Épargne : la vision des femmes

Par Claude Couillard | 4 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Différent, le comportement des hommes et des femmes en matière d’investissements? Complémentaire, répliquent certains. Voici quelques conseils pour tirer parti de ce potentiel.

Bien qu’elles possèdent toujours moins d’avoirs que leurs collègues masculins, les Canadiennes détiennent aujourd’hui un REER dans une proportion similaire, soit près de 80 %, d’après un sondage de TD Waterhouse. « De nos jours, une femme de 45 ans se sent plus à l’aise de prendre en main sa destinée financière qu’une femme du même âge ne l’aurait fait il y a 15 ans », soutient Liane Chacra, planificatrice financière et directrice régionale du bureau de Montréal Décarie au Groupe Investors.

Toutefois, cette longue marche vers l’égalité ne signifie pas pour autant qu’hommes et femmes envisagent la chose financière sous le même angle. Études et rapports récents reconfirment l’existence de traits dominants qui semblent caractériser chaque sexe. Un des classiques? La plus grande prudence dont feraient montre les femmes.

Par exemple, l’automne dernier, 24% des Québécoises songeaient à investir dans des fonds de placement, contre 40% des Québécois, selon un sondage réalisé pour le Groupe Investors. La moitié d’entre elles détenaient un portefeuille composé de divers produits financiers, comparativement à 63% des hommes. « En général, les Québécoises sont un peu plus prudentes en ce qui concerne leurs investissements », raconte Liane Chacra. Dans l’ensemble, la gent masculine affectionne les portefeuilles plus audacieux et réalise davantage de transactions, ce qui mine d’ailleurs souvent son rendement.

En revanche, les femmes maintiennent davantage la répartition de leurs actifs. « Elles aiment avoir une vue globale de leurs besoins », souligne Jean-Rémy Deschênes, responsable Affaires, vice-présidence Service gestion des avoirs, au Mouvement Desjardins, qui cite un sondage réalisé à la fin de 2007. Le financement des études, la préparation d’un budget, d’un testament ou d’un mandat en cas d’inaptitude interpelleront davantage les femmes. Le sexe opposé se soucierait plus des questions fiscales et de stratégie de retraite. Au lieu de différences irréconciliables, plusieurs conseillers voient plutôt dans ces traits dominants des forces complémentaires. « Quand on a un couple, il devient essentiel – même capital – que le conseiller ait les deux conjoints devant lui, suggère JeanRémy Deschênes. La vision des deux engendre une planification financière idéale. »

AMPLIFIER SES QUALITÉS DE CONSEILLER

La moitié de la clientèle que rencontre Christian Harvey se compose justement de couples. Planificateur financier à la Banque Nationale, il en est lui aussi venu à la conclusion qu’en étant différents hommes et femmes deviennent forcément complémentaires. « C’est l’avantage de faire un travail en couple, souligne-t-il. Monsieur dit blanc et madame dit noir. On arrive à du gris, à des données bien plus réalistes. »

Lorsqu’il travaille avec un couple, le conseiller montréalais insiste pour voir les deux conjoints. « Parce que les décisions se prennent en couple », rappelle Christian Harvey. Cela peut sembler une évidence. Pas si sûr. « Souvent, monsieur, ou celui qui prend les décisions financières, veut me rencontrer seul », relate-t-il. Les motifs sont valables: efficacité, rapidité, disponibilité. L’argument du conseiller est toutefois le suivant: si la femme, par exemple, n’a pas l’habitude de prendre les décisions financières, elle participe cependant aux autres décisions majeures (vacances, études, etc.), qui auront un impact financier certain. Détail technique: le courriel s’avère un excellent outil de planification de rendez-vous à trois, a-t-il noté.

« Lorsqu’on traite avec des couples, on travaille à une vision et à des buts communs qu’ils souhaitent réaliser ensemble », précise Liane Chacra. À quel âge l’un et l’autre veulent-ils prendre leur retraite? À quel rythme veulent-ils voyager? Quelles sont les priorités dans le couple? Combien consacrer à l’épargne, aux vieux jours ou aux plaisirs immédiats? À deux, des divergences d’opinions se manifestent inévitablement. « Il y a beaucoup d’aspects psychologiques», signale Christian Harvey. Lors des rencontres, l’écoute active, le tact, la bonne communication et les autres habiletés que déploie d’ordinaire le conseiller se trouvent du coup amplifiés.

« Les personnes ne réagissent pas de la même manière aux mêmes termes », illustre Jean-Rémy Deschênes. Le conseiller devient aussi intermédiaire, voire conciliateur. « Il doit être impartial et tenir compte des opinions, objectifs ou priorités qui sont quelquefois en contradiction dans le couple, remarque Christian Harvey. Il doit voir et prévoir les deux côtés de la médaille. » Et surtout se garder de prendre parti, au risque de contrarier l’autre douce moitié. Un des points sensibles qui oppose souvent les concubins est la détermination du budget et du coût de vie, reflet par excellence de la personnalité et des préférences de chacun. Si un désaccord perdure, le conseiller renvoie les époux faire leurs devoirs et planifie une autre rencontre.

La planification financière à deux n’est pas à l’abri de quelques syndromes. Le premier? Rechercher la perfection. « On veut trop être parfait dans nos calculs, déplore Christian Harvey. Le piège, c’est de n’aboutir à aucun résultat. » L’autre piège? Effectuer des choix financiers trop prudents. « Madame est plus modérée et monsieur est plus audacieux, poursuit-il. On coupe la poire en deux, mais on est souvent trop frileux. » Entre autres outils, le planificateur se dote d’un profil d’investisseur de couple, qui reflète celui de chacun des conjoints.

La planification financière en tandem exige, bien sûr, plus de temps. Elle offre toutefois l’avantage d’obliger le couple à en décortiquer et à en négocier chaque composante. Comme deux têtes valent mieux qu’une, le plan de match conjugal s’en trouve d’autant bonifié. « En général, quand les deux sont intéressés, ils vont se stimuler l’un l’autre, observe Christian Harvey. Si l’un tire de l’arrière, l’autre le pousse. » L’investisseur seul n’est pas appelé à verbaliser autant ses idées et sa vision de vie. Voilà pourquoi s’il est en couple, il a intérêt à travailler en duo. « L’homme et la femme sont le yin et le yang, le positif et le négatif, rappelle Liane Chacra. Je pense qu’ils sont complémentaires, ce qui fait leur succès. »

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Claude Couillard