc moins souvent des postes de dirigeantes », remarque Marie-Josée Turcotte.

Sophie Paquet estime qu’il est important de ne pas s’oublier. « Pensez à vous et, même si vous voulez aider tout le monde, assurez-vous que ce ne soit pas au détriment de votre plan de retraite. »

À 40 ans, c’est également l’âge où l’on commence à avoir plus de revenus. Il est donc essentiel de penser davantage à la fiscalité et de considérer le REER plutôt que le CELI dans le but de faire baisser le taux d’imposition.

À cet âge, il est également important d’avoir un plan de retraite plus précis et de le réviser aux 2-3 ans. Il faut savoir dans combien d’années on compte prendre sa retraite et optimiser la fiscalité des placements. C’est vers cet âge que l’on maximise les REER et les CELI. C’est également un bon moment pour rencontrer un spécialiste des assurances et revoir ses protections.

Vers 50 ans, Sophie Paquet encourage ses clientes à se renseigner davantage sur leurs finances. Évidemment, elles doivent le faire à tout âge, mais dans la cinquantaine, c’est crucial. « En parler, s’informer, s’entourer d’une équipe de spécialistes. C’est important quand on commence à avoir plus d’argent et de placements de poser des questions sur les frais, s’informer de son rendement par rapport à l’indice et s’assurer que notre répartition d’actif est appropriée ».

Elle estime aussi que vers 50 ans, il faudrait avoir accumulé environ six fois son salaire.

60 ET 70 ANS : CONSOLIDER SES ACTIFS

Les clients prêts à prendre leur retraite devraient avoir épargné à peu près dix fois leur salaire, mentionne-t-elle.

Dans la soixantaine, c’est le moment de mettre en place des stratégies concernant les différents régimes de retraite. Parfois, ça peut valoir la peine de retarder le moment de demander ses versements pour que les montants soient bonifiés. Il faut ensuite revoir la planification successorale et son testament.

Sophie Paquet estime qu’il est important d’avoir un plan de décaissement. Pour se parer aux baisses du marchés, il faut avoir au moins trois ans de placements fixes et planifier les retraits pour ne pas être obligé de les effectuer au mauvais moment, croit-elle.

« Il faut faire attention aussi parce que si on a 60 ans, il est possible qu’on vive un autre 30 ans. Il ne faut pas non plus être trop prudent pour, au moins, être capable de battre l’inflation », ajoute-t-elle.

Il ne faut pas non plus oublier de transformer son REER en FERR à 71 ans.

DE GRANDS OBJECTIFS, MAIS PEU DE TEMPS

Souvent, les femmes remettent les problèmes financiers au lendemain, car il ne s’agit pas de problèmes immédiats. Pour éviter cela, Marie-Josée Turcotte conseille de les ramener à leur projet de retraite.

« Il faut partir avec le projet, leur faire parler de leur rêve. Prendre des cours de céramique en Italie, ça ne se finance pas du jour au lendemain. Que doit-on faire aujourd’hui pour arriver à ce projet-là? En retournant vers l’objectif, on ramène les plans financiers au concret. »

Alizée Calza Alizee Calza

Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.