OPINION – Formation continue : à bas les répétitions!

Par Gaëtan Vallée, collaboration spéciale | 3 Décembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Homme exprimant un air d'ennui devant son ordinateur.
Photo : piksel / 123RF

Je suis bien d’accord avec les constats du texte Formation continue : du ménage à faire, publié dans l’édition de novembre-décembre du magazine Conseiller, concernant l’offre de formation continue aux conseillers. Mais il reste un autre problème qui n’a pas été abordé.

Il affecte surtout les conseillers qui possèdent de multiples permis. Ça fait près de 30 ans que je suis dans le domaine. J’ai un permis en valeurs mobilières (auparavant en épargne collective), en assurance de personnes (même si je ne pratique plus) et en planification financière.

Beaucoup de conseillers sont dans cette situation. Nous avons plusieurs permis afin de bien servir les clients, qui n’ont plus à développer des relations avec de nombreux intervenants afin de bien couvrir tous leurs besoins.

Je fais affaire avec quatre organismes distincts : l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), la Chambre de la sécurité financière (CSF) et l’Institut québécois de planification financière (IQPF). Ils ont tous comme mission « la protection du public ».

Nul n’est contre la vertu. Mais il semble que bien qu’ils s’adressent souvent aux mêmes individus, on dirait qu’ils ne se parlent pas beaucoup. Quatre organismes qui, au nom de leur mission, se demandent dans leur silo respectif comment ils vont atteindre leur objectif de protection du public.

Leur réponse commune : la formation et la conformité, dont ils ont tous développé leur propre formule. L’article « Les hauts et les bas de la formation continue », publié dans la même édition de Conseiller, cite bien les enjeux au chapitre du développement des formations, de la qualité de celles-ci, de leur disponibilité et aussi des coûts.

TROP, C’EST COMME PAS ASSEZ

De mon côté, je veux surtout vous parler des unités de formation continue (UFC) qu’il faut obtenir en conformité. La matière se ressemble énormément, que le cours soit donné par la CSF, l’OCRCVM ou l’IQPF. Ça fait au moins 142 fois que je me fais répéter, le plus sérieusement du monde, par des personnes intelligentes et bien intentionnées j’en suis convaincu, qu’il ne faut pas falsifier de signatures, qu’il faut faire une analyse des besoins financiers, prendre des notes et faire passer l’intérêt du client avant le nôtre.

À toutes les occasions, elles répètent que c’est pour la protection du public qu’elles doivent insister sur ces aspects. Combien de fois devrai-je encore me taper les mêmes commentaires d’ici ma retraite? Tous les deux ans, je dois obtenir 10 UFC en conformité auprès de la CSF, 10 à l’IQPF et 10 autres à l’OCRCVM (aux 3 ans dans le cas de ce dernier). Ça fait beaucoup de belles paroles répétitives. Et ça coûte cher en temps mais aussi en dollars.

Je sais que chaque année, les autorités attrapent des conseillers qui ont tourné les coins ronds et transgressé les règles. Mais pour 99 % des conseillers, une large part de ces formations n’a pas de valeur parce les principes présentés sont intégrés depuis longtemps. Je ne prétends pas que les formations en conformité ne sont plus nécessaires. Au contraire : les lois changent, la pratique évolue, alors il est important d’être à jour en tout temps.

UNE PISTE

Au lieu de simplement me plaindre, je propose une solution qui permettrait d’alléger le fardeau des conseillers et celui des organismes de réglementation, tout en réduisant les coûts.

Je n’ai pas fait d’analyse exhaustive, mais avec mes 30 ans d’expérience, je me permets d’avancer que près de 50 % du contenu des formations en conformité est similaire, surtout en ce qui concerne la déontologie et l’éthique. Je sais qu’il y a du contenu fort différent d’une instance à l’autre. Les règles qui touchent, par exemple, la pratique en valeurs mobilières et celle en planification financière sont fort différentes… sauf ce qui touche la déontologie et l’éthique de travail.

Je propose alors que ces organismes se parlent et fassent un effort afin d’uniformiser ou harmoniser les exigences en ces matières. Ainsi, nous pourrions avoir à chaque cycle l’obligation d’obtenir 5 UFC en conformité « utilisables » autant à l’OCRCVM, à la CSF qu’à l’IQPF.

Ensuite, selon les permis détenus, nous devrions aller chercher 5 autres UFC de chacune de ces instances, qui ne couvriraient que les aspects uniques touchant ces professions. Dans mon cas, (et celui de plusieurs autres), j’aurais un total de 20 unités à obtenir à chaque cycle plutôt que les 30 actuelles. Nous épargnerions ainsi 10 heures et des centaines de dollars.

Fini le temps perdu qui frustre tout le monde parce qu’on n’y entend que du réchauffé. J’ai assisté il y a quelques semaines à une telle formation en conformité et la grogne était palpable et puissante. Ce n’était pas drôle pour les formateurs, qui ont reçu plusieurs critiques. Ils travaillent fort eux aussi, sont de bonne foi et font sûrement de leur mieux, je n’en doute pas une seconde.

Mais si les lois et règlements évoluent, les autorités aussi doivent être capables de changer et s’adapter. Elles ne peuvent plus travailler en vase clos. Il est temps d’alléger les formations en conformité pour le bien de tous.

L’argent habituellement déboursé pour organiser la formation pourrait plutôt être investi dans davantage d’inspections pour identifier les fautifs, plutôt que de forcer les autres à se taper toujours les mêmes discours, qui s’adressent surtout au 1 % des conseillers moins consciencieux… Je pense que la protection du public y gagnerait.

Gaëtan Vallée, Pl. Fin.

Gaëtan Vallée, collaboration spéciale