De quoi sera fait le métier de conseiller post-COVID?

Par Martin Morin | 22 mai 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Personne n’a vu venir la crise financière engendrée par la pandémie, qui a fait le tour de la planète plus rapidement que le temps de dire « panique boursière ». Il revient aux professionnels en services financiers d’être présents auprès de leurs clients, d’avoir l’empathie nécessaire pour répondre à leurs nombreuses questions et de les aider à en tirer des leçons. Mais une fois la crise passée, quelles traces restera-t-il de tout ceci?

Voici comment ces experts entrevoient l’avenir du conseil financier post-coronavirus.

1- Quels gestes posés avec la clientèle en ce temps de crise vous semblent les plus judicieux?

Fabien Major, associé principal et fondateur de Major Gestion privée Assante : Il faut être présent. Plus que jamais, les clients ont besoin d’un guide et d’une voix rassurante. On doit être proactif et contacter directement TOUS nos clients pour, d’abord, s’informer de ce qu’ils vivent, puis afin de déterminer comment on pourrait mieux les seconder.

Bernard Viau, conseiller à la retraite : D’abord, contacter tout le monde sans aucune exception. Le conseiller qui s’en sortira est celui qui sera perçu comme un ange gardien en sachant répondre aux insécurités des clients.

Jean Dupriez, planificateur financier à Valimax : Il faut garder un contact plus fréquent et leur rappeler ce que j’enseigne de façon constante à mes clients depuis 1985 : garder le cap!

Funda Dilaver, fiscaliste à Placements CI : De notre côté, nous adoptons une approche proactive avec nos clients en les conseillant sur les idées de planification fiscale en temps de crise.

Jean-Pierre Lauzier, expert-conseil et consultant en vente, service à la clientèle et mise en marché à JPL Communications : Cette crise force tout le monde à sortir de sa zone de confort et cela révèle la vraie nature des gens. C’est la même chose pour les conseillers en services financiers. Est-ce que cette période de crise démontre la solidité ou la fragilité du professionnel, son désir sincère d’aider le client ou de s’enrichir d’abord, etc.?

Les conseillers mal intentionnés vont se faire démasquer. On a l’impression que les affaires, c’est beaucoup plus une question rationnelle qu’émotionnelle, mais les professionnels doivent savoir gérer les émotions du client avant de lui proposer des stratégies rationnelles gagnantes.

2- Les métiers du secteur financier ont-ils des leçons à tirer d’une crise aussi rapide et importante?

Fabien Major : Oui. La stabilité économique est TRÈS fragile. La planification financière est de plus en plus importante. Un bon plan complet insérera toujours des scénarios catastrophes et des périodes de forte volatilité. Sans être « prévisionniste », on peut tempérer les élans d’optimisme et répéter les bienfaits de la diversification.

Bernard Viau : Les conseillers doivent s’adapter rapidement pour survivre. Mais ce sont surtout les institutions financières, les décideurs, qui ont énormément de leçons à tirer de cette crise, plus encore qu’en 2008. Elles devront accélérer le passage au numérique, à la sécurité informatique des informations et, surtout, s’engager résolument dans le développement de robots conversationnels intelligents (chatbots), ce qui n’est pas le cas actuellement.

Jean Dupriez : Instruire et éduquer son client est payant en fidélité.

Funda Dilaver : On sait maintenant que le marché financier peut présenter des creux plus importants qu’anticipé. Les statistiques historiques peuvent être trompeuses.

Jean-Pierre Lauzier : Des crises, il y en aura toujours, mais on ne sait pas quand cela va se produire. Par contre, l’économie a toujours progressé à long terme, et c’est dans cette perspective que les conseillers en services financiers doivent encadrer leurs clients et ne jamais paniquer en cas de crise.

3- Prévoyez-vous des changements au métier de conseiller post-COVID?

Fabien Major : Le télétravail est devenu un levier de croissance. Il est là pour rester. Les conseillers bien équipés dans un univers sans papier et entourés des technologies favorisant les échanges et transactions à distance se démarquent déjà et vont renforcer leur pratique. Les clients perçoivent toujours la fréquence élevée des contacts comme une valeur ajoutée importante. Les conseillers réticents aux changements et peu enclins à se servir des nouveaux outils de travail seront pénalisés.

Bernard Viau : Plusieurs changements sont à prévoir et il serait long de les expliquer. Un exemple parmi d’autres : les profils d’investisseur classiques devront intégrer de nouvelles questions pour mieux juger de l’insécurité des clients et de leur « nouvelle » tolérance au risque.

La relation conseiller-client se retrouvera-t-elle renforcée ou fragilisée au sortir de cette crise? Tout dépend des professionnels et des cabinets. Certaines firmes disparaîtront, car elles ne sauront pas s’adapter rapidement. Par contre, si les conseillers réagissent adéquatement et sans délai, la relation pourrait plutôt se trouver renforcée.

Jean Dupriez :  L’informatisation des services financiers sera accélérée. L’intelligence artificielle pourrait améliorer les outils de recherche et d’analyse. Cependant, seul l’être humain est capable de réunir réflexion et sensibilité. Le retour à la situation antérieure se fera vite, sauf pour quelques idées originales, mais très rares.

Funda Dilaver : Je suis sûre que le lien entre client et conseiller sera renforcé. Quels conseils ont reçu les investisseurs qui font des transactions avec des FNB seulement pour faire face à l’effondrement du marché? La plupart ont vendu leurs placements. Or, s’ils avaient eu des professionnels vers qui se tourner, ils les auraient gardés. Depuis, le marché a augmenté de 15 à 20 %.

Jean-Pierre Lauzier : La relation entre certains conseillers et leurs clients sera renforcée, mais pour d’autres, elle s’en trouvera fragilisée. Le représentant doit se voir comme un aidant financier pour son client; son travail est de l’assister selon ses besoins spécifiques et uniques en trouvant des solutions qui conviennent tout en démontrant beaucoup d’empathie.

Il ne faut pas oublier que dans tout cela, les conseillers vivent également des incertitudes. Plusieurs initiatives visant à vous fournir des ressources pour vous appuyer ont été mises en place. N’hésitez pas vous aussi à aller chercher l’aide requise.

Martin Morin