Pour qui, la vie universelle ?

Par Fabrice Tremblay | 5 août 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les hausses de tarification qu’elle connaît depuis deux ans et ses perspectives de rendement modestes ont une incidence sur le produit vie universelle (VU). « En 2012, la vie universelle était en perte de vitesse au Canada, ayant recueilli seulement 37 % des primes des polices d’assurance vie vendues dans l’industrie, par rapport à 50 % il y a dix ans, souligne Saundra Edwards, vice-présidente adjointe, développement du marketing à la Great-West, London Life et Canada-Vie. Compte tenu de la volatilité des marchés boursiers et de la précarité du climat économique, on constate dans l’industrie une baisse des souscriptions de polices d’assurance vie universelle, au profit de l’assurance temporaire et de l’assurance vie entière traditionnelle », dit Mme Edwards, qui ajoute que sa compagnie continue à croire en ce produit.

Malgré tout, la demande se maintient à un niveau significatif. « La vie universelle est encore l’objet de beaucoup de ventes, affirme Louis-Charles Leclerc, directeur, produits d’assurance à l’Industrielle Alliance. Cependant, on a vu que certains conseillers avaient migré vers des produits temporaires, sans doute parce que le prix d’un produit permanent est rendu beaucoup plus cher qu’avant. Le phénomène de migration vers les produits temporaires est assez important pour qu’on le remarque. »

La clientèle typique de l’assurance vie universelle est peut-être en train d’évoluer. À la base, la composante épargne avait été conçue pour offrir la possibilité de faire fructifier de l’argent à l’abri de l’impôt. Entre le faible niveau d’épargne des ménages au pays et l’ajout de nouveaux outils d’épargne, cet avantage fiscal ne concerne qu’un petit nombre de contribuables très fortunés ou d’entreprises qui assurent un employé-clé. En effet, il est habituellement reconnu qu’avant d’investir massivement dans un tel compte, il est préférable d’avoir utilisé tous ses droits REER et CELI. Ceux-ci restent plus avantageux fiscalement et sont plus flexibles.

Mais les changements récents sur le marché de l’assurance vie font en sorte qu’une autre clientèle se développe, en plus du segment spécifique des contribuables fortunés. « À l’Industrielle Alliance, nous avons toujours été plus impliqués dans le marché dit familial. La vie universelle peut quand même être un bon produit d’assurance pour ce marché, car il offre une certaine souplesse quant aux paiements », explique M. Leclerc. De jeunes parents peuvent donc se procurer une protection d’assurance à court terme pour protéger leur famille, tout en accumulant de l’épargne à long terme.

Par ailleurs, le fait que plusieurs assureurs aient retiré du marché leur police Temporaire 100 ans (T100), par manque de rentabilité et en raison des coûts, favorise les ventes de VU. C’est ce qu’observe Lucie De Paola, directrice des ventes à la Financière S_entiel, un agent général de Laval. « Comme il n’y a presque plus de T100 offertes, les conseillers vendent actuellement la vie universelle dans le marché familial. L’avantage est qu’il y a un taux garanti au contrat et que le produit est abordable, ou même moins cher qu’une T100 pure, souligne Mme De Paola. Ce n’est pas ce pour quoi le produit a été conçu à l’origine, mais c’est ce qu’on constate actuellement. »

L’aspect du coût est donc important dans le maintien de la demande. « Le coût nivelé a augmenté de façon considérable. Il est de plus en plus près du coût de la vie entière, mais il reste inférieur », souligne pour sa part Daniel Guillemette, président du cabinet Diversico, Experts-conseils.

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Une période peu propice

Il n’en demeure pas moins que le contexte est bien particulier pour toute personne qui a besoin d’acquérir un produit d’assurance permanent, que ce soit une VU ou une vie entière. Tous les assureurs ont augmenté leur tarification pour leurs produits permanents au cours des trois dernières années. La principale raison est le maintien des taux d’intérêt à un bas historique. Lorsque les compagnies d’assurance acquièrent des obligations à long terme pour garantir les contrats d’assurance émis, elles ne peuvent plus espérer obtenir des rendements similaires à ceux d’il y a cinq ans, et encore moins à ceux d’il y a 10 ou 20 ans.

On peut donc considérer qu’une personne qui acquiert aujourd’hui un produit permanent dont tous les paramètres sont fixés pour toujours, comme c’est le cas dans la VU, paie le plus haut prix possible. Si les taux d’intérêt finissent par remonter, les primes des nouvelles polices dans quelques années devraient logiquement redescendre. Mais comme dans bien des aspects de la conjoncture économique, il est difficile d’avoir des certitudes sur cette question.

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a déjà eu dans le passé des périodes plus avantageuses pour souscrire à une police VU. « Pour une personne qui avait acheté une police dans les années 1980, le produit est tellement peu cher par rapport à la protection offerte que c’est presque inespéré de l’avoir encore entre les mains », remarque M. Guillemette.

De réels avantages

Les hausses de tarification des produits permanents les rendent plus difficiles à présenter aux clients. Comment, dans ce contexte, rendre le produit attrayant ? Pour vendre la VU, le principal argument invoqué n’est pas le prix, mais plutôt la flexibilité. « La vie universelle fournit une solide protection d’assurance permanente aux clients. Ce produit leur offre beaucoup plus de souplesse au chapitre des primes qu’une police d’assurance vie entière traditionnelle, et leur permet de protéger tous les membres de leur famille au moyen d’une seule police, note Mme Edwards. La souplesse propre à la vie universelle vous permet de modifier votre protection selon l’évolution de votre situation personnelle. »

M. Leclerc croit aussi que la flexibilité est le principal avantage mis de l’avant par les conseillers. « Dans la VU, on peut se bâtir un petit coussin supplémentaire à l’intérieur de la police, qui est le fonds de la police », dit-il. Même avec de petites contributions additionnelles, ce compte d’épargne peut se révéler utile à long terme. On peut imaginer le cas d’un client qui atteint 80 ans, qui perd un peu de ses facultés, et qui oublie de payer une prime annuelle. L’assurance ne sera pas annulée si la prime peut être payée par l’argent accumulé dans le compte d’épargne.

Spécifique à la VU, le compte exempté d’impôt est plus ou moins utilisé, selon les types de clientèles et selon les recommandations du conseiller. Les investissements dans les fonds indiciels ont mieux performé depuis les trois dernières années, après la période difficile qui a suivi 2008. Des conseillers reprochent cependant au produit les frais de gestion particulièrement élevés pour ces types de fonds dans le cadre de la VU. Les fonds garantis, de types CPG, peuvent être perçus comme une avenue intéressante dans le contexte actuel. Les taux offerts par les compagnies d’assurance varient entre 1 et 2 %. La plupart des compagnies offrent un boni d’investissement, qui varie entre 1,25 et 1,5 %. Au bout du compte, cela fait un taux minimum garanti de 2,25 à 3,5 %.

Pour les conseillers, un client qui a investi dans des fonds indiciels dans le cadre de son assurance vie peut cependant représenter plus de travail. Lorsqu’il y a eu des variations importantes il y a quelques années, leur téléphone a sonné plus souvent. Certains peuvent donc être tentés de recommander plutôt les comptes garantis pour leurs clients qui choisissent la VU.

Plusieurs conseillers aiment présenter à leurs clients une comparaison entre les assurances vie universelle, temporaire et vie entière. La vie universelle se vend encore, mais comment est-elle utilisée désormais ?

En 2012, la vie universelle a recueilli seulement 37 % des primes des polices d’assurance vie vendues au Canada, par rapport à 50 %il y a dix ans.

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Fabrice Tremblay