Open banking : le Canada à la traîne

Par Alizée Calza | 28 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’open banking offre de belles occasions. Toutefois, si cette pratique est bien encadrée sur le continent européen, elle en est encore à ses débuts au Canada.

C’est la conclusion du panel qui s’est tenu à ce sujet lors du Rendez-vous de l’Autorité des marchés financiers 2019 lundi.

L’open banking est un cadre dans lequel les consommateurs et les entreprises peuvent autoriser des tiers à avoir accès à leurs données sur des canaux sécurisés. Pour nombre d’acteurs de l’industrie financière, il représente un moyen d’améliorer l’expérience client et de faire face à la concurrence. Celle-ci se fait de plus en plus féroce et ne provient plus seulement d’autres institutions financières, mais également de géants de l’Internet comme Google, Apple, Facebook et Amazon.

L’intégration de renseignements et de services provenant de tiers permettrait aux consommateurs de comparer facilement les produits de toutes les institutions financières et de choisir les plus avantageux pour eux, indique ainsi Patrick Mignault, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. Cela aurait également l’avantage de faire tomber les barrières entre les différentes firmes avec lesquelles ils font affaire et d’avoir un portrait de l’ensemble de leurs opérations financières.

De leur côté, les grandes institutions pourraient créer des produits pour des marchés de niche, comme les immigrants, plutôt que de faire uniquement des produits de masse. Comme leur bassin de clients potentiels serait élargi, elles pourraient se le permettre.

L’open banking offrirait finalement un système plus sécuritaire pour tout le monde, selon François Lafortune, président de Diagram. Les risques se trouvent diminués, car les clients peuvent décider quelles informations ils autorisent à être échangées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

LÉGISLATION DÉFICIENTE

Cependant, le Canada n’a pas encore mis en place un encadrement adéquat pour ce faire. Le pays en est encore à la période de recherche.

« Les lois actuelles sont à refaire. On a besoin de nouvelles règles pour avancer dans la bonne direction », souligne Richard Guay, directeur de la surveillance à la Commission d’accès à l’information du Québec.

Toutefois, le pays ne part pas de zéro, souligne François Lafortune. En effet, d’autres ont déjà mis en place un tel encadrement et le Canada observe actuellement ceux-ci pour en retirer les mérites et les risques afin de mettre en place une législation mieux adaptée.

« Le véritable danger, c’est de rester trop en arrière de la parade en pensant qu’on est protégé. La meilleure protection, c’est de ne pas être en retard! » précise-t-il.

DES INQUIÉTUDES LÉGITIMES?

Plusieurs dirigeants d’institutions financières ont cependant des craintes quant à la cybersécurité et la confidentialité des données.

Selon François Lafortune, le terme open banking est peut-être mal choisi, car il rend les clients anxieux. « Ils ont l’impression de perdre le contrôle de leurs données personnelles », explique-t-il. Il souligne cependant qu’en réalité, l’open banking permettra aux consommateurs d’exercer un droit sur leurs données.

Les panélistes s’inquiètent davantage de la situation actuelle. Selon eux, les épargnants donnent trop facilement le feu vert à l’utilisation de leurs données. « Les consommateurs ont montré qu’ils ne lisaient pas les formulaires de consentement, insiste François Lafortune. Les gens font des choix qui ne sont pas dans leur intérêt afin d’aller plus vite. »

« Trop de consentement, c’est comme pas de consentement du tout », appuie Bernard Brun, directeur des relations gouvernementales au Mouvement Desjardins.

Les spécialistes suggèrent ainsi que le gouvernement pense son encadrement en prévoyant une façon de pouvoir retirer son consentement à tout moment. François Lafortune estime même que les données ne devraient pas être stockées automatiquement pour éviter les abus.

La littératie financière, mais aussi technologique, devrait être prise en compte, selon Patrick Mignault. Certains clients, comme les plus âgés ou ceux qui demeurent en région, pourraient se sentir laissés pour compte, car ils ne sont pas forcément accoutumés à la technologie ou n’ont pas toujours accès à celle-ci.

Il faudrait faire attention à ne pas augmenter le clivage entre les différents consommateurs en facilitant l’accès aux services aux personnes qui sont plus à l’aise avec la technologie, acquiesce Bernard Brun.

Selon ces experts, le gouvernement pourrait ainsi réfléchir à un moyen d’éduquer ces clients à la technologie et, surtout, s’assurer qu’ils y ont accès.

Alizée Calza Alizee Calza

Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.