Investir en pleine pandémie : qui fait quoi?

Par Martin Morin | 11 novembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un homme et une femme se tenant chacun sur une pile de pièces de monnaie.
Photo : leolintang / iStock

En septembre dernier, Conseiller publiait un article intitulé Les femmes, grandes négligées des conseillers, dans lequel on pouvait lire que les investisseuses sont généralement mal servies par leurs conseillers en services financiers, alors qu’elles s’enrichissent aujourd’hui plus rapidement que les hommes. De plus, selon un rapport de la CIBC World Market, elles détiendraient 70 % plus d’actifs dans 10 ans qu’aujourd’hui. Qu’en est-il donc des différences entre hommes et femmes lorsque vient le temps de se bâtir un nid de sécurité en cette année trouble?

« Je ne vois pas beaucoup de différences entre les hommes et les femmes, indique tout de go André Buteau, planificateur financier à la Financière Liberté 55. Je généralise, les femmes sont peut-être plus conservatrices dans leur portefeuille, mais je n’ai pas de statistiques. C’est plus une impression d’observation ».

Le Pl. Fin. s’est retrouvé à conseiller des gens qui n’étaient pas ses clients au début de la crise sanitaire. Inquiets, ceux-ci craignaient de tout perdre lorsque les marchés se sont mis à baisser au mois de mars, il a donc fallu calmer les moments d’angoisse de certains… tout en calmant la frénésie des autres.

« Des femmes étaient prêtes à rentrer d’un coup dans le marché et il fallait calmer les ardeurs en raison des incertitudes reliées à la pandémie, et à tout ce qui se passe au niveau mondial ainsi qu’au sud de notre frontière. On y va donc de prudence », ajoute-t-il.

De son côté, la planificatrice Laurie Therrien a perçu une différence dans la manière dont sa clientèle, hommes et femmes, a fait ses choix au cours des six ou sept derniers mois. « Les gens sont généralement plus prudents et moins optimistes. Leurs décisions d’investissement sont davantage influencées par les informations qu’ils entendent concernant la COVID-19. Ils sont davantage concentrés sur le court terme, et en oublient leurs objectifs à long terme, ce qui est loin d’être l’idéal puisqu’il est important de demeurer centré sur la stratégie d’investissement à long terme que l’on a élaborée avec eux. Je dirais que cela se voit autant chez les femmes que chez les hommes ».

Elle ajoute : « Et s’il y a une différence marquée entre les décisions des investisseurs et investisseuses, cela se voit moins avec la situation actuelle. Je dirais que les hommes semblent autant préoccupés par leurs finances que les femmes. »

INVESTIR DE MANIÈRE RISQUÉE OU RESPONSABLE?

Toutefois, dans un contexte qui fait abstraction de la présente pandémie, les différences entre les choix des hommes et des femmes face au type d’épargne privilégié sont assez marquantes, selon Laurie Therrien.

« Généralement, les femmes vont demander des investissements moins risqués, plus prudents. Elles vont davantage s’assurer d’avoir un fonds d’urgence en place. De leur côté, les hommes vont davantage prioriser les investissements audacieux, axés sur la croissance, même s’ils n’ont pas encore de fonds d’urgence, par exemple. Et dans les dernières années, j’ai aussi reçu plus de demandes pour les investissements socialement responsables de la part des femmes », ajoute-t-elle.

L’ESG A LA COTE CHEZ LES FEMMES

Pour Sylvain de Champlain, président du groupe financier éponyme, la recrudescence d’intérêt envers les fonds ESG cette année s’avère plus importante que prévu. « On est rendu là. Je pense que ce n’est plus une question de tendance. C’est une question de réalité actuelle précipitée par l’effet Greta [Thunberg] l’année dernière, et accentuée par la COVID-19 cette année qui a amené les gens à ce constat. »

Le PDG dissipe d’ailleurs rapidement les craintes liées à ce type d’investissement. « Ce n’est plus vrai que les fonds ESG, qu’on appelait les fonds verts à l’époque, sont moins rentables. C’est ce qu’on disait il y a 10 ans. Aujourd’hui, ce n’est c’est plus vrai. Il y a même des études qui démontrent que dans les derniers cinq ans, les investissements responsables ont performé davantage que les fonds traditionnels. »

Et à propos des variations entre les investissements provenant des hommes ou des femmes, il affirme que ces dernières font preuve de plus d’ouverture. « On dirait que les hommes sont un peu en arrière par rapport à l’investissement responsable. Les femmes de façon générale sont plus là, ça les touche davantage. Ça fait 34 ans que je fais ce métier-là. Aujourd’hui, il y a moins d’écart entre les hommes et les femmes, c’est plus difficile de cerner un écart comparativement à il y a 30 ans. Les femmes sont sur le marché du travail et ont un leadership d’une ampleur que les générations précédentes n’avaient pas », explique Sylvain de Champlain.

« Si j’avais à différencier les femmes investisseuses des hommes, je dirais que les femmes ont le côté discipline, le côté humain, la relation humaine avec le conseiller, la relation de confiance. Cet aspect humain amène le volet ESG. Les femmes nous en parlent plus que les hommes. Elles sont très heureuses de voir que leur conseiller va vers cet aspect-là. C’est plus leur trait de caractère en investissement », conclut-il.

À propos de l’investissement responsable, Laurie Therrien ajoute : « Il y a 10 ans, il pouvait y avoir deux ou trois clients par année qui me parlaient d’investissement vert. Aujourd’hui, ce chiffre est beaucoup plus important. Je le vois beaucoup chez mes clients qui sont dans la vingtaine et la trentaine. Pour cette génération, je vois maintenant autant de demandes provenant d’hommes que de femmes à ce sujet. »

Martin Morin